"Chansons & musiques traditionnelles des îles anglo-normandes"
Lihou "Réveillez-vous car il est jour"
https://laloure.org
Rappel : Joli gris jaune "La longue errance"
Tiennet Simonnin : voir à partir de : Mister Klof "Le galant indiscret"
On fit monter le troubadour de l'Auvergne et la gaité se développa en proportion du bruit que faisait l'instrument. Bien qu'en général l'étudiant soit artiste, il a dans ses festins l'oreille d'un Huron. Tel bruit capable d'épouvanter une troupe de bison sauvages l'enivre alors de bonheur et de joie. Ce jour-là, s'il le pouvait, il réunirait dans sa cellule le Marquis avec son tambour basque, le Piémontais avec son orgue de Barbarie, les petits Savoyards avec leur veille, et tel est son faible pour le vacarme qu'il irait chercher même les tambours de la légion, s'il croyait que ceux-ci voulussent consentir à compléter son orchestre. Malheur au voisinage si, dans ses jours de goguette, l'étudiant vient à mettre la main sur un fifre, un trombone, ou quelque cor de chasse, car les chiens épouvantés jetteront leurs cris de douleurs, et Dieu sait quel concert infernal se pourra faire entendre alors
On peut entendre Joseph Ligault sur Youtube et Facebook
Je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises du guitariste Arnito, de ses albums le plus souvent dématérialisés et réalisés en solo et en multi-pistes.
Oubliez un peu tout cela car c'est un album bien concret que j'ai reçu dans ma boîte aux lettres (je ne chronique plus les dématérialisés) et, seconde surprise, celui-ci est un duo avec un autre pinceur de cordes et chanteurs : Adama Koeta et sa kora, musicien issu d'une famille de griots burkinabés (mandingue).
Ce qui n'empêche tout de même pas l'usage du multi-pistes puisque Arnito, sur sa guitare 7 cordes, donne la réplique à la kora mais assure également les accompagnements au violoncelle (joué comme une basse), à la basse, aux percussions et même quelques choeurs...
L'album est entièrement composé par les deux protagonistes, cosigné même puisque le livret ne distingue pas de compositeur particulier par plage. Quant-au textes des 5 chansons, elles sont dues à Adama et on regrettera juste de ne pas en avoir la traduction.
Pas de traditionnels donc dans cet album et si les morceaux chantés, avec une voix haut placée,sonnent résolument Afrique de l'Ouest, les autres plages puisent à bien d'autres sources musicales et c'est sur ces autres répertoires que l'on mesure les talents de musicien d'Adama Koeta qui adapte le jeu de sa kora, abandonnant le phrasé particulier de cet instrument pour se rapprocher parfois d'un jeu de guitare (alors que la kora est plutôt une forme de harpe, avec autant de cordes que de notes). Écoutez notamment la plage 5 "Diana Môgô" qui sonne quelque part entre flamenco, Balkans et Afrique du nord et où la kora n'hésite pas à jouer au premier plan avec un jeu incisif et parfaitement dans la couleur ad'hoc.
Dans les années 90 ce type d'album aurait conduit à disserter un peu stérilement sur les notions de métissage, aujourd'hui, fort heureusement, on entend surtout deux musiciens, complices, en pleine maîtrise de leurs instruments et suffisamment bon musiciens pour se fondre dans des styles divers et échanger leurs connaissance pointue de certains de ceux-ci.
http://arnito.net et https://adamsgoni74.wixsite.com/adama-koeta-kora
Rappels : Arnito, voir à partir de "IR"
Les éditions ZeroNoveNove me permettent régulièrement de faire connaissance avec de nouveaux artistes italiens (et de vous faire partager ces rencontres musicales) mais cette fois-ci je retrouve un groupe qui figure depuis pas mal d'années dans ma discothèque même si je n'avais pas eu l'occasion de les chroniquer (1). Avant de rédiger le présent papier j'ai donc, comme je le fais souvent, non seulement écouté le nouvel album, mais réécouté les précédents.
Farauala est donc un quartet vocal féminin italien de plus de 25 ans d'existence (l'un de mes albums est daté de 1999, elle auraient débuté en 95) avec une composition (2) qui n'a que légèrement varié dans le temps et même leur percussionniste Pippo d'Ambrosio leur est toujours resté fidèle ce qui ne l'empêche pas d'être secondé ici par d'autres invités. Elles auraient d'ailleurs bien tort de s'en séparer car il tient parfaitement son rôle, toujours au service des voix, sans jamais chercher à se mettre en avant ou à occuper l'espace sonore.
Ce n'est toutefois pas à proprement parler un groupe de chants traditionnels italiens, d'une part parce que leur répertoire comporte peu de traditionnels (un seul dans le présent opus, pas plus dans celui de 2008 et cinq dans celui de 1999) mais également parce que leur inspiration puise à des sources de divers pays comme en témoignent d'ailleurs les diverses langues utilisées. Le répertoire de ce CD doit donc directement ou plus indirectement à Tom Waits, Wall Disney, Baudelaire et Elsa Morante pour ne citer qu'eux. Précisons également que c'est l'un des piliers du quartet : Gabriella Schiavone qui écrit, compose et arrange.
Mais si le groupe puise peu dans le répertoire ancien, le chant traditionnel ou plutôt les chants traditionnels (de diverses origines) sont toujours sous-jacents dans l'inspiration musicale, dans les techniques vocales utilisées, dans les harmonies et dans l'esprit qui anime le quartet, cette dynamique particulière aux groupes vocaux traditionnels et plus particulièrement celle des groupes italiens comme le décrivait si bien la regrettée Giovanna Marini.
Tout cela sans se prendre trop au sérieux, en expérimentant un peu parfois mais sans jamais verser dans le contemporain abscons, avec souvent une touche d'humour plus ou moins appuyée et ce même si le titre de l'album fait référence à certaines importantes problématiques actuelles. Leur interprétation de Bella Ciao qui conclut l'album est d'ailleurs un bel exemple de cette dualité, avec une voix principale et une caisse claire dans un ton tout à fait militants et un accompagnement vocal plutôt iconoclaste qui finit toutefois par s'effacer.
Voilà donc un bel exemple de ce que l'on peut faire aujourd'hui avec des matériaux en partie traditionnels avec l'intelligence de ceux qui ne cherchent pas pour autant à faire actuel à tout prix....
http://www.zeronovenove.com
http://www.faraualla.com
(1) j'avais du acheter les deux albums en question en magasin en France, eet aujourd'hui avec internet il est facile de se procurer tous ces albums et sans même alimenter l'un des GAFAM...
(2) Gabriella Schiavone, et Teresa Vallarella depuis le début, Maristella Schiavone présente dès 1999 mais qui semble avoir fait une pause, et Loredana Savino qui a semble avoir remplacé une chanteuse de même prénom...
Rappels :
Faraualla "Faraualla" (1999) .
"Sind" (2002)
"Faraualla, Musiche popolari dell’Italia Meridionale"(Live al Quirinale) " (2007)
"Sospiro" (2008)
"Ogni Male Fore" (2013)
Auxquels il faut ajouter :
"Miragre!" Calixtinus feat. Faraualla (2012)
Cet album est le deuxième de cette chanteuse italienne dont j'ai le plaisir de vous entretenir mais elle en a au moins trois autres à son actif sans compter ceux plus anciens au sein du Canzoniere Grecanico Salentino et des collaborations avec divers musiciens dont la renommée dépasse largement celle des musiques traditionnelles. C'est une chanteuse qui a du métier mais qui demeure les pieds (et la voix) solidement ancrées dans la tradition, celle des Pouilles dont elle est originaire et plus précisément du Salento (le talon de la botte italienne), ce qui ne l'empêche pas de puiser parfois dans d'autres répertoires méditerranéens (1). Et si cet album ne comporte que trois traditionnels (2) et si l'accompagnement instrumental est contemporain, sa voix suffit à nous transporter en Italie et, comme je l'avais déjà écrit pour son album précédent, elle sait insuffler une forte intensité dramatique à chacune de ces 12 chanson, quelqu'en soit le contenu et le caractère.
Elle se frotte ici à des musiciens qui ne font pas dans le style traditionnel, que ce soit Ernesto Nobili à la guitare électrique et baryton, Cristiano della Monica aux percussions (pas vraiment trads) et clavier ou encore deux invités, un guitariste électrique et un trompettiste. Je dois avouer que les accompagnements traditionnels d'Italie du sud me transportent toujours et que je suis donc un peu frustré par cette instrumentation plus passe partout mais nos deux accompagnateurs principaux ont réellement fait un travail de création et ne se contentent pas de plaquer des accompagnements de rock sur du trad comme on l'entend trop souvent depuis près de cinquante ans maintenant sous prétexte d'innovation musicale. Non, pas de riff de guitare électrique ici, pas de déchainements de cymbales mais un accompagnement beaucoup plus à l'écoute de la chanteuse, des musiciens au service de celle-ci, qui lui tissent un univers harmonique d'abord, discrètement rythmique ensuite et qui ne cherchent pas à se mettre en avant, si le son est électrique, on est souvent plus proche des accompagnement de Redi Hesa au violoncelle sur ses albums avec celui-ci que de l'univers rock. Mais lorsqu'elle prend son tambourin cela fait tout de même du bien et cela vient nous rappeler que, question efficacité musicale, ce petit disque de peau et ses cymbalettes peuvent aisément rivaliser avec les décibels d'un ampli de guitare...
Le livret nous donne l'intégralité des textes, cinq étant de Maria Mazzotta. Guère plus d'infos dans ce livret mais grace à cela vous pourrez en trouver des traductions sur internet et découvrir qui sont les auteurs-compositeurs Roberto de Simone, Alberto Piazza ou Massimo Giuseppe Marangio (je vous fait gagner du temps en vous livrant leurs prénoms en entier...).
Je signale pour finir que l'on pourra les écouter en France (Sud-Ouest et Paris) mais il faudra pour cela attendre 2025... En attendant l'album, comme les précédents est distribué chez nous...
(1) cet album semble bien toutefois rester sur le terrain de l'Italie du sud
(2) dont le livret ne nous indique malheureusement pas l'origine mais qui semblent bien venir du Salento.
Rappel : Maria Mazzotta, voir à partir de "amoreamaro"
Parmi ceux des compositeurs de l'époque baroque ayant écrit pour vielle ou musette, le nom de Jacques-Christophe Naudot nous est moins familier que ceux des Chédeville, Corette ou Bodin de Boismortier mais certaines de ses oeuvres ont pourtant déjà été enregistrées à la vielle par Michèle Fromenteau, Robert Mandel ou Mathias Loibner et à la musette par Jean-Christophe Maillard.
Cet album est le premier entièrement consacré à ce compositeur et sur lequel figure vielle ou musette et, en l'occurence, les deux, la musette sous les doigts de Jean-Pierre Van Hees et la vielle sous ceux de Tobie Miller. Se joint à eux comme troisième soliste Alexis Kossenko et si le nom de ce dernier apparaît en plus gros sur la pochette, ce n'est sans doute pas tant pour une renommée supérieure, mais parce qu'il est également le dirigeant des deux ensembles désormais fusionnés Les Ambassadeurs (qu'il avait fondé) et La Grande Ecurie et la chambre du roi (dont le nom reste attaché à celui de son fondateur Jean-Pierre Magloire dont il a pris la suite). Mais que cette fusion de deux ensembles ne vous fasse pas croire à un orchestre à gros effectif sur cet album : seuls deux violons, un violoncelle, un basson et un clavecin accompagnent nos trois solistes et ils s'en acquittent suffisamment bien pour que l'on ne regrette nullement un effectif plus important.
Si le nom d'Alexis Kossenko apparaît donc à juste titre en plus gros sur la pochette, il est probable (je n'ai pas vérifié) que l'album doive beaucoup à l'initiative de Jean-Pierre Van Hees qui signe d'ailleurs les cinq pages du livret sur Jacques-Christophe Naudot et les oeuvres interprétées ici : ses six concertos opus 17, curieusement présentés dans le désordre entrecoupés par le divertissement champêtre en trio pour musette, flûte traversière et violon, celui que Jean-Christophe Maillard avait déjà interprété sur le CD "Les festes galantes". Les 6 concertos sont, tour à tour, pour musette, vielle ou flûte (par ordre d'apparition n°6 pour musette, 2 pour flûte à bec, 5 pour flûte traversière, 4 pour vielle à roue, 1 pour piccolo et 3 pour musette) ) et l'accompagnement en basse continue par tout ou partie de l'ensemble clavecin, violoncelle et basson et très agréable, mais je dois avouer qu'en ce qui concerne la musette, je la préfère dans le divertissement en moindre effectif où elle s'harmonise mieux avec son entourgage musical. Mais pour le reste, violoncelle et basson donnent une assise sonore très intéressante. Je ne referai pas l'erreur que j'avais commise jadis en déplorant à propos d'un autre CD avec musette une balance qui ne mettait pas assez en avant cette dernière (et ici la vielle) mais dont j'avais pu constater par la suite qu'elle correspondait finalement mieux à la balance naturelle (1)...
La pochette et le livret sont illustrés de classiques de l'iconographie de ces instruments (à commencer par le célèbre Gaspard de Gueïdan en couverture), il manque toutefois l'indication des lieux de conservation de ces oeuvres (2) et pourquoi ne pas avoir profité de cet album produit par le château de Versailles pour mettre en valeurs les diverses représentations de musettes présentes dans cet édifice ? Une photo de Jean-Pierre et de Tobie instruments en main aurait également éclairé les auditeurs moins au fait de nos instruments et rendu justice à ces deux solistes puisque les autres musiciens sont présentés et même l'ensemble au complet avec les musiciens qui ne jouent pas sur cet album...
Editions Château de Versailles Spectacles http://www.chateauversailles-spectacles.fr
(1) les premiers vinyls et CD consacrés à la musette mettaient un peu artificiellement plus en avant l'instrument comme on pourra d'ailleurs le constater en comparant le présent enregistrement du divertissement champêtre avec celui de J.C. Maillard. Mais n'était-ce pas mieux de mettre ainsi en avant les solistes. C'est d'ailleurs ce qui semble fait ici avec la flûte à bec....
(2) : je complète donc pour ceux présentant des cornemuses : Musée Granet à Aix en Provence pour le Hyacinther Rigaud en couverture, Château de Versailles pour le Drouais de la page 5, Gemäldegalerie de Berlin pour le Watteau de la page 15, Musée de Saint-Lô pour le Marianne Loir de la page 29 (la localisation permettant ici de savoir de quelle version il s'agit) et National Gallery d'Edimbourg pour le Watteau en dos de livret
Rappel : Jean-Pierre Van Hees : Voir à partir de Jean-Pierre Van Hees "Cornemuses - Un infini sonore"
Voici un album qui est paru il y a presque un an (2022) et que j'avais un peu gardé sous le coude mais ne pensez pas pour autant que c'est parce qu'il ne me plait pas, bien au contraire, je n'aurai pas voulu faire une chronique trop rapide et comme la musique grecque n'est pas celle que je connais le mieux cela m'a conduit à repousser un peu trop ma rédaction.... On connait Bal O'Gadjo, le groupe qui compose des musiques de bal folk en utilisant instruments mais surtout le style musical des Balkans. On retrouve trois des cinq membres de ce groupe au sein de ce "grand ensemble" Filos (désolé pour la graphie) de sept musiciens : aux cordes de Paul Oliver, à la clarinette de Lucie Gibaux et aux percussions de Samuel Wornom, viennent s'adjoindre le violon de Raphaëlle Yaffee, les flûtes traversières de Damien Fadat; les percussions de Christophe Montet, et, surtout, la voix de Clémence Gabrielidis qui, seule ou secondées par les harmonies traditionnelles de Lucie et Raphaëlle, voire des autres membres du groupe (1), avec son beau timbre très légèrement voilé, apporte cette âme que seules les voix semblent pouvoir fournir.
Pas de référence à la danse sur la pochette de l'album : le groupe vise visiblement le concert mais pas le bal. Le répertoire est, par ailleurs, bien plus traditionnel. Le texte de présentation du groupe indique qu'ils jouent un répertoire grec, turque et kurde, les plages du CD sont principalement grecques, kurdes et arméniennes entrecoupées de deux compositions de Paul Oliver et d'une de Stélios Petrakis, toutes trois sur des textes d'auteurs grecs.
Attention, lorsqu'il est question de traditions grecques ici, chassez de votre esprit les clichés sur la musique grecque. Celle-ci est naturellement diversifiée et Filoç explore plutôt les couleurs balkaniques, voire orientales des ces musiques plutôt que celles de ce pays qui ont été les plus popularisées (il y a tout de même un rebetiko mais pas de bouzouki...).
Le livret donne les paroles de tous les chants dans leur langue ainsi qu'un résumé et/ou extrait en français. Il aurait juste pu être un peu plus détaillé sur les sources (Mitsos Stavrahakis) a même perdu son nom de famille...)
Tous ces musiciens maîtrisent parfaitement leurs instruments dans les styles de musiques dont il est question ici, ce qui n'exclut pas une part de modernité dans les arrangements, mais ceux-ci sont si bien intégrés qu'on en oublierait presque leur richesse et leur précision (allez sur leur site ou sur directement surYoutube jeter un coup d'oeil à la belle vidéo de l'un des titres filmé lors de l'enregistrement). A l'aveugle, un grec ou un kurde reconnaîtrait sans doute un accent musical étranger mais je ne suis pas certain que beaucoup d'entre nous détecteraient qu'il ne s'agit pas d'interprètes du cru....
(1) il y a même au moins une plage où les voix sont masculines...
Comme Bal O'Gadjo, Filoç fait partie du collectif de musiciens Cooperzic basé dans l'Hérault : http://www.cooperzic.com (attention leur ancien site, non à jour, est encore en ligne)
Rappel : Paul Oliver, Samuel Wornom et Lucie Gibaux de Bal O'Gadjo "Humeurs du monde"
Situation paradoxale : il est probable qu'un certain nombre de lecteurs de cette chronique auront eu la chance de pouvoir écouter le duo au Son Continu 2023 (ou ailleurs), tandis que je n'ai pas pu profiter de cette occasion (je les avais toutefois brièvement entendu dans le parc lors de l'édition précédente).
Mais j'avais, par contre, eu le plaisir de découvrir le talent de Daniela Heiderich dans le très bel album "Abfhart in fünf Minuten" du duo Zirla avec la harpiste autrichienne Merit Zloch dont elle s'est très certainement en partie inspirée pour construire son style de jeu.
Le titre de l'album de Zirla était d'ailleurs bien choisi puisque Daniela semble avoir pris un bon départ depuis lors et en jouant avec un de nos vielleux les plus réputés, elle se fait connaître du public français qui a toujours du mal à faire l'effort d'écouter les artistes germaniques (Merit Zloch mériterait d'ailleurs d'être bien plus connue par chez nous....). Daniela doit avoir des attaches avec les chemins de fer puisque le nouveau duo semble bien poser sur un pont ferroviaire sur le présent CD...
Mais passons au contenu : avant même la première écoute la mention de la présence de Gilles Chabenat ne nous laisse guère de doute sur le fait que nous allons avoir droit au son bien particulier de sa vielle électroacoustique : ce son ample lorsqu'il joue chanterelle seule dans le grave, ce chien précis, ces bourdons parfaitement accordés... Notons d'ailleurs que la vielle est mixée légèrement en arrière de la harpe de manière à ne jamais étouffer celle-ci. Les deux instruments ayant, de plus, des caractéristiques opposées (notes piquées de la harpe et son continu de la ville sauf exceptionnellement lorsque Gilles joue par acoups sur la manivelle), il est donc aisé de suivre la mélodie sur la harpe, les basses de celles-ci, le clavier de la vielle et son coup de poignée. Je ne revient pas sur le dispositif de distorsion acoustique de la harpe que Daniela utilise à bon escient lorsque cela s'avère utile.
J'avoue qu'à la première écoute, lorsqu'une cornemuse intervient j'ai cherché à deviner quel bon cornemuseux de ses amis Gilles avait pu inviter. J'ai du donner ma langue au chat et pour cause : c'est Daniela qui joue non seulement de la harpe mais également fort bien de la cornemuse. On en aurait bien entendu davantage. Sur la plage en question c'est une bonne idée que de jouer en instrumental une version traditionnelle différente de celle qui vient d'être chantée.
Car, comme nous l'avais déjà montré le CD de Zirla, Daniela chante également, d'une voix que l'on soupçonne d'avoir été un peu travaillée en classique. Elle interprète trois chants dont un en allemand et deux en français, presque sans accents. On pressent que sa technique vocale devrait encore progresser à l'avenir en gagnant en assurance et, par là même, en souplesse dans les mélismes.
Je ne vous ai pas encore parler du répertoire : tout d'abord deux mélodies issues de recueils allemands anciens qui prouvent encore qu'il y a bien des perles dans ces ouvrages et si la Polonaise sonne peut-être plus classique que trad., elle est tout à fait adpatée à une interprétation trad. Pour le reste deux traditionnels français et tout le reste de l'album de la plume de Gilles Chabenat.
http://www.bemolvpc.com
Rappel :
Daniela Heiderich : duo Zirla avec Merit Zloch : "Abfahrt in fünf Minuten"
Gilles Chabenat : voir à partir de voir à partir de
Lorsque je reçois un album de ce label, je sais maintenant qu'au delà de la petite rondelle de plastique dans sa belle pochette cartonnée (toujours aussi soignée), c'est un billet de voyage qui m'arrive et qui va me transporter, avec une empreinte carbone quasi nulle et autant de fois que je le souhaiterai, au coeur de l'Italie traditionnelle. Mais surprise ici, dès les premières secondes puisque l'album s'ouvre sur une exclamation bien plus flamenco et, de fait, ce trio de musiciens italiens va nous faire voyager bien plus largement autour de la Méditerrannée entre chants séfarades (d'où le caractère hispanisant de la première plage, 3 autres plages sont également des chants séfarades, l'un marocain) mais également en Syrie ou au Liban. Bien entendu ils n'oublient pas pour autant l'Italie du sud avec des traditionnels du Gargano et du Salento et deux mélodies anciennes dont une de Monteverdi. C'est naturellement sur ce répertoire italien qu'ils sont les plus efficaces pour nous emporter mais ils s'en sortent fort bien pour le reste et le répertoire du Moyen-Orient est un peu plus facile d'accès lorsqu'il est ainsi légèrement occidentalisé, ne serait-ce que par une prononciation de l'arabe un peu moins accentuée. Certaines couleurs musicales nous mènent d'ailleurs presqu'aux Indes (utilisation de la flûte bansouri notamment) et un court final est d'ailleurs clairement un petit flash indien...
Le trio est schématiquement composé de Fabrizio Piepoli aux guitares , Giorgia Santoro aux flûtes traversières (dont basse et bansuri) et Adolfo La Volpi au oud et guitare. Mais tous donnent également de la voix et les deux premiers n'hésitent pas à compléter l'instrumentation par des percussions, voire pour Giorgia par l'usage du duduk et de la harpe celtique. Quatre invités (voix,, violon, percussions etc) et l'ensemble vocal féminin Farualla interviennent également ponctuellement. Avec une mention particulière pour un musicien nommé "L'Escargot" (en français dans le texte) qui oeuvre à l'accordéon et dans un beau chorus de piva sur la plage titre. Ils ont d'ailleurs eu le très bon goût de placer cette "Novia" non point en première plage comme de nombreux groupes auraient été tenté de le faire pour en mettre plein la vue dès l'ouverture, mais en seconde plage seulement et elle n'en prend que davantage de relief : une interprétation un peu entêtante et un peu plus contemporaine que le reste de l'album, un traditionnel séfarade originaire du Maroc et qui nous fait prendre conscience d'une certaine similitude entre tammuriata italienne et transe gnawa.
L'album précédent de Fabrizio Piepoli nous avait fait apprécier une voix très riche par, ses timbres, la variété de ses couleurs, sa sincérité, son enracinement. On la retrouve ici, mise en valeur par l'écrin instrumental du trio et des invités et c'est encore un album qui se bonifie à chaque écoute : j'en suis au stade où chaque plage, qu'elle soit enlevée ou plus posée, me semble maintenant un petit bijou....
Rappels : Fabrizo Piepoli voir à partir de "Maresia"
Deux des albums du groupe Farualla :
Faruala (1999)
Sospiro (2008) Je suppose qu'il y en a eu d'autres....
Au sein de cette collection déjà bien étoffée (ce doit être le onzième...), Jean-Michel Péru et Jacques Lanfranchi auraient pu assurer en n'invitant que des pointures reconnues de longue date comme Anne-Lise Foy ci-dessus ou Gregory Jolivet etc., mais nous avons vu qu'ils font également confiance à des musiciens à la réputation plus locale comme Michel Nioulou ou, comme ici à un accordéoniste de la jeune génération. Pas toute jeune non plus car Clément Rousse est titulaire d'un DEM depuis 2017 déjà, a déjà collaboré entre autres avec Guillaume Lopez ou oeuvré en duo avec JF.Tisner et ceux qui comme moi vivent loin du sud-ouest ont pu l'apprécier sur CD au sein de Dirty Caps. C'est naturellement un répertoire gascon et purement traditionnel comme le veux la règle de cette collection qu'il interprète ici. Un répertoire exigeant en terme de cadence et sur ce plan sa main droite est des plus efficace, avec ce petit swing qui lui permet de mettre l'énergie sans forcer le tempo, ce qu'apprécieront les bons danseurs. Une cadence suffisamment efficace à la main droite pour qu'il n'ait pas besoin d'en rajouter à la main gauche et, celle-ci étant mixée un poil trop fort à mon goût (1), on a tout loisir de l'écouter et de constater que Clément Rousse privilégie généralement l'harmonie à la rythmique côté basses et accord et joue la plupart du temps presque en son continu avec cette respiration particulière due aux inversions de sens du soufflet. Il y a même des passages où il joue quasiment à trois voix : une main droite et deux à la main gauche (ce doit être plage deux, une partie sans la main droite permettant de mieux entendre). J'avoue toutefois que lorsqu'il aère un peu le jeu de la main gauche en pointant davantage (plage 11) cela repose un peu l'oreille....
J'apprécie particulièrement la recherche d'un répertoire entièrement traditionnel mais relativement original et varié, preuve qu'il reste encore pas mal de choses à valoriser dans les recueils et collectages de cette région et, faut-il encore le préciser, le livret mentionne les sources de chaque mélodie.
(1) mais la prise de son est irréprochable comme d'habitude chez cet éditeur
http://www.aepem.com
Rappel : Dirty Caps' "Musique traditionnelle du Quercy et de la Gascogne"
Il y a quelques années, Gilles Kermarc (1) a entrepris de réunir tous les disques produits par le label breton historique Mouez Breiz, un label qui a oeuvré de 1950 (en 78t encore) jusqu'à 1975 et dont la majeure partie de la production se situe donc avant le grand revivalisme folk des années 70. Après avoir relevé ce pari personnel et ainsi constitué une collection exhaustive, il a eu la bonne idée de faire partager dans ce livre les connaissances qu'il avait rassemblées lors de cette quête. Voici donc un ouvrage indispensable à qui s'intéresse à la production discographique bretonne. Indispensable notamment pour son catalogue, une annexe qui constitue un bon tiers de l'ouvrage et qui permet de démêler une numérotation pas forcément évidente au premier regard et qui, naturellement, comporte quelques doublons et quelques numéros non attribués (2).
Mais auparavant il nous narre l'histoire de ce label et de son créateur et homme à tout faire : Hermann Wolf, breton de naissance comme son nom ne l'indique pas. Puis Gilles dresse les portraits des principaux interprètes du label : des musiciens qui ne sont souvent déjà plus de véritables sonneurs de la tradition, mais plutôt des pionniers du revivalisme et si certains sont bien connus aujourd'hui par leur action tels Loeiz Ropars, Polig Monjarret ou, naturellement Alan Stivell, d'autres ne le sont guère que par leurs noms sur ces pochettes et il est intéressant de connaître leur parcours. Gilles consacre également un petit chapitre et quelques portraits aux illustrations et illustrateurs de pochettes, et même aux rédacteurs des textes de celles-ci.
Le seul reproche qu'on pourra lui faire et d'avoir utilisé une police de caractère un peu grosse car, comme Musique Bretonne, la revue de Dastum, nous y a habitué, on aurait parfois aimé des textes un peu plus conséquents sur tous ces personnages...
Si l'ouvrage est centré sur Moueiz Breiz, il traite tout de même un peu l'avant et l'après (3) et l'on aimerait que cet ouvrage voit paraître une suite qui traite du restant de la production discographique bretonne et de l'histoire de ses différents labels, jusqu'à l'apparition du CD au moins, avec un catalogue en ligne sur le net.
(1) Breton émigré en Berry, ce qui lui valait à une époque de rédiger les articles sur les Rencontres de Saint-Chartier dans la presse locale. Mais il est plus connu dans notre milieu pour ses travaux de recherche sur les "binious de la grande guerre"
(2) Gageons que pas mal d'exemplaires de ce livre finiront largement chargés d'annotations manuscrites. Une partie seulement des référence du catalogue étant illustrées par la photo de pochette correspondante mais certaines figurant ailleurs dans le livre, j'ai déjà noté un certain nombre de renvois vers les pages correspondantes... Précisons également que le catalogue n'aborde pas la question des rééditions car le label réalisait de petits tirages et de nombreuses rééditions pour les opus qui se vendaient bien et cela aurait été un travail de fourmi. Sont toutefois mentionnées des rééditions donnant lieu à changement complet de pochette.
(3) Il liste naturellement les rééditions des enregistrements Mouez Breiz qui ont pu être faites ultérieurement, sur d'autres vinyls puis en CD
Dastum Bro-dreger et Coop Breizh (mise en vente le 13 septembre 2023)
Merit Zloch est une harpiste autrichienne, vivant aujourd'hui en Allemagne, et dont je vous ai déjà entretenu à plusieurs reprises et qui, après divers albums en groupe, en soliste avec invités ou encore en duo signe ici son premier album solo sans invités, avec sa seule harpe de Bohême. Et c'est un vrai plaisir de l'écouter ainsi avec ses cordes, le plus souvent une main mélodique et l'autre en accompagnement dans le grave, avec cette rythmique qu'elle sait si bien mettre en avant et qui la distingue des harpistes "celtiques" même si son instrument est tout aussi "diatonique".
Elle interprète ici six compositions personnelles intercalées de quatre traditionnels trouvés dans des recueils germaniques plus ou moins anciens (XVIIème pour le plus ancien) et tout à fait intéressants : que de perles doivent encore renfermer tous ces recueils.
On retrouve sur cet album l'usage de la petite planchette à peigne qui vient, lorsque la harpiste le souhaite, toucher les cordes basses et produire un étrange son vibré, une distorsion acoustique qui renforce la présence de l'accompagnement par les cordes basses (1). Un mécanisme qu'elle utilisait déjà sur l'album du duo Zirla avec Daniela Heiderich et que les amateurs de trad français ont sans doute été plus nombreux à découvrir ensuite dans le duo de cette dernière avec Gilles Chabenat. Un effet très spécial et dont l'usage doit naturellement être réalisé avec parcimonie et à bon escient, ce que Merit réalise parfaitement, tirant parfois de ses basses des sons de trompette marine, parfois davantage de sitar indien.
Un album solo et sur un unique instrument, certains pourront craindre que cela soit monotone (2) mais Merit sait parfaitement varier les couleurs, les rythmes, les ambiances et c'est un vrai plaisir de l'entendre seule dans son univers musical et non plus comme c'est souvent le cas en grande partie en accompagnement.
(1) un dispositif copié sur un instrument ancien conservé en musée. Merit et Daniela utilisent des harpes du même facteur Pepe Weissgerber.
(2) une crainte qui doit d'ailleurs être plus importante dans notre type de musique où les musiciens nous habituent à changer d'instruments : qui penserait cela de l'album d'un grand violoniste ou pinaiste classique ?
http://www.meritzloch.net
Rappels : voir à partir de "Urban Legends"
Matthias Branschke, facteur de cornemuses berlinois et de sa compagne Merit Zloch (voir ci-dessus) ont enregistré plusieurs albums en duo d'instruments de même type : Merit en duo de harpes au sein de Zirla; Matthias en duo de cornemuses avec Callum Armstrong et plus récemment en duo de Säckpipan avec Olle Gallmö (voir ci-dessous). Mais s'ils avaient enregistrés ensemble du temps du groupe Bilwez, il ne l'avaient encore pas fait en duo. C'est chose faite avec cet album sur lequel on retrouve la dynamique toute particulière de la harpe de Merit et ses effets spéciaux (cf chronique ci-dessus) et toute la technique, voire la virtuosité de Matthias sur ses cornemuses (de sa fabrication, sur le standard actuel des perces Blanc-Dubois).
Le répertoire est composé en tiers égaux de compositions de l'un et de l'autre ainsi que de mélodies anciennes trouvées dans des manuscrits de danse. Si on excepte le "Menuet La Scheene" du manuscrit Dahlhoff, relativement connu (1), tout le reste est nouveau à nos oreilles. Leurs compositions sont souvent très techniques avec des lignes complexes et changeantes, propices à un jeu virtuose mais qui demande plusieurs écoutes pour être bien intégré, d'autant qu'ils multiplient les variations.
Pour les avoir écoutés au Son Continu puis à Cassel, je dois dire que le CD ne rend pas tout à fait justice au duo car il souffre un peu de l'effet studio : s'ils sont tout deux bien en phase, il leur manque un peu de la fougue et de ce petit supplément de complicité induit par le jeu en public et qui dope l'interprétation. Le duo harpe cornemuse est également moins évident sur CD qu'en concert de par l'écart très grand entre ces deux instruments, l'un aux notes très piquées, l'autre au son continu, et l'on se dit parfois qu'un troisième larron (un violoncelle par exemple) viendrait bien lier la sauce.
Mais ne faisons pas la fine bouche parce que l'on aurait pu espérer encore mieux : nous avons là deux excellents musiciens qui nous offrent un duo de très bonne facture....
(1) connu principalement par la version présente dans le manuscrit wallon Valdembrille de la même époque sous l'intitulé "Menuet de la chaîne", avec une partie supplémentaire sur un rythme différent. Profitons-en pour mentionner le remarquable travail réalisé par le vielleux Simon Wascher pour rendre public le manuscrit Dahlhoff, donner ses correspondances etc...
http://www.meritzloch.net et http://www.dudelsackmanufactur.de
J'ai l'habitude (j'ai du l'écrire déjà plusieurs fois) de considérer que la première plage d'un CD est souvent non représentative et qu'il faut bien se garder de se faire une opinion trop rapide à dès l'écoute de celle-ci. Mais le présent album constitue une belle exception à ce principe car dès les premiers instants j'ai été saisi par cet unisson si parfait entre ces deux joueurs de säckpipa suédois. Ils sont pourtant de deux générations différentes, l'un, Olle est suédois, un nom bien connu dans le petit monde du säckpipa, le second, Matthias, originaire du nord de l'Allemagne (donc des bords de la Baltique) a suivi nombre de ses stages mais le säckpipa n'est que l'une des cornemuses dont il joue et l'une de celles qu'il fabrique dans son atelier berlinois. Pourquoi s'extasier devant cet unisson si parfait ? Tout simplement parce qu'il témoigne d'une parfaite symbiose entre les deux instrumentistes, du fait qu'ils sont en parfaite entente sur le tempo, qu'ils ressentent chaque phrase, chaque note de ces mélodies exactement de la même manière, qu'ils partagent les mêmes choix d'ornements. Il n'est pas facile de trouver un musicien avec lequel on soit ainsi en phase et les musiciens parmi vous qui ont un peu d'expérience du jeu en duo ou en groupe doivent comprendre de quoi il s'agit. Mais, me diront peut-être certains d'entre vous, outre le plaisir communicatif qu'ont nos musiciens à jouer ensemble, quel est l'intérêt d'un unisson aussi parfait qu'à certains instants on s'en demande s'il y a bien deux säckpipan qui jouent ensemble ? Naturellement le son de deux instruments, aussi bien accordés soient-ils (tous deux ont été fabriqués et très probablement anchés et réglés par Matthias) présente une sonorité différente de celui d'un instrument seul (précisons que le mixage a fait le choix de laisser les instruments relativement fondus au centre et de ne pas les séparer sur les deux canaux stéréo) et lorsque survient un passage en harmonie, on a vraiment l'impression d'un seul instrumentiste jouant sur un instrument polyphonique (c'est d'ailleurs un album qui devraient plaire aux bohaires, rappelons que le säckpipa avec ses anches simples et ses perces cylindriques a une sonorité qui s'en rapproche....).
Outre cette interprétation exceptionnelle, cet album offre un second intérêt : celui de mêler les répertoires du nord (Suède) et du sud (Allemagne du nord) de la Baltique. Il mêle en effet traditionnels suédois et mélodies retrouvées dans d'anciens recueils allemands. Tous étant interprétés à la suédoise (faute de disposer de référence de style d'interprétation allemande), il est bien difficile de les différencier à l'écoute et je ne sais pas si cela prouve une proximité d'inspiration mélodique ou plutôt le fait que le style de jeu prime sur celui des mélodies.
Je regrette juste que le triple digipack sans livret ne nous donne aucune autre indication qu'un simple nom pour chaque recueil et juste un titre pour les traditionnels suédois. On aurait apprécié quelques détails à la manière des livrets des albums AEPEM.
Mais passé ce petit regret, cet album est déjà un de mes coups de coeur de l'année...
http://ollegallmo.se et http://www.dudelsackmanufactur.de
Rappels : Olle Gällmo "med pipan i säcken"
Matthias Branschke : voir à partir de Branschke Armstrong duo"Antithesis"
ainsi que dans l'album juste ci-dessus...
On l'attendait impatiemment depuis une fameuse vidéo largement partagée sur le net, à l'époque du confinement si ma mémoire est bonne..... Voici donc l'album du duo Frères de sac des frères Sacchetini, désormais quartet avec l'arrivée de deux clarinettistes : Marie Mazille et Marie Mercier. Outre le même prénom elles partagent le même goût pour la clarinette basse ce qui nous vaut quelques plages à deux clarinettes basses ce qui n'est guère courant. Mais toutes deux ont également une plus classique clarinette en Si bémol et Marie Mazille manie l'archet de son nickelharpa. Du côté des deux frères, l'un est toujours fidèle à son diato et l'autre alterne toujours entre musette du Centre et flûtes à bec; ce dernier instrument, dans sa forme "classique", étant plus rare dans nos musiques trad. que la cornemuse, du fait de l'image que lui a malheureusement conféré son usage scolaire forcé. Mais lorsqu'on écoute Christophe en jouer, l'envie reprend d'en jouer. On avait été habitué à l'entendre souvent à la flûte alto qui se démarque davantage de la flûte scolaire mais visiblement il assume aujourd'hui totalement le son de la soprano ....
Le quartet, comme le duo précédent, fait toujours dans le répertoire à danser, de bal folk dirons nous puisqu'il interprète aussi bien un branle renaissance, des branles de la vallée d'Ossau, une valse musette de Jo Privat, un kost ar c'hoad et une gavotte, uns suite de slängspolskas, un cercle, des bourrées à 2 ou 3 temps et diverses danses de couple. Un répertoire en grande partie composé (les trads sont les danses les plus particulières : branles, airs bretons ou suédois) et où les bourrées 3t ne sont, comme souvent, pas rattachées à un terroir donné pour leur conférer un caractère spécifique ce que je trouve toujours un peu dommage.
Un quartet purement acoustique, sans percussion, mais qui ne manque aucunement de pêche car, très souvent et très efficacement, diato et clarinette(s) basse(s) assurent l'assise harmonico-rythmique sur laquelle flûte, cornemuse, clarinette en sib ou nickelharpa n'ont plus qu'à promener la mélodie et ses variations, voire des chorus. On appréciera d'ailleurs la variété des combinaisons instrumentales lorsque l'on considère l'accompagnement d'une part et les voix mélodiques d'autre part : l'album s'ouvre sur un nickelharpa s'associant fort bien à une cornemuse, sur la seconde plage on s'étonne que clarinette et flûte à bec se fondent si bien ensemble et cela continue tout au long de l'album avec même une flûte un peu lointaine qui accompagne la main droite du diato.
Et pour fnir l'albumen beauté, le quartet quitte le parquet et Marie Mazille donne de la voix (2) pour une belle interprétation d'un texte peu connu de Gaston Couté (1) qu'elle a elle-même mis en musique.
(1) depuis que le regretté Bernard Meulien et son comparse Gérard Pierron nous l'ont fait découvrir dans les années 70, on ne se lasse pas d'écouter le poète populaire beauceron...
(2) elle "fredonne" déjà sur une plage précédente...
http://www.mustradem.com
Rappels : voir à partir de : "Tout n'a qu'un temps"
Anne-Lise Foy a tout d'abord été vielleuse (et même très jeune vielleuse) puis on l'a entendue chanter et si elle n'a jamais lâché sa vielle on en aurait presque oublié qu'elle est une vielliste soliste remarquable, qu'elle nous vient de la colonie auvergnate de Paris, où elle a baigné dans la bourrée et qu'elle a tourné un temps dans le trio DCA aux côtés de la cabrette de Dominique Paris. Mais tout cela nous saute à la face lorsque l'on écoute cet album, purement solo comme le veut cette intéressante collection. Non seulement elle interprète à la vielle un répertoire purement auvergnat (1) mais, de plus, elle se frotte à des mélodies réputées purement cabrette comme la Tricoutade par exemple, des airs que les autres instruments n'interprètent généralement qu'en accompagnement. Et sans surprise, elle s'en sort parfaitement pour faire passer sur la vielle des mélodies prévues pour les coups de doigts des cabrettaires, quitte à adapter légèrement pour y mettre des coups de doigts de vielleux...
D'emblée on entend une vielle (Boudet) naturellement parfaitement réglée, un chien un peu gras pour être efficace en bal, un coup de poignet dont la ligne rythmique reste proche de celle de la mélodie mais paradoxalement sans jamais sembler redondant au point que c'est un plaisir de suivre l'une ou l'autre, de tenter de comprendre comment elle les distingue. Et c'est un autre plaisir que de suivre ses variations sur les mélodies interprétées (2).
Je viens d'écrire que sa vielle est parfaitement réglée mais en réalité elle en utilise deux, de longueur de cordes différentes donc l'une aux sonorités plus graves que l'autre ce qui participe à varier les couleurs instrumentales. De plus elle intercale quelques plages chantées avec discret accompagnement de vielle "en imitation de violon" et si l'album peut être entièrement dansé (3), trois valses chantées et quelques autres plages plus calmes reposent agréablement l'oreille entre bourrées , polkas et autres danses enlevées. Aucune lassitude à craindre donc avec cet album dont chaque écoute me laisse encore découvrir de petites pépites...
(1) je préciserai par prudence auvergnat de Paris inclus....
(2) aux côtés de Dominique Paris, maître en la matière elle a été à bonne école, mais sa pratique de la variation est encore différente...
(3) certaines mélodies dont ce n'était pas forcément la vocation sont traitées sur des cadences dansables notamment une passion traitée en valse à 5 temps. Il y a également une suite de marches qui ne sont pas des danses mais des marches de noce puis de quête pascale.
Rappels : voir à partir de Tend'm "Une musique trad-urbaine en Centre-France"
Je ne sais pas de quand date ce double CD que le hasard a conduit jusque chez moi et donc comme à l'habitude, je vous en touche un mot. Dominique Colpaert est un joueur d'accordéon diatonique (un trois rangs Ré, Sol, Do à basses unisonores) belge flamand, résidant proche de la frontière. S'il a enregistré cet album c'est visiblement en premier lieu pour transmettre son répertoire de compositions (son "patrimoine musical" comme il l'écrit sur la pochette. Est-il déposé ou libre de droits ?). Un répertoire quasi exclusivement à danser (bourrées, danses de couples et une "jig"), classé, comme dans un recueil de partitions, par types de danses avec indication des multiples tonalités utilisées.
Il s'est auto-enregistré ("Recording Garageband") puis a fait mixer les différentes voix (deux à trois voix mélodiques de diato + main gauche et percussions) par un ami.
Il faut bien dire que Dominique Colpaert n'a pas la virtuosité de nos pointures du diatonique et qu'on le sent parfois sur certains passages, à la limite de l'agilité de ses doigts, limite qu'il se garde de dépasser et son jeu reste toujours propre même s'il manque de swing pour marquer davantage les cadences propres à chaque danse. L'ajout de percussions n'était finalement pas indispensable car sa main gauche est, la plupart du temps, plus efficace pour faire balancer les mélodies.
Ses compositions demeurent assez classiques et bien mélodiques, ce qui lui fait naturellement courir le risque de retomber proche de choses déjà entendues (sa valse à 5 temps notamment peine à se démarquer de la première connue dans le milieu folk dans les années 70). Les airs prennent pourtant de la personnalité dès qu'il introduit des voix supplémentaires.
Finalement, cette interprétation modeste et rythmiquement perfectible pourrait être un atout pour la transmission de ce répertoire car, d'une part, ce jeu tranquille facilite l'apprentissage des mélodies en jouant lorsque l'album est en lecture (toutes les plages débutent par la première voix seule et les morceaux ne sont jamais arrangés en suites) et, d'autre part, à l'écoute, on a parfois envie de reprendre une mélodie pour relerver le défi de la jouer avec le swing qu'on aurait aimé entendre, celui qui doit donner envie aux danseurs de se lever de leurs chaises.
Voici donc un album qui n'est certes pas celui d'un grand joueur de diato, mais qui relève d'une démarche de partage éminemment sympathique...
Contact : colpaert.domi suivi de @gmail.com
Je reviens du Son Continu avec un livre et quelques nouveautés CD à vous chroniquer et j'en ai trouvé deux autres dans ma boîte aux lettres en arrivant. Je vais essayer de vous rédiger cela assez rapidement mais je prends le temps d'écouter chaque album plusieurs fois et de lire le livre en entier...
En attendant vous pouvez voir ces nouveautés sur la page des chroniques à venir...
Et naturellement j'ai également pas mal de photos du parc et quelques unes des scènes libres à mettre sur le présent site dès que je les aurai triées, recadrées, mises en page, légendées etc....
Et je vous rappelle que je suis toujours preneur de scans de vos photos de Saint-Chartier des années 70-80, même si vous n'en avez que deux ou trois, même si elles n'ont pas été prises dans le parc (campings, bistrot, rues etc...) : en remettant tout ensemble nous pouvons reconstituer un bel album comme j'ai commencé à le faire....
Je n'ai plus très souvent l'occasion de chroniquer des productions italiennes depuis que je n'écris plus pour feu Trad Magazine, mais que cela fait du bien de recevoir un tel album et , dès la première minute d'être ainsi transporté dans le sud de l'Italie (province de Tarente d'où est originaire le trio, mais également provinces voisines du Basilicate jusqu'en Sicile) avec ces timbres de voix, ces sonorités de tambourins et de cordes, avec ces rythmes qui combinent énergie et suspension dans une cadence bien particulière.
L'essentiel de l'album est d'ailleurs constitué de ces très dynamiques traditionnels et il faut attendre la cinquième plage pour entendre le seul morceau plus lent, soutenu par un quatuor à cordes : une petite perle dont la mélodie me fait un peu songer au très beau chant sur "xxxxxxxxx complètement à l'autre extrémité de l'Italie. Mais même sur ce tempo plus posé, la voix de Virgnia Pavone sait donner de l'énergie lorsqu'il le faut.
Elle est accompagnée par Gianni Sciambarruto aux cordes (guitare, saz...) et Simone Carrino aux percussions, tous deux assurant un soutien vocal lorsqu'il le faut. Signalons également une partie de guimbarde, jouée comme un instrument véritable et non comme c'est trop souvent le cas comme un générateur d'effets spéciaux...
La belle pochette et le livret combinent tout à la fois sobriété et esthétique tout en fournissant les textes de tous les chants et une belle photo du trio en double page. La pochette nous précise que l'album est dédié à la figure de la "Curannera", c'est à dire la guérisseuse locale, tandis que le nom du groupe est un terme topi-guarani désignant les quatre élements.
Comme je le disais en introduction, voici un album qui offre un vrai voyage dans l'Italie du sud, dommage que celui-ci soit un peu court mais on peut le refaire à volonté...
Zero Nove Nove : http://www.zeronovenove.com
A l'occasion de sa conférence au Son Continu 2022, le musicien et chercheur angevin Denis Le Vraux a eu l'occasion de réunir ses différents articles de recherche sur les cornemuses à sacs en viscères dans l'iconographie du moyen-âge (sculptures et enluminures) en un seul ouvrage de 52 pages largement illustrées. Ceci permet de disposer maintenant de l'ensemble, de tout relire pour ceux qui, comme moi, ont eu la chance de suivre son travail ou de tout découvrir pour les autres. Cette vision d'ensemble permet également, grâce à l'agencement pertinent de ces articles, d'avoir une vision globale de ces recherches et de mieux saisir la complémentarité de ces différentes analyses iconographiques et tentatives de reconstitutions. En lisant les articles séparément on peut en effet avoir l'impression qu'il applique un même schéma dans une abbaye normande (Cerisy la forêt), dans la Cathédrale de Chartres ou en Catalogne, mais en lisant l'ensemble on découvre que chacune de ces études localisées apporte une nouvelle pierre à l'édifice ou, plutôt, un nouveau type de viscère. Denis s'avère d'ailleurs très convaincant et si à la première vue de la figuration d'un sac on est parfois tenté de se dire qu'il voit à nouveau des sacs en viscère partout, il sait toujours démontrer son intuition, en soulignant le détail qui fait foi puis en offrant la comparaison avec une reconstitution.
Je suis toujours très prudent vis-à-vis des reconstitutions d'après l'iconographie pour des instruments à vent puisque ce qui fait la sonorité de l'instrument est la perce interne, par définition invisible et que même les trous de jeu sont tout ou partie masqués par les doigts des musiciens (1). Les facteurs réalisant une reconstitution d'après l'iconographie ne font donc souvent qu'habiller une perce actuelle connue (et son anchage) sous l'apparence d'un instrument ancien (2). Mais le travail de reconstitution réalisé par Denis est tout à fait justifié et même nécessaire, d'une part car il s'intéresse prioritairement non pas à la perce et au résultat musical et sonore, mais bien à la nature des sacs, et que ses reconstitutions permettent de valider l'identification du matériau employé pour réalisé celui-ci (similitude de forme, de plis etc...), les méthodes employées pour réaliser ligatures et/ou souches, les positions de jeu etc... Son travail de reconstitution est également justifié point par point, photos à l'appui : il explique et justifie ses choix. Il s'agit donc bien d'un travail de reconstitution expérimental dont le premier objectif est de mieux comprendre ces instruments disparus.
Pour les perces, il opte toujours pour des perces cylindriques à anches simples, généralement réalisée en profitant de la perce naturelle du sureau, en considérant qu'il s'agit d'instruments simples et "taillés au couteau", c'est un a priori qui se défend mais peut être toutefois discuté : n'est-ce pas aussi un choix guidé par ses préférences en matière de facture ? (3)....
Le fait de simplement regrouper des articles plutôt que de réaliser une nouvelle rédaction plus synthétique conduit à des répétitions parfois un peu agaçantes lorsqu'elles ne semblent pas fondées (4) mais hormis deux pages (8 et 9) qui n'apportent rien de nouveau par rapport au reste et un schéma de synthèse final qui aurait vraiment mérité une mise au propre (5), le reste se lit fort bien comme un seul ouvrage tout à fait passionnant lorsqu'on s'intéresse aux cornemuses. Et ce d'autant plus que Denis Le Vraux a réalisé un travail pionnier en la matière puisqu'à ma connaissance personne n'avait encore creusé ce sujet.
(1) Un certain nombre de représentations utilisées ici (et bien d'autres aussi) montrent d'ailleurs que, souvent les artistes représentent des trous de jeux ne correspondant pas à la position des doigts du musicien : si la présence de trous en dessous des mains peut se justifier par la présence de trous d'accords ou autres, les trous situés entre les deux mains voire au dessus de la main supérieure ou à côté de doigts posés peuvent paraître des licences artistiques. En sculpture, il peut s'agir simplement de suggérer un doigt levé laissant le trou visible lorsque les contraintes de la sculpture ne permettent pas de représenter un doigt réellement levé.
(2) Ceci vaut même pour des "copies" d'après instruments anciens dont la perce n'est pas réellement reproduite.
(3) un tel travail de recherche amène naturellement des interrogations : par exemple pourquoi sur ce qu'il identifie comme des représentations de gogues, parfois bien détaillées (représentation des plis au niveau de la ligature du tuyau mélodique) ne voit-on jamais représentés les plis (nervures ?) transversales qui apparaissent très visibles sur ses reconsitutions ?
(4) Denis affirme notamment à plusieurs reprises que le chaperon à capuche est un attribut du berger, une rapide recherche sur les costumes médiévaux semble montre que l'usage de celui-ci était bien plus large : de l'ensemble du petit peuple à l'origine de ce vêtement, aux classes plus élevées par la suite. D'où la nécessité, dans des articles de recherches, de toujours vérifier ce type d'affirmation et de le justifier par une référence bibliographique sérieuse.... On peut également discuter d'autres points, par exemple le lien entre matériau constitutif et dénomination qui n'est pas aussi évident et simple.
(5) une mise au propre de ce schéma, en élargissant un peu le spectre des exemples, pourrait en faire un de ces documents de référence largement reproduit par la suite....
ed Le Jâse http://www.elebore.org
Sans remonter au vinyls des années 70 au sein du groupe Ellébore, citons Denis Le Vraux au sein de son groupe de veuzous angevins Bouine Bouzine, voir à partir de "A la Noël les jours rallongent"
Citons également sa participation au CD et DVD "Les Ardoisières d'Anjou"
Voir photos lors de deux de ses trois interventions au colloque de St-Guilhem-le-Désert 2021 : avec Yan Cozian et avec Lara De Castellet
Est-ce un double CD avec un énorme livret ou bien un livre avec deux CDs offerts comme écrit en troisième de couverture ? Impossible de trancher car l'audio et l'écrit sont ici indissociables : les CDs sont bien plus qu'une illustration du livre (chaque plage fait l'objet de deux pages au moins) et les CDs perdent une partie de leur intérêt (qui est toutefois grand donc il en reste pas mal....) privés du livre.... Comme les CDs sont bien plus faciles à pirater aujourd'hui, classons-le dans les livres....
Mais venons-en au contenu qui est assez original puisque cette réalisation se penche sur les liens entre les traditions chantées de Normandie et celles des contrées francophones d'Amérique du Nord, ce qui dépasse largement Québec et Acadie puisque l'on y traitera (et entendra), entre autres, des collectages réalisés dans de petites colonies francophones de divers états des USA et que les Antilles ne sont pas oubliées.
Les liens entre traditions orales du Poitou et d'Amérique du Nord avaient déjà été mises en avant, ici c'est la Normandie qui se révèle grande pourvoyeuse d'émigrants et donc d'un patrimoine immatériel voyageant avec eux. Et par delà la traversée de l'Atlantique, l'ouvrage insiste sur les nombreux déplacements ultérieurs des francophones et pas seulement du fait du Grand Dérangement.
Après une très intéressante partie introductive d'une trentaine de pages, chacune des 61 chansons est traitée par une fiche de deux ou trois pages comportant, partition, paroles, rappel sur l'historique de la chanson lorsque connu, présentation des interprètes collectés ainsi que des conditions de collecte. Et la plage correspondante du CD nous laisse entendre le montage correspondant car la plupart des chansons sont illustrées par un montage de plusieurs versions : dans le cas le plus courant les premiers couplets d'une version normande qui s'enchaîne avec une fin collectée outre-Atlantique. Mais les concepteurs du projet ont évité tout systématisme et nous avons droit par exemple, pour la première et la dernière plage à un "medley" bien plus conséquent et dans quelques cas une seule version est présentée, par exemple pour évoquer les chansons de chantier qui sont une spécificité canadienne inconnue en Normandie.
Les fiches détaillent pas mal les conditions de collecte, les collecteurs, les différentes éditions, les autres versions connues en Normandie ou dans l'Ouest, voire des interprétations récentes qui ont popularisé certaines chansons. Ce travail est donc également très instructif en matière d'histoire des collectes et collecteurs francophones des deux côtés de l'Atlantique.
Le seul regret et que les fiches ne se penchent pas davantage en détail sur les textes des chansons, certaines versions paraissant lacunaires et, dans la mesure ou les auteurs ont recensé bien d'autres versions et détaillent des différences (notamment les refrains), dans certains cas les couplets supplémentaires de ces dernières doivent bien éclairer celles présentées. Mais je suppose que cela aurait largement débordé le sujet de cet ouvrage et qu'ils n'ont pas voulu non plus refaire des analyses déjà réalisé par d'autres auteurs.
Je ne sais pas si les fiches ont été réalisées dans l'ordre de leur présentation finale où si c'est juste une impression à la lecture mais il m'a semblé percevoir une évolution au fil des fiches avec une plus grande attention justement aux textes dans la seconde moitié. En abordant la lecture des premières fiches, on peut d'ailleurs craindre que l'ouvrage se révèle rapidement fastidieux, mais il n'en est rien car chaque nouvelle chanson permet d'aborder une nouvelle problématique, qu'elle soit liée à un type de chanson, de circulation de celles-ci, de collectage, d'émigration etc. et l'ensemble se révèle finalement très pédagogique et pas seulement dans un domaine précis. Personnellement je l'ai dégusté lentement, fiche par fiche et c'est sans doute ainsi qu'on peut l'apprécier au mieux.
Le sujet de l'ouvrage n'a pas conduit les auteurs à chercher des textes rares (quoiqu'il y en ait tout de même un certain nombre...) et figurent ici davantage de classiques, mais cela n'enlève en rien l'intérêt puisque les versions présentées sont le plus souvent originales (1) et que même sur des standards, les fiches parviennent à nous surprendre et à nous en apprendre encore....
Voilà donc un intéressant et bel ouvrage : je ne vous ai pas dit que de nombreuses photos nous donnent à voir notamment beaucoup des personnes collectées et, détail que j'apprécie toujours énormément, les couvertures avant et arrière se déplient pour donner à voir la carte de la Normandie et celle de l'Amérique du Nord avec la localisation de tous les collectages...
La Loure, collection "Sources" https://laloure.org
(1) la version de "La courte paille" par les jeunes soeurs Hauffpauir en 1934 en Lousiane est un excellent exemple d'un trésor d'interprétation sur un standard....
Voir également le CD de Joli Gris Jaune "La longue errance - De la Normandie à l'Amérique du Nord, les chansons du cousinage" juste ci-dessous
La Loure : voir à partir de cette quadruple chronique
...
Voici un CD réalisé dans le cadre (ou le prolongement) du travail de la Loure sur les chansons du cousinage entre Normandie et Amérique du Nord, travail qui a donné lieu à un livre avec double CD de collectages. Le quartet Joli Gris Jaune est composé de deux des auteurs de ce travail : Robert Bouthillier, musicien collecteur et chercheur bien connu dont on ne savait plus s'il était québécois ou breton et que l'on découvre ici également normand et Etienne Lagrange, violoneux normand. La violonneuse Emmanuelle Bouthillier (fille du premier) et l'accordéoniste Nadège Queugnet viennent fermer le carré. Et si j'ai cité les instruments, nos quatre compères chantent tous et se passent la voix principale au fil des plages ce qui est toujours agréable puisque cela amène de la diversité dans les timbres et les styles d'interprétation.
L'ouvrage de la Loure nous fait entendre des collectages, Joli Gris Jaune nous offre, dans ce CD également produit par la Loure, des interprétations actuelles, bien senties (Emmanuelle notamment n'a pas encore beaucoup d'enregistrements à son actif mais c'est déjà une valeur sûre....), dans des arrangements qui servent bien les mélodies. De plus ils ont le bon goût de ne reprendre que 2 ou 3 des 61 chansons du livre-CD et pas toujours selon les mêmes versions. Ce sont donc principalement d'autres chansons traditionnelles qui sont joués et chantés ici et si on n'a pas droit à des fiches aussi détaillées, le livret nous transcrit tout de même les paroles et nous livre un minimum d'indications sur l'origine de ces versions.
Un ouvrage "scientifique" centré sur le passé d'une part et un CD bien actuel d'autre part pour le plaisir et démontrer que ces chansons ont encore toute leur place aujourd'hui, voilà qui ne mélange pas les genres : certains apprécieront l'un plus que l'autre, personnellement les deux m'ont ravis....
La Loure, collection "Résonances" https://laloure.org
Voir juste ci-dessus l'ouvrage de La Loure : Robert Bouthillier, Yvon Davy, Eva Guillorel et Etienne Lagrange "Les chansons du cousinage -Normandie - Amérique du Nord"
Emmanuelle Bouthillier au sein du groupe Planchée
Voici un CD dont le premier mérite est de faire la lumière sur une oeuvre dont j'avoue que je n'avais pas une vision très claire : Il Pastor Fido (le berger fidèle) est une oeuvre que j'ai d'abord considérée pour vielle à roue, puisque la 1ère de ces 6 sonates fut enregistrée par Michèle Fromenteau dès 1970 puis R. Zosso participa en 1972 à l'enregistrement d'une intégrale (1), puis la 1ère sonate fut à nouveau gravée par Nigel Eaton en 1988 (2) et enfin (3) cette même 1ère sonate par Robert Mandel en 2014. Il fallut attendre 1983 pour que Jean-Christophe Maillard enregistre la 6ème sonate à la musette puis 2009 pour que François Lazarevitch fasse de même (4).
Il était donc temps de disposer d'un enregistrement intégral de ces sonates à la musette, accompagné d'un livret levant la confusion entre les deux compositeurs. Si le présent album cite bien les deux en couverture, le livret nous apprend que l'essentiel de l'oeuvre est bien de la plume de Nicolas Chédeville, ce dernier n'ayant emprunté au vénitien que la 6ème sonate et quelques fragments. Ce serait son éditeur qui aurait réalisé la falsification ,à son insu, en éditant la partition avec le seul nom de Vivaldi. Pour Jean-Pierre Van Hees, l'oeuvre a été écrite en premier lieu pour la musette, Nicolas Chédeville étant hautboïste et joueur de musette (5), et la mention des autres instruments (vielle, flûte, hautbois, violon) était une pratique courante à l'époque pour agrandir le cercle des acquéreurs potentiels.
L'oeuvre est enregistrée avec une instrumentation en trio musette, violoncelle (Ronan Kernoa), clavecin ou orgue (Luc Ponet) compatible avec la pratique de l'époque et une mention sur la partition. Le résultat est assez dense puisque la voix principale assurée par la musette est soutenue à la fois par ses bourdons bien présents (rappelons que les bourdons de la musette sont à anche double donc aussi sonore que les chalumeaux) et par les deux autres instruments qui occupent également pas mal d'espace sonore. Je trouve d'ailleurs que l'orgue (avec un judicieux choix de jeu flûté) seul ou joint au violoncelle, s'associe mieux à la musette que le clavecin. C'est donc un album à écouter dans de bonnes conditions acoustiques. D'ailleurs si Jean-Pierre Van Hees sait rendre toutes les subtilités de la partition, cet environnement sonore dense l'incite parfois à pousser un peu et à faire alors un peu trop ressortir les notes hautes, toujours délicates sur cet instrument, ce qui n'était pas le cas sur son enregistrement précédent en duo.
Outre les changements d'instruments d'accompagnement, la quatrième suite, prévue pour une musette plus grave apporte une petite rupture. Chaque sonate est elle-même découpée en plusieurs mouvements et les parties enlevées alternent avec des passages plus posés.
La musette est un instrument qui a repris vie il y a un peu plus de 40 ans désormais, les premiers albums qui lui ont été consacrés abordaient un répertoire choisi auprès de divers compositeurs. Les entregistrements de ce type ou le précédent, présentant dans leur intégralité des oeuvres plus conséquentes dédiées à cet instrument montrent que la pratique de cet instrument dans son répertoire original atteint désormais une vraie maturité.
(1) René Zosso joue apparemment les sonates 1,2 et 5 mais en duo avec un autre instrument soliste (violon ou hautbois)
(2) le livret ne précise pas qu'il ne s'agit que d'une des sonates de cette suite et n'en donne donc pas le numéro. Il attribue l'oeuvre à Vivaldi sans citer Chédeville
(3) mais je ne prétends pas être exhaustif. Il y a eu, par ailleurs des enregistrements sur d'autres instruments (plusieurs à la flûte, au hautbois....)
(4) il est respectivement indiqué "Nicolas Chédeville d'après A. Vivaldi" et "Nicolas Chédeville, attribuée à Antonio Vivaldi".
(5) voir l'album précédent de Jean-Pierre Van Hees déjà intégralement consacré à une oeuvre pour musettes de ce compositeur
http://www.etcetera-records.com
Rappels : Voir à partir de Jean-Pierre Van Hees "Cornemuses - Un infini sonore"
.
L'organiste Luc Ponet avait déjà accompagné Jean-Pierre Van Hees sur l'album "Christmas in Belgium"
Les deux versions précédentes, partielles, à la musette :
Jean-Christophe Maillard, "L'art de la cornemuse vol.2 La musette de cour" - Ensemble "Les plaisirs champêtres" - Arion ARN 60378 (1997, réédition d'un 33t. Arion de 1983) .
et : François Lazarevitch et Les Musiciens de Saint-Julien, " Le berger poète - Suite et sonates pour flûte et musette ", coll. " 1000 ans de cornemuse en France " Alpha, 2009
Marieke Van Ransbeeck est une musicienne belge flamande, joueuse de cornemuse flamande et musette baroque . Après avoir réalisé un cycle complet de formation auprès de Jean-Pierre Van Hees puis de son disciple Pieterjan Van Kerckhoven, elle est allée finalliser tout cela en parcourant les différents pays scandinaves ce qui lui permis de rajouter le säckpipa à son instrumentarium. Cet album, entièrement composé de sa plume est le résultat de ce voyage. Elle l'interprète avec sa compatriote Hilke Bauweraerts à l'accordéon diatonique, les danois Villads Hoffman (Cistre, guitare et violon) et Frederik Mensink (contrebasse) et, enfin, le percussioniste suédois Marten Hillbom.
Marieke m'a présenté cet album comme de la musique à faire la fête mais cela me semble très réducteur car il recèle bien des ambiances différentes et bien plus de finesses que d'énergie brute. Mais c'est effectivement un CD dont l'écoute fait du bien. Marieke est une de ces musiciennes de la génération actuelle à laquelle un vrai parcours de formation a donné une maîtrise totale de ses instruments et qui a su conserver toute sa motivation et sa curiosité. Son jeu de musette, ici hors du contexte de la musique baroque, sonne étrangement plus proche de celui du northumbrian pipe. Hilke Bauweraerts a, de son côté, un très beau jeu d'accordéon que l'on a déjà pu apprécier dans son album en duo avec JP Van Hees, et toutes deux se partagent le premier plan, leurs trois comparses scandinaves assurant des accompagnements qui les portent.
Le répertoire est varié, mêlant pièces et chansons à écouter et à danser : scottiche, polka, polska, slângpolska, valses et même un slow totalement assumé.
Editions Danish folk music http://www.gofolk.dk
Marieke avait déjà accompagné Jean-Pierre Van Hees sur l'album "Christmas in Belgium"
Hilke Bauweraerts : 2017 : Duo Bauweraerts Van Hees"Fly in"
Le hasard a fait que j'ai reçu cet album la veille de l'arrivée dans ma même boîte aux lettres des deux productions de La Loure sur les chansons du cousinage (voir juste ci-dessus).
Nous sommes ici en Ontario, (une région dont il est d'ailleurs pas mal question dans le livre-CD de La Loure), non plus chez les colons francophones mais dans un répertoire venu de Hollande comme le rappelle le sous-titre. Emily Stam et John David William, deux musicien.ne.s multi-instrumentistes dont j'ai déjà eu l'occasion de vous entretenir, ont en effet la chance, ou plutôt la bonne idée, d'exploiter un recueil de 1000 "anciens et nouveaux chants de fermiers et contredanses de Hollande" publié en 13 tomes entre 1700 et 1716 en Ontario. Ils ne sont certes pas les premiers à se pencher sur ce petit trésor (l'ouvrage a été réédité en fac-similé en 1972 et 1985) mais les interprétations précédentes dont j'ai pu trouver trace semblaient plus axées musique baroque que traditionnelle. Avec leurs violon, piano, accordéons piano ou diatonique, clarinette et harmonica, notre duo s'empare de 22 de ces mélodies pour nous en offrir de belles interprétations instrumentales (1) trad. acoustiques actuelles qui nous rappellent que leur premier CD montrait un intérêt particulier pour les musique traditionnelles françaises....
Un vrai petit bonheur du début jusqu'à la fin et deux musicien.ne.s que l'on aimerait entendre, avec ce répertoire original, de ce côté de l'Atlantique (et pas uniquement en Hollande d'ailleurs...). Mais comme il leur reste 978 mélodies à exploiter auront-ils le temps ? ;-)
(1) s'il est question de chants dans le titre de l'ouvrage de 1700, je ne suis pas certain qu'il contient des paroles....
https://www.emilynandjohn.com
Rappels : voir à partir de Emily Stam and John David William "Honeywood"
et voir la chronique juste ci-dessous
J'allais juste mettre en ligne la chronique de l'album ci-dessus ( "The Farmer Who Lost His Cow and other Dutch tunes") que le facteur m'apportait cet album du quartet Vinta dont deux des membres ne sont autres que les mêmes Emilyn Stam et John David William, accompagnés par Nathan Smith au violon (et alto) et par Robert Alan Macke à la contrebasse. Mais cette fois-ci nous sommes plus dans la lignée de leur CD "Honeywood" avec un répertoire entièrement composé et qui s'inspire des tradtions d'Europe de l'ouest et de Scandinavie dixit le livret, mais j'ajouterai qu'il y en a une qui sonne bien québecoise.... (ou ontarienne ?). La crainte que l'on peut avoir lorsque des musiciens abordent en parallèle plusieurs traditions qui ne sont pas celles de leur contrée, et d'autant plus sur des mélodies de leur composition, c'est de le faire en dilettante ou de finir par confondre les différents styles (voire de ne pas attraper ceux-ci). Mais que l'on soit rassurés, ce n'est pas le cas ici : dès la première plage il n'y aucun doute sur le fait que l'inspiration soit scandinave et la "Bourrée isolée" suivie de "La patineuse" sont deux magnifiques bourrées pour violon interprétées dans les règles de l'art comme le feraient nos meilleurs violonneux trad actuels locaux. Je me suis dit que les deux violons (et compositeurs respectifs), Emilyn et Nathan avaient du traverser l'Atlantique à plusieurs reprises pour venir fréquenter des stages dans le Massif Central mais je n'ai pas trouvé de nom d'instructeur éventuel dans les remerciements du livret, juste une mention toutefois dans ce livret, à propos d'une autre plage, d'un passage en région lyonnaise. En tout cas le résultat est là et l'ensemble de l'album est un petit bonheur. La plupart des morceaux sont des danses mais les titres ne l'annoncent que rarement (trois seules mentions : bourrée, valse et gigue pour le plus québecois déjà cité ce qui confirme mon impression...) et les textes s'attardent davantage sur le contexte qui a inspiré chaque mélodie que sur son usage, les danseurs devront donc s'en remettre à leurs oreilles....
Je ne peux que conclure de la même manière que pour l'album précédent : espérons avoir l'occasion de les entendre sur scène, et, finalement,à quatre ce sera encore mieux qu'en duo....
Contact : https://www.vintamusic.com
et voir notamment la chronique juste ci-dessus
Les ouvrages conscrés à l'iconographie de la cornemuse, mon sujet de prédilection, ne sont vraiment pas légion (1) et je ne peux que me féliciter lorsqu'il en parait un, qui plus est lorsque celui-ci témoigne d'un vrai travail de recherche et non d'une simple compilation.
L'ouvrage se divise en deux parties : la première sous la plume de Valter Biella, chercheur auteur très prolifique sur les cornemuses d'Italie du Nord, n'est pas strictement consacrée à l'iconographie mais aux cornemuses ("baghet") de la région de Bergame, c'est à dire aux instruments retrouvés avec, comme il en a l'habitude, photos et plans mais également à toute l'iconographie de ce secteur.
La seconde partie, rédigée par Rita Pelligrini est intitulée "Pastori musicanti delle presepe" mais contrairement à ce que ce titre pourrait laisser penser elle ne nous parle pas de personnages de crèches mais de sculptures, fresques et tableaux qui ont toutefois en commun de traiter de la nativité (annonces aux bergers, adoration des bergers), ceci, un tout petit peu plus à l'ouest : dans la péninsule de Lariana (sud du lac de Côme) et en Valtellina (est de ce même lac).
Naturellement les deux parties sont largement illustrées de photographies en couleur et on regrettera juste que le format à peine plus grand que A5 de ce livre ne nous fournisse pas des images un peu plus grandes mais, heureusement, la mise en page ne perd pas trop de place en grandes marges inutiles comme dans certains ouvrages de plus grande taille...
Associazione Schola Cajni
(1) On trouve des chapitres iconographie dans des monographies de cornemuses particulières ou plus simplement de l'iconographie dans leur chapitre historique. On trouve également des cornemuses dans des ouvrages d'iconographie musicale, voir des articles spécifiques dans des revues et autres ouvrages collectifs, mais rarement des ouvrages entièrement consacrés à ce sujet. Citons donc l'ouvrage de Fritz Schneider, certainement le plus grand chercheur en matière d'iconographie de la cornemuse "La cornemuse, images et histoire d'un instrument de musique populaire européen" ou celui d'Ernst Eugen Schmidt auquel Fritz d'ailleurs avait contribué : "Sackpfeifen in Schwaben"
A l'heure où je rédige, très tardivement cette chronique, j'apprends qu'un ouvrage consacré à cette même tradition d'ensemble de gaitas, de très gros tambours et de petits tambours à timbre vient de paraître, côté portugais cette fois-ci (1).
Mais reprenons du début : j'ai déjà eu l'occasion de vous entretenir du groupe galicien Xistra de Coruxo. Celui-ci est non seulement un excellent groupe de musique, privilégiant une activité locale, mais également un groupe de recherche sur les traditions de la vallée du Mino, rivière frontalière entre Galice et Portugal. Cet ouvrage est un des résultats de ces recherches et il est consacré à une tradition très particulière à ce secteur, tant côté galicien où il est connu sous le nom de Treboada, que côté portugais (Minho) ou il est désigné par Zés Pereiras. Mais c'est, naturellement le côté galicien qui est principalement traité ici
Largement illustré de photos anciennes, photos d'instruments, cartes etc., ce livre de 120 pages A4 se penche essentiellement sur l'histoire de ces ensembles, dans la première moitié du XXème siècle, mais aborde également un peu la pratique actuelle, leur fonction sociale etc.
Pour l'amateur de cornemuses, cet ouvrage réserve, de plus, une belle petite surprise en décrivant un type de gaita dont cette région semble l'épicentre (et donc associées à ses ensembles avec gros tambours, même si on trouve de telles Treboadas avec des gaitas plus classiques) : une gaita alimentée par un soufflet (assez semblable à celui de la cabrette dans sa forme ronde et cloutée mais avec le tuyau, entièrement rigide, planté perpendiculairement à la plaque extérieure) et, seconde particularité, dotée de deux bourdons d'épaule montés parallèlement sur une même souche cylindrique, ce qui fait qu'il n'est parfois pas évident de repérer sur les photos la présence du second bourdon, bien plus court, sinon par le diamètre de la souche....
La première partie de cet ouvrage est entièrement bilingue galicien-anglais. Par contre la seconde partie (différents articles plus précis et ciblés, dont un de Olimpio Giraldez Rio et un de Miguel Perez Lorenzo, les autres de X. Fernandez Santomé) est uniquement en galicien.
Un DVD vient compléter l'ouvrage, il comporte l'ensemble des photos ainsi que des photos supplémentaires et dans certains cas, la meilleure définition des photos sur écran est appréciable. Il comporte également 11 partitions, plans détaillés (2) et quelques vidéos-documents (parfois qualité VHS) dont la plus intéressante est celle qui présente toutes les étapes de la fabrication d'un de ces gros tambour (ici, vu sa largeur, plutôt une grosse caisse), sans commentaire audio mais avec un bandeau de texte déroulant en bas d'image. Mais celles présentant un ensemble encore traditionnel filmé au début des années 90 montre qu'outre l'aspect musical, la gestuelle des joueurs de tambours n'est pas neutre et que, contrairement aux ensembles avec une simple grosse caisse généralement assez discrète mais efficace, les gros tambours jouent de manière bien plus énergique, davantage dans le spectaculaire qu'en finesse mais avec une belle synchronisation.
ed : A.F. Gaiteros da Xistra, 2012 http://www.xistra.info
(1) "Os Zés Pereiras " par Napoleao Ribeiro, Tiago Manuel Soares et Abel Andrade ed.Tradisom
(2) partitions et plans détaillés sont également encartés dans la couverture arrière de manière à pouvoir être utilisés indépendamment de l'ouvrage.
Rappels : voir à partir de Xistra de Coruxo "Adicado"
L'objectif de départ de cet ouvrage était, paraît-il, de réaliser sur le Massif Central, l'équivalent de ce que Michel Colleu et un collectif d'auteurs sous l'égide du Chasse Marée et Dastum avaient réalisé en son temps sur la Bretagne avec l'imposant ouvrage "Musique Bretonne". C'est Eric Montbel et André Ricros qui se sont vu confier cette mission et, naturellement, chaque concepteur d'ouvrage ayant une vision différente des choses, le résultat est, sous bien des points de vue, différent de son modèle armoricain et, il faut bien, l'avouer, il n'a pas réussi à avoir le même retentissement....
Ce qu'il a de similaire à son aîné c'est d'abord sa taille imposante et son poids, ce qui n'est fiinalement pas un véritable atout car si c'est un vrai plaisir des feuilleter plus de 500 pages grand format très largement illustrées (mis à part le titre et la bibliographie, je n'ai trouvé aucune double page non illustrée par au moins une photo ou dessin, certains connus, certains inédits (1)), mais c'est également un handicap pour la lecture du texte, notamment pour quelqu'un qui, comme moi, lit beaucoup dans les transports en commun, les salles d'attente et autres lieux où il est pratique d'avoir un livre dans sa poche plutôt qu'un pavé de 2.9kg....
Le second point commun est la sollicitation de tout un collectif de contributeurs : Eric Montbel est directeur éditorial, André Ricros coordonateur, puis vient un comité de rédaction de trois personnes et pas moins de 48 contributeurs non comptés les photographes et autres....
Mais là où les ouvrages divergent c'est par leur plan : si en Centre France comme en Bretagne, la tradition alimente une pratique actuelle, c'est un fait plus établi et reconnu en Armorique et là où Musique Bretonne traitait relativement classiquement en premier lieu la tradition puis son évolution jusqu'à l'usage qui en résulte de nos jours, le présent ouvrage insiste bien davantage sur cette filiation (voir le sous-titre : "Héritage et création") en faisant de nombreux aller-retour, en mêlant documents anciens et portraits ou témoignages actuels et si le sommaire affiché dans les premières pages paraît relativement structuré, on se perd un peu à la lecture et plus encore lorsqu'on feuillette l'ouvrage à la recherche d'une info ou d'un document qu'on y a vu précedemment. Remarquons également qu'il fait l'impasse sur tout le mouvement folklorique.
Le sujet est traité essentiellement sous son aspect humain : même les parties consacrées aux différents instruments (les différentes cornemuses sont notamment détaillées) sont abordés sous l'aspect de leur histoire, de leurs facteurs, de leurs musiciens, de leur symbolique mais sans véritable description, sans analyse technique, sans plans. De même, on y trouvera pas d'analyse musicale ou d'exemples de partition.
Il n'empêche que si cet ouvrage n'a pas reçu un accueil très enthousiaste du petit monde des musiques traditonnelles (2), sans doute également car pas mal de points abordés l'avaient déjà été dans divers articles ou ouvrages par leurs auteurs (mais c'est le lot de tout ouvrage de synthèse de ce type et cela permet parfois d'intéressantes actualisations), il renferme de nombreux documents, témoignages et autres qui méritent d'être lus et qui seront probablement redécouverts à l'avenir : en l'ouvrant un peu au hasard, je tombe par exemple sur le témoignage de Bernard Blanc sur ses expérimentations en matière de chabrette dont il ne me semble pas qu'il les ait évoquées ailleurs.... Et en revenant de voir l'Envol au cinéma la semaine dernière, je me suis replongé avec plaisir dans les six pages sur R. Thiery, une interview de 2011 où il ne parlait pas encore cinéma....
Disponible chez Phonolithe : https://www.phonolithe.fr/produits/livres-dvds/404-divers-les-musiques-du-massif-central-9782848195094
(1) et il restait de la matière puisqu'Eric et André ont publié ensuite deux albums essentiellement photographiques sur le sujet...
(2) du fait également de quelques querelles de chapelles....
Cet album date de 2019 et, en publiant cette chronique avec bien du retard début 2023 je vois sur le site d'Arnito qu'il en a publié 5 autres depuis (vu son mode de travail et d'édition, les confinements ont du être bien favorables à ses enregistrements et si en 2020 il a publié un album avec rien moins que l'orchestre symphonique de Budapest, on peut supposer qu'il l'avait enregistré avant la pandémie...). Mais j'ai cessé de chroniquer des mp3 (1) depuis 2019, celui-ci est le dernier qu'il me restait à traiter....
Notre guitariste "couteau suisse" se lâche ici et se met même davantage au chant sur cet album sur lequel il n'a invité qu'un seul instrumentiste mais pas moins de 6 choristes dont la présence demeure toutefois discrète. L'instrumentiste invité est Adama Koeta à la kora, (que l'on retrouvera comme seul invité sur l'album suivant d'Arnito) et il vient avec bonheur orner de guirlandes de notes l'accompagnement et un couplet instrumental d'une des chansons de l'album.
Arnito donne donc davantage de la voix, pas sur les premières plages toutefois (2), même si la première de celles-ci me fait penser à la balade irlandaise de Bourvil et me place donc déjà dans un registre chanson. Il faut attendre la trois ou quatrz plages pour qu'il commence à chanter, de façon un peu éthérée, en anglais. Puis on laissera agréablement passer quelques instrumentaux dont un à la rythmique sud-américaine ou encore un autre dont on s'interrogera s'il s'agit d'un musette un peu jazzy ou d'une mélodie façon cithare autrichienne. Mais certains de ces instrumentaux sont déjà introduits par une ou deux petites phrases en français histoire de nous amener enfin vers trois chansons en français, façon un peu Cabrel mais sans l'accent... L'anglais reviendra sur un titre et encore quelques instrumentaux jusqu'à clore ces 16 plages aux ambiances variées mais toutes appuyées sur la guitare.
Rappelons que même si "faits à la maison", ses albums sont toujours aussi professionnels.
Disponible uniquement en téléchargement ou streaming, voir à partir de son site : http://www.arnito.net
Rappels : voir à partir de "IR"
(1) et encore moins des streaming, je suis de la vieille école.... Je n'ai jamais réussi à m'organiser correctement avec les albums dématérialisés....
(2) avec les mp3 on ne sait jamais si on écoute vraiment l'album dans l'ordre prévu donc j'espère que c'était bien le cas
Second album de ce trio du Puy-de-Dôme mais le sous-titre de l'album nous renseigne sur leur liberté de voir un peu au delà de leur horizon, du Berry au Morvan. Mais, surtout, et c'est suffisamment peu courant chez AEPEM pour qu'il faille le souligner, le répertoire de ce CD est, à une plage près, exclusivement constitué de compositions, soit de Philippe Beauger (5 plages), l'un des deux cornemuseux du trio, soit d'amis musiciens, bien connus pour la plupart et fins connaisseurs de la tradition : Philippe Prieur, Jean Blanchard, Jean-Marc Delaunay, Michèle Chevrier Reuge, Lionet Savarit. Pour avoir longtemps joué une de ses scottisch transmise par un ami commun, je ne suis pas du tout étonné des talents de compositeur de Philippe : sa scottisch Sorbet Coco mériterait de devenir un standard des boeufs de musiciens du Centre et il relève fort bien le défi de composer un Noël. Noël que le trio interprète fort bien, mais je suis certain qu'en concert, en situation en décembre, il réussissent à y faire passer la petite étincelle magique qui manque encore ici. L'album se partage donc entre compositions inédites, un grand standard morvandiau et quelques emprunts déjà entendus mais moins connus. Un premier bon point pour ce bel équilibre. Le second bon point tient naturellement à l'interprétation, ce sur quoi je ne me faisais guère de souci, connaissant d'une part les facilités musicales de Fabrice Lenormand, qui tient ici le pupitre le plus discret aux 20 et 23 pouces, laissant Philippe Beauger au premier plan à la 16 pouces et Guillaume Bouteloup tenir la cadence à la vielle. C'est d'ailleurs la première chose qui saute aux oreilles dès les premières secondes, les premiers tours de roue : quel plaisir ce doit être de poser le son de sa cornemuse sur une rhytmique aussi bien mise en place. Mais naturellement la vielle ne se limite pas à son chien comme on pourra le constater sur quelques rares moments où elle joue seule. Instants rares car, la plupart du temps vielle et grande cornemuses mêlent assez étroitement leurs voix. Le trio opte en effet pour des arrangements efficaces pas trop complexes (ce qu'apprécient toujours les danseurs qui n'aiment pas trop les polyrythmies...) même si une plage ou quelques passages nous montrent qu'ils sont tout à fait en mesure de faire plus complexe, ce qui densifie immédiatement le son du trio.
Un trio qui ne révolutionne donc pas la musique du Centre et ne cherche pas à la faire mais qui se montre remarquablement efficace.
L'album précédent : "Vendanges tardives"
Fabrice et Philippe Beauger ont participé à quelques CD collectifs des Brayauds, La Perdrix Rouge interprétait d'ailleurs déjà deux plages sur le CD Les Brayauds "Bourrées du Massif Central volume 2"
En 2013 Martin Lassouque et sa boha remportaient le premier prix en cornemuse solo du Son Continu, ce que l'on pouvait alors considérer comme la consécration de sa formation auprès de Yan Cozian et son entrée dans la cour des grands. Il aura donc mis 9 années pour nous offrir ce premier album soliste (non pas solo puisqu'il a sollicité trois amis dont Yan pour tois appuis sur trois plages).
Il a du pas mal cogiter pour en arriver là et cet album n'est pas un simple alignement de mélodies mais est construit sur un concept : développer et expérimenter un maximum de manière d'user du tuyau secondaire de la boha, celui que l'on dénommait jadis bourdon (je parlais personnellement de "bourdon variable") et qui est désormais qualifié de "tuyau semi-mélodique" par les cornemusicologues, ce qui me semble une cote un peu mal taillée, mais que Martin et Yan préfèrent désigner par "Contra" sur le modèle des "kontras" des cornemuses hongroises et voisines. Certes les bohaires avant lui ont tous déjà forcément réfléchi aux usages possibles de ce tuyau et expérimenté en la matière, mais Martin a essayé de reprendre les choses de manière plus systématique en travaillant par danses et par cellules rythmiques. Il nous en livre les résultats ici, sur un répertoire entièrement traditionnel, le livret donnant pour chaque plage (1), la formule utilisée sur le contra.
Cet album a donc un caractère un peu expérimental et quelques passages font un peu dresser l'oreille : tentative audacieuse, pas forcément dénuée de sens mais qui demanderait parfois encore un peu plus de prise en main ou qui passerait mieux dans un jeu de groupe qu'en solo. Paradoxalement, à trop travailler intellectuellement sur la cadence on risque toujours de perdre ce qui n'est que du ressort du ressenti dans celle-ci.
Mais, pour le reste, voici, outre un album agréable, une démarche des plus intéressantes pour un jeune musicien, une solide base pour l'avenir, à polir au fil des ans au contact des danseurs. Et un album qui gardera une place à part et dont on ne peut que souhaiter que les propositions qu'il contient ne soient pas négligées par les autres bohaires...
(1) en sus naturellement des sources, n'oublions pas qu'il s'agit d'une production AEPEM....
Rappels : Martin Lassouque a participé à divers albums collectifs dont
"Cornemuses landaises", CD collectif des groupes et musiciens landais utilisant l'instrument
ou ancore Bohas Orchestra "Cornemuses landaises - couleurs gasconnes"
Yan Cozian : voir à partir de : Yan Cozian dans la collection Cinq Planetes
Claude Quintard n'est pas un inconnu dans notre petit milieu puisqu'après Didier Pauvert, Tiennet Simonin, Ludovic Rio et je dois en oublier, il accompagne régulièrement le cabrettaire Michel Esbelin (voir notamment l'album La bourrée à Régis). Mais le livret nous résume son parcours musical et nous fit découvrir qu'il est l'un de ces accordéonistes né dans le milieu musical auvergnat, un peu trop tard ans doute (1953) pr rapport à la grande époque, mais dans un environnement familial où la cabrette avait encore sa place,où l'on pouvait encore se retrouver à animer un bal à 12 ans et où il pu encore fréquenter quelques personnalités marquantes de la bourrée.... Un parcours qui passera par le monde folklorique puis s'arrêtera durant deux décennies avant de reprendre; sous les sollicitations de Michel Esbelin.
Comme le veut la collection, il joue ici en pur solo un répertoire auvergnat mêlant une bonne moitié d'inévitables standards (Moun Annetto, Bourées à Bonal ou à Bergheaud, etc...) et des mélodies un peu moins connues, dont, modestement placées en fin de programme, une composition personnelle, deux de son épouses et une de son compère cabrettaire de toujours Daniel Vidalenc.
Le jeu de son chromatique est bien celui d'une époque, utilisant divers artifices comme les changements de registre pour relancer l'attention. Mais jamais il ne sacrifie la cadence aux ornements et les bons danseurs de bourrée sentiront rapidement que derrière ce style musette bien plus coulé qu'un tiré poussé de diato, il n'en demeure pas moins toute la cadence et la force de la bourrée (qui est d'ailleurs une danse au style coulé mais énergique) ou des danses qui l'accompagnent.
Rappels : Je ne remonterai pas à ses vinyls de folklore auvergnats avec Marcel Marginier ou Daniel Vidalenc même si je dois en avoir certains dans mes cartons... Le livret du présent album nous apprend qu'il a publié un CD avec ce dernier en 2014 sous le nom "Duo cantalien"
- avec Michel Esbelin "La valse des ombres" ....
....et "La Bourrée à Régis"
Ne vous fiez pas à ses airs de diva sur les photos, Carmen Penim est bien une chanteuse traditionnelle galicienne, adepte des rythmes non parfaitement mesurés lorsqu'il ne s'agit pas de chants à danser et des notes qui s'écartent volontairement de la gamme. Elle a d'ailleurs du y faire adhérer Maurizio Poisinelli, son pianiste, d'origine italienne, formé au départ à une école plus classico-jazz mais qui a bien su s'adapter aux subtilités de ce monde musical particulier.
Carmen Penim a ce que l'on appelle une voix, conjuguant timbre, puissance et sens de la nuance. Le répertoire de cet album est entièrement traditionnel mais comme elle nous vient d'une région du sud de la Galice proche de la frontière portugaise, on ne s'étonnera pas que l'une des plages sonne quelque peu fado.
Si elle se produit souvent avec son seul pianiste, elle s'est entouré ici de différents invités dont trois batteurs percusionnistes (selon les plages) et c'est ce qui m'a quelque peu gêné car si les batteurs font preuve d'une belle technique, le fait de doubler le piano pour faire monter la sauce quasi systématiquement sur chaque plage s'avère un peu lassant et les interprétations de Carmen n'ont nul besoin de ces effets parfois un peu envahissants comme on le constate par exemple sur le début tout en sobriété de Canto de Seitura avec cette percussion discrète mais très précise et quelques notes de contrebasse. Les autres invités viennent apporter des couleurs particulières à certaines plages (gaita de Marco Foxo, nickelharpa, violoncelle etc...)
Mais, cette réserve émise, que cela fait du bien de se trouver immergé dans le répertoire chanté galicien !
Edition et distribution : Inquedanzas sonoras : https://www.inquedanzas.com
Marco Foxo : voir à partir de "Ganador Solistas 2009"
Derrière le mot valise du titre mêlant cornemuse et pélerinage, se cache un chemin de Compostelle cornemuseux (1), allant de la Catalogne à la Galice avec un petit détour par le Portugal, par six virtuoses des six cornemuses régionales de ce trajet imaginaire, chacun offrant deux plages avant un final commun....
Le voyage débute en Catalogne avec Francesc Sans au sac de Gemecs (2). Le chemin se poursuit par l'Aragon avec Adrian Gil à la gaita de boto puis les Asturies avec le réputé José Manuel Tejedor. La Province de Castille et Leon est représentée par Luis Antonio Pedraza (de Zamora) à la gaita seabresa. Tiago Morais tient la gaita mirandesa (gaita de foles portugaise) et, enfin Oscar Ibanez, l'initiateur de ce projet représente la Galice a la gaita galega.
Ce pélerinage musical ne prend donc en compte que les types de cornemuses les plus marquants d'Espagne du nord, faisant l'impasse des reconstitutions plus récentes ou des traditions plus anecdotiques (Cantabrie par exemple). On apprécie que Castille et Leon aient été pris en compte mais on pourra regreter de ne pas être parti un plus à l'ouest avec la Xeremia des Baléares.... Mais comme tout projet de ce type il doit s'agir avant tout d'un projet basé sur des amitiés et des atomes crochus (et double crochus...) entre musiciens...
Ces six musiciens ont une parfaite maîtrise de leur instrument et la plupart en sont de réels virtuoses. On pourra donc regretter une certaine uniformisation de style (style influencé également par les ornements venus d'Irlande et d'Ecosse) et des échelles tempérées, y compris pour le représentant portugais, pays où les cornemuses à hautbois nettement non tempérés se maintiennent le mieux dans ce secteur. Moins virtuose, Luis Antonio Pedraza est certainement celui qui nous offre le jeu le plus typé et les deux plages aragonaises celles qui se distinguent par les couleurs mélodiques les plus particulières (les fameuses jotas aragonaises...).
Nos différents cornemuseux se produisent tous simplement en trios, plutôt acoustiques ( à l'exception de Tiago Morais qui n'est accompagné que d'un accordéon chromatique) et si l'on peut également regretter qu'un projet mettant en avant les différents types régionaux de cornemuses ne valorise pas les types traditionnels de formations, il faut reconnaître que, sur leurs bouzoukis, violons, guitare, chromatique, clavier, cajon et percussions plus locales ces musiciens accompagnateurs sont d'une efficacité remarquable au point que l'on vérifie parfois sur la pochette qu'il ne s'agit bien que de trios et que l'on se demande ce que pourraient apporter des formations plus étoffées, vu le talent de ces instrumentistes qui assurent parfaitement rythmique et harmonie. (3)
Et pour en revenir à nos cornemuseux, si leurs styles tend à se rapprocher, il faut reconnaître qu'il est impressionnant de maîtrise technique, de virtuosité et d'efficacité et que c'est toujours un plaisir d'entendre des cornemuses jouées à ce niveau...
(1) ou plutôt cinq cheminements convergeant vers Santiago selon le schéma figurant dans la pochette mais il semble bien que quelquesoit le nombre de routes, il n'y ait bien que "Le" chemin (El Camino), tout comme quelqu'en soit le nombre de types, il y ait bien "La" cornemuse....
(2) Attention, il ne s'agit pas du luthier bien connu de ceux qui fréquentent le Son Continu mais de son homonyme spécialiste du Sac de Gemecs, auteur notamment d'un ouvrage sur l'instrument et d'un article du colloque de Gaillac ("Cornemuses un monde qui bourdonne"
(3) Ayant vu récemment Oscar Ibanez sur scène, j'ai été scotché par l'efficacité d'Andrès Vilàn, son percussionniste, sur son seul cajon
http://www.inquedanzas.com
Oscar Ibanez "Alen Do Mar"
Tejedor : voir à partir de l'album "Texedores de Suanos"
Francesc Sans, voir à partir de son livre : Simo Busquets I Peret & Francesc Sans I Bonet "Les Cornemuses i el Sac de Gemecs"
S'il en était encore besoin, voici un CD qui prouverait qu'il est tout à fait possible de réaliser un album tout à fait professionnel... tout seul dans son studio. Il suffit "juste" d'être un excellent chanteur et multi-instrumentiste et de maîtriser toute la technique de prise de son jusqu'au mastering (1). Mais Fabrizio Piepoli n'a rien d'un débutant puisque sa discographie est déjà imposante et qu'il s'agit de son troisième album peronnel.
Lorsque j'écris multi-instrumentiste, Fabrizio Piepoli n'use ici que d'instruments à cordes (guitare battante ou classique, saz, oud, basse) et diverses percussions, guimbardes..., ce qui sied tout à fait au répertoire qu'il interprète ici : principalement traditionnel italien, plus précisément des Pouilles et alentours. Il le complète avec trois compositions qui s'y fondent parfaitement... un titre de deux sardes (2) et un fadodu lisboète F Viana (3) interprété dans le style et les couleurs instrumentales qui corresondent. Le titre de l'album est d'ailleurs un terme portugais et c'est malheureusement une des rares informations que nous fournit le livret, très beau dans sa sobriété mais qui nous laisse un peu sur notre fin. Il y a heureusement le site internet qui nous en apprend davantage : http://www.fabriziopiepolimusic.com.
Fabrizio Piepoli est un excellent instrumentiste comme le prouve à elle seule la première plage (instrumentale), mais c'est d'abord une voix, avec un vrai timbre, des interprétations très senties, de la scancion de la tarentelle à la douceur de la berceuse (4). Ce qui lui permet de nous offrir un de ces albums qui vous font un bien fou parce qu'il s'ancrent dans la vérité d'une tradition et la sincérité d'une expression.
(1) la pochette nous apprend toutefois qu'il y a eu un "mixage et mastering additionnel". Et il a tout de même délégué la prise des photos et le graphisme...
(2) le très beau Melagrànada ruja de Marisa Sannia sur un texte de Francesco Màsala dont on peut écouter une interprétation par Marisa Sannia elle-même en 2001 sur https://www.youtube.com/watch?v=OthiWwiZTyc. Une chanson qui semble d'ailleurs atypique mais d'autant plus appréciable dans le répertoire bien plus variétés de cette chanteuse... La version de F. Piepoli, autoaccompagnée à l'oud sonne, de ce fait, un peu plus orientale, mais fait également penser, sur la fin, à certains chanteurs corses.
(3) Franciso Vianna (1895-1945)
(4) je trouve que l'on n'évoque pas assez souvent ces petits chefs d'oeuvres que sont les "ninna nanna"
Rappel : parmi les nombreuses collaborations de Fabrizo Piepoli, j'en ai retrouvée une dont je vous avais entretenue, à l'époque, dans Trad Magazine : Mario Salvi "Taranteria"
En 2023 il est la voix principal du trio La Cantiga de la Serena "La Novia"
La première chose que j'ai faite, après avoir écouté ces trois CDs et lu le livret et avant d'attaquer cette chronique, a été de relire ce que j'avais pu écrire sur le volume 1 avant d'éviter de me répéter puisque ce coffret et dans la continuité exacte du précédent, tant sur le plan musical que graphique. On pourrait d'ailleurs presque croire que l'ensemble a été enregistré en même temps et que seule la diffusion est étalée mais le livret nous apprend que la réalisation du premier volume a pris trois ans tandis que celle de celui-ci a tout de même pris deux années supplémentaires.
Rappelons tout de même que le propos de ce projet dirigé par Syvie Berger et Jean-Michel Péru, est d'enregistrer l'intégralité des ronds et rondes présents du recueil berrichon d'Emile Barbillat et Louis-LaurianTouraine dit "Le Barbillat-Touraine". Et assez logiquement, s'agissant d'une édition exhaustive se voulant donc de référence, il a été demandé aux chanteurs une interprétation au plus près de la partition (les éventuels écarts sont mentionnés et justifiés...).
Nous entendons donc dans ce volume 2 soixante six chansons supplémentaires, toutes chantées à capella, mais à répondre pour la quasi totalité, (j'ai remarqué que l'une qui n'est pas à répondre, est un bel exercice de souffle pour son interprète...). Lorsque je compte 66 chansons, il s'agit en réalité de 66 versions puisque plusieurs sont présentes en deux versions, voire plus, dans le recueil et donnent donc lieu à autant de plages et loin de présenter un caractère répétitif pour l'auditeur, ce n'est pas le moindre intérêt de l'album que de montrer ainsi comment un changement de tempo, parfois de refrain, peut transformer un chant traditionnel. C'est parfois même à l'écoute des paroles que l'on se rend réellement compte qu'il s'agit de la même que la précédente...
Nous retrouvons pour ce second volume les mêmes chevilles ouvrières que dans le premier : peu de défections (1) mais plutôt de nouveaux contributeurs vocaux (2). La nouveauté vient plutôt des 7 plages de rondes dites "enfantines" interprétées par trois groupes d'enfants ou ados (3).
Naturellement le livret replace chaque chant (en se reportant naturellement au recueil, mais en reprécisant toutefois le lieu de collecte et le nom du collecté) et Amaury Babault le complète par un bel article dans lequel il mentionne un certain nombre de variantes (connues ou perdues) de ces ronds du Berry dont ne subsiste en bal aujourd'hui que "le" rond d'Argenton prétendument unique et figé...
Chant à capella, répertoire de ronds et rondes uniquement, successions de versions d'une même chanson, interprétation au plus près du recueil, tout ceci peut paraître un peu rébarbatif sur le papier, mais c'est sans compter sur l'élan de la danse, sur la dynamique du chant à répondre, sur la clarté d'élocution des textes (non perturbés par un accompagnement), et naturellement sur le talent des chanteuses et chanteurs, tous éléments qui font que chaque CD s'écoute avec plaisir en une seule traite et que j'ai même parfois aligné l'audition de plusieurs à la file...
(1) Yvon Guilcher n'est plus présent dans le volume 2; ce qui risque de décevoir ses inconditionnels, deux ou trois autres absents seulement....
(2) je ne les citerai pas tous mais relevons la présence d'Arnaud Bibonne ou Lucien Pillot dont je vous ai plusieurs fois parlé dans ces chroniques
(3) sur ces plages c'est un enfant (parfois un duo) qui mène et le groupe, souvent soutenu par un adulte, qui répond. Par contre sur deux autres plages de ce volume les élèves du conservatoire de Chateauroux et Montluçon répondent respectivement à Anne Lyse Foy et Emmanuel Monnet
Rappels : voir à partir du volume 1 paru il y a deux ans :
A propos d'une enquête sur le répertoire de danse des bals en Belgique, le Canard Folk (1) s'inquiétait de la faible présence des danses et donc du répertoire wallon dans les bals belges. Mieux qu'un courrier de réponse, cet album, comme le précédent, est une belle démonstration de l'intérêt, de la richesse, de la beauté d'un fond musical qui se prête tout à fait à une interprétation actuelle. Et lorsque j'écris actuelle, n'allez pas croire que ce trio fait appel à l'électronique ou à l'électrique (2), mais avec deux violons et une guitare acoustique (ou banjo) ils nous offrent, sur un répertoire en très grande partie traditionnel, des interprétations d'aujourd'hui qui se laissent écouter avec grand plaisir. Comme je l'avais déjà remarqué sur le premier album, Thibault Debehogne, le guitariste, n'est pas un simple accompagnateur mais participe aux mélodies, tenant parfois le premier rôle (3). Et nos trois musiciens jouent ainsi sur les arrangements pour varier les couleurs des mélodies d'un couplet à l'autre. La diversité musicale de cet album est également élargie par quatre invités (4) dont la chanteuse Mareille Vancamp qui apporte la présence toujours bienvenue de deux plages chantées au sein de cet album instrumental.
Une mention particulière pour le livret, doté d'une présentation résumée de l'histoire de la danse en Wallonie rédigé, avec la prudence qui sied à ce type d'exercice, par Aurélie Giet qui replace les différents morceaux de l'album dans cet historique. Puis ces morceaux sont listés un par un avec leurs sources et un petit commentaire du trio pour chacun.
Comme dit au départ de cette chronique, une belle démonstration s'il en était besoin, de l'intérêt du répertoire wallon, mais cela n'a rien d'étonnant puisque Julien Maréchal, l'un des deux violonistes du trio (le second étant Simon Wolfs) est une des chevilles ouvrières du projet Melchior, plateforme dédiée aux musiques traditionnelles de Wallonie.
(1) Pour ceux qui ne le connaisse pas, il s'agit d'une très sympathique petite revue sur les musiques trads, à l'ancienne (21x29,7 en noir et blanc agraffé), mais qui subsiste toujours dans un monde où de nombreuses de ses consoeurs sur papier glacé ont disparues. Les articles auxquels je fais référence sont parus dans les numéros 429 et 430 début 2022.
(2) à ce propos n'oublions pas que la guitare électrique a un siècle d'existence et que ce n'est donc plus un instrument aussi "moderne" que cela
(3) comme par exemple dans le trop court "Henriette et Damon" qui ravivera toutefois de beaux souvenirs à ceux qui ont apprécié la version de "Chants d'amour et de mort en Wallonie". Le tout aussi beau collectage d'origine (plus de 8mn...) peut être écouté sur le site du projet Melchior.
4) les trois autres sont Lucas Lejeune à la flûte et au violon et Cédric Libert et Antonin Monteil aux violons également
Contact : http://www.trio14.be
Rappels : Voir la chronique de leur premier CD "Rue de la gare"
Je vous avais entretenu en son temps (en 1993 dans Trad. Magazine) de cette méthode de gaïta élaborée au sein de l'école de gaïta d'Ourense par son fondateur et directeur Xosé Lois Foxo. Outil de travail au sein de cette école (et de toues ses antennes), cette méthode a déjà fait l'objet de 7 éditions galiciennes (peut-être 8 aujourd'hui ?) mais également d'éditions en espagnol (castillan), anglais, japonais et allemand. Voici l'édition française, parue en 2016 qui comme ses consoeurs, débute par une présentation générale des cornemuses, puis plus spécifiquement de la gaïta en galice (histoire, grandes figures, organologie etc...) avant d'aborder la méthode proprement dite, c'est à dire un rappel de solfège, puis les doigtés et divers ornements en s'appuyant sur une suite de 33 exercices qui, à partir du 23ème, sont des airs traditionnels galiciens. Puis un florilège de 80 mélodies ou pièces galiciennes (la dernière fait 5 pages) vient compléter l'ouvrage. Toutes les partitions sont écrites en Ré (deux dièses à la clef).
Nota : Ayant collaboré à la mise en forme de cette version française, je me garderai bien de toute appréciation sur la traduction...
Rappels : " Os segredos de gaita "
Et voir à partir de la chronique du livre : Xose Lois Foxo "Musicas do Caurel vol.1"
Xose Lois Foxo poursuit ici, parallèlement et en complémentarité avec son travail pédagogique au sein de l'Ecole de gaïta d'Ourense et de sa Real banda de gaïta, son imposante oeuvre de collectage et diffusion du répertoire traditionnel galicien. J'ai déjà eu l'occasion de vous présenter trois de ses ouvrages précédents, en voici un quatrième, consacré à un petit territoire particulier, mais la bibliographie qui figure en tête de ce dernier me montre qu'il y en a eu un certain nombre d'autres entre temps.
Il s'agit à nouveau d'un imposant pavé de 570 pages, complété par pas moins de quatre CDs et d'un DVD. Il reprend d'ailleurs le principe déjà utilisé dans le dernier dont je vous ai entretenu : plutôt que d'opérer une sélection au sein des 500 mélodies environ de ce recueil, il nous fait écouter 350 extraits environ de celles-ci soit plus de 80 plages par CD. C'est un peu frustrant de ne pas entendre les plus belles dans leur intégralité, de ne pouvoir apprécier les variations entre couplets, mais cela permet de faire vivre la majorité des partitions de l'ouvrage, ce qui est irremplaçable.
Une très belle illustrations (nombreuses photos anciennes) vient également donner un relief supplémentaire à ce cancioneiro.
Et si le titre fait mention d'antroplogie, le terme est justifié par une cinquantaine de pages d'analyse de la pratique musicale de cette région (en débutant par des cartes de localisation ce qui est toujours utile mais rarement fait). Une analyse en nombreux petits chapitres thématiques.
Cette étude est complétée par 13 pages de présentation des gaïteros les plus fameux de ce secteur, avec, là encore, de très belles photos anciennes. Remarquons celle du Quartet de Bendillo au sein duquel la gaïta est jouée par une femme : Felisa Vidal Nogueira, née en 1904 et dont la réputation s'est conservée.
Précisions que toutes les partitions sont écrites en Ré (deux dièses à la clef), que toutes les paroles sont naturellement transcrites sous celles-ci.
Le DVD compile de nombreuses séquences (fêtes, collectages) dans différents formats et qualité (selon les dates de prise de vue), complétées par des prises de vue de paysages et éléments naturels. Ce n'est pas le niveau technique à laquelle nous habitue aujourd'hui la télévision HD et certaines séquences sont parfois un peu courtes, mais lorsque deux chanteuses nous offrent une magnifique polyphonie sur des images de cours d'eau, la magie est là....
Rappels : voir à partir de la chronique du livre : Xose Lois Foxo "Musicas do Caurel vol.1"
- Une boha (cornemuse des Landes) en sol avec une altération, poche en cuir brun roux (voir photo). Faite par Robert Matta en 2013.
- Une bohassa (cornemuse des Landes) en do avec trois altérations, poche en cuir brun foncé. Faite par Robert Matta, février 2022
- Les deux dans un étui en cuir rouge (voir photo).
Prière de diffuser ces informations et d’être vigilant si on vous propose ces instruments en vente.
Merci de votre aide.
SW (...)
"Il me prend la tête, oui. Je rêve. Monsieur réenfourche son dada antichasse, c'est pas vrai. Tu es tombée sur un moraliste bègue. Intéressant, mais ce discours, je ne supporte plus. J'écoute la musique, quand même. Un vrai disque rayé, je laisse braire. En fait tu n'y es pas pour grand-chose, il adrore s'écouter parler. Quitte à souffler de l'air, il pourrait essayer la cornemuse, pour changer.
Je profite d'une pause, je tente ma chance :
- Tu as pensé à la cornemuse Paul ? - Tu dis ? - Me biniou si tu préfères....
Avec le bras droit, poing contre l'épaule, j'effectue des mouvements de va-et-vient. De la main gauche, je me bouche le nez. J'émets des sons nasillards du plus bel effet. Paul me regarde d'un air interloqué :
- Tu te fourtrais pas de moi ? -Quelle idée ! Jamais ! Enfin Paul !"
Second opus pour ce désormais quatuor qui se consacre exclusivement au répertoire des poilus de la guerre de 14-18.
Commençons par noter que le nom du premier album est devenu celui du groupe et que la composition a un peu évolué avec l'arrivée de Bernard Subert et ses clarinette ainsi puis celle de Robert Thébaut (le guitariste de Ciac Boum notamment). Mais pour le reste on retrouve Claude Ribouillault au violon et mandolines, et Emmanuel Pariselle aux accordéons. Mais ce qui n'est finalement pas si courant, c'est que tous les membres du groupe chantent et l'on passe ainsi d'une voix principale à l'autre au fil des plages ce qui est bien agréable.
L'album est construit selon une certaine chronologie : il débute par un pot-pourri va-t-en guerre et revanchard (tant pis pour ceux qui jugeront l'album à la première plage, celle-ci étant un peu le contre-exemple de la suite....) puis une chanson sur l'allongement du temps de conscription, l'adieu à la fiancée pour entrer ensuite davantage dans le vif du sujet ou plutôt dans l'enfer des tranchées sous tous leurs aspects, de la cuisine aux poux et l'album se clôt naturellement par le retour du poilu....
Ce qui frappe à l'écoute de toutes ces chansons c'est la variété des sujets traités, et surtout des approches de ceux-ci. Ces écritures populaires, qui ne se rattachent souvent plus à des schémas traditionnels puisque la situation vécue est inédite, font souvent preuve d'un talent certain. Et cela est frappant, même lorsqu'on a déjà entendu le premier opus de ce groupe qui nous en dévoilait déjà pas mal....
La plupart des chansons ont été écrites sur des timbres connus mais au bout de quelques écoutes, on oublie l'original et la chanson nouvelle, lorsqu'elle a été bien écrite comme c'est le cas de celles-ci, devient une oeuvre à part entière, cohérente et détachée de sa source musicale....
Tous ceux qui connaissent les travaux (et la passion) de Claude Ribouillault sur le sujet ne s'étonneront pas de trouver ici un répertoire en grande partie inédit. On n'y trouvera que deux ou trois standards comme Le Bois Leprêtre ou la superbe Chanson de Craonne dont on ne se lasse jamais.
Violon bidon a opté pour une publication économique dans une simple pochette carton, mais il existe un livret conséquent à aller consulter sur le site de Claude Ribouillault (la simple adresse ci-dessous suffit, pas besoin de taper celle bien plus longue qui figure sur la pochette). Vous y trouverez toutes les explications, détails des paroles, photos originales etc....
Un album qui est à la fois agréable à l'écoute, parfois humoristique mais plus souvent très émouvant et qui comble même des lacunes historiques : ainsi dans le très beau "Poilus d'Orient", l'auteur du texte explique ce que l'histoire retiendra de ces poilus qui ont fait la guerre sans la moindre possibilité de permission et l'on se rend alors compte qu'il fait erreur car le grand public les a totalement oublié aujourd'hui. Violon Bidon lui rend justice aujourd'hui et rien que pour cela cet album mérite d'exister...
https://artpopu.jimdo.com/
Rappels : voir à partir du premier opus : Claude Ribouillault et sa bande "Violon bidon ! - Chansons et instruments des tranchées"
Je suis revenu du Son Continu avec 5 albums à chroniquer et le premier que j'ai mis dans le lecteur, sur le chemin du retour, a été sans hésitation celui-ci car, a priori, tous devaient me plaire mais, sauf surprise, je me doutais un peu de ce que j'allais entendre dans les quatre autres, tandis que j'ignorais tout de cette jeune joueuse de cornemuse (1). Si la collection "Roulez jeunesse ! " n'est pas la plus prestigieuse chez AEPEM, c'est indéniablement une des plus intéressante par les découvertes qu'elle permet.
Pour ceux qui ne la connaissent pas déjà, découvrons donc cette praticienne de la 16 pouces (mais pas que....), qui fait partie de la bande de cornemuses d'Eric Montbel (2) et qui a donc très vraisemblablement appris dans une proportion que j'ignore, avec ce dernier. Peut être également avec son père qui fait partie de la même bande et qui intervient (tout comme Eric), sur un titre de ce CD (3).
Dès le premier morceau, il apparaît clairement qu'elle a une très belle cadence et un jeu où tout est parfaitement en place et lorsqu'un temps est décalé c'est clairement volontaire. Elle semble d'ailleurs bien aimer décaler l'avant dernier temps d'une phrase afin d'en retarder la résolution. Si elle a appris avec Eric Montbel, ce qui semble fort probable à l'écoute, par exemple par une propension à introduire certaines notes par un glissé, par quelques coups de doigts de cabrettaires ou par un vibrato très chabrette sur une plage (vibrato partant du jeu de pieds et donc parfaitement sur la cadence), elle ne calque pas le style d'Eric et construit donc un son personnel. Ce style murira sans doute encore à l'avenir car si elle maîtrise tous les éléments techniques, elle semble ne pas encore avoir fait tous ses choix, en matière de vibrés par exemple : parfois marqués, parfois à peine audibles même sur de longues notes tenues.
Et puis, parfois, elle pose les tuyaux (enfin presque car il reste parfois un discret bourdon en fond, voire un mouvement de pieds) et attaque une chanson traditionnelle d'une petite voix et avec une modestie qui se révèlent toutefois rapidement d'une remarquable efficacité puisqu'elle fait preuve vocalement de la même cadence et de la même rigueur technique que sur son instrument et on finit la plage complètement bluffé...
Pour le reste un répertoire entièrement traditionnel, davantage orienté Auvergne et Limousin (jusqu'au Lot et à la Bresse) et non Berry Bourbonnais.
Outre Eric à la 23 pouces et Didier Chevalaz à la 16 pouces, Charles Pouysegur intervient au diato sur deux titres et Amandine Pauvert à la vielle à roue sur deux autres (dommage que la balance noie un peu la cornemuse dans le chien réglé très gras de la vielle). Elle assure donc en solo complet les 8 autres plages, visiblement avec un peu d'enregistrements multiples de ci de là....
Je n'ai donc pas regretté d'avoir écouté cet album en premier : ayant hâte de découvrir une nouvelle joueuse de cornemuse, j'ai également découvert une chanteuse tout aussi douée que l'instrumentiste.... J'espère qu'elle conservera ces deux cordes à son arc...
(1) et oui.... j'ai raté son apéro de présentation de l'album au Son Continu 2022.
(2) Ca c'est internet qui me l'apprend...
(3) son père Didier, qui intervenait dans l'album "Le Grand Baleti" de cette bande alors que Léonie ne semblait pas encore de l'aventure à l'époque...
Eric Montbel, voir à partir de la chronique de "Topanga !"
Eric Montbel et Didier Chevalaz : "Le Grand Baleti"
De François Etay sur le site du CRMTL :
"Bonjour,
Vous vous intéressez au violon traditionnel et/ou au Limousin et je suis heureuse de vous faire part de cette publication toute fraîche :
http://edinum.free.fr/wp/?p=572
Il y a 40 ans, lorsque j’ai entendu les premiers enregistrements de Michel Meilhac, il m’est apparu évident qu’ils mériteraient amplement la publication d’un vinyle. Puis je suis passée au projet d’un CD, mais personne ne s’est finalement risqué à financer une aventure qui coûterait manifestement beaucoup plus qu’elle ne rapporterait.
Tant mieux, peut-être : l’option numérique permet de mettre en ligne toute la musique souhaitée (4h20 ici au chapitre « Dossiers sonores »), et rien ne limite la quantité des textes et photographies.
Et c’est gratuit.
Bonne découverte.
Amitiés à toutes et tous, et bonne Fête de la musique !
Françoise Étay
Le 21/06/2022"
L'accès me parait plus rapide par : https://crmtl.fr/mise-en-ligne-de-la-publication-michel-meilhac-un-violoneux-a-part-par-francoise-etay/
Et si, pour une fois, je débutais ma chronique en parlant de la prise de son et du rendu des instruments... N'en déduisez pas que je cherche à retarder le moment de parler des musiciens, mais à une époque où il est de bon ton de regretter le son ( les craquements ?) des vinyls, cet album est une belle démonstration de la qualité à laquelle peuvent parvenir les bons ingénieurs du son avec les matériels actuels lorsque tous les éléments sont soignés depuis l'acoustique du lieu d'enregistrement, le positionnement des micros jusqu'au mixage, au mastering et j'en passe. Et même sur un matériel d'écoute d'une qualité moyenne, c'est un plaisir d'entendre le respect des sonorités des différents instruments, de pouvoir avoir une écoute analytique loin de certaines soupes à la mode.... Donc félicitons ici le studio Cryogène de Bègles et Julien Marques au mixage pour la qualité de leur travail (1).
Mais naturellement cette écoute au plus près ne pardonne rien pour les musiciens et ces deux là n'ont rien à craindre sur ce plan. Nous connaissons bien désormais les talents d'instrumentiste d'Arnaud Bibonne, ce qui nous fait souvent oublier qu'il est également un très bon chanteur... Nous connaissons bien moins Maider Martineau, une jeune basque dont les horizons musicaux se sont ouvert au delà des Pyrénées et qui oeuvre dans différents groupes, maniant accordéons (dont le Trikitixa basque naturellement), instruments à anches simples (dont l'alboka tout aussi naturellement) et percussions, et y apportant également sa voix et ses compositions.
Comme je l'écris souvent, le choix de la première plage est généralement révélateur, même si (surtout si....) celle-ci n'est pas réellement représentative de l'album. Ici il s'agit d'une composition de Maider, chantée a capella, en basque et qui montre que le duo ne cherche pas à épater la galerie avec ce premier album. Et pourtant le résultat est vraiment remarquable, les plages suivantes montrant que quelque soit la combinaison des instruments utilisés (voix comprises), cela fonctionne toujours avec une entente telle qu'on n'a jamais l'impression que l'un est devant et l'autre accompagne . Encore un duo qui amène à se demander pourquoi les groupes sont le plus souvent plus étoffés. Et s'il ont invité trois musiciens et une chanteuse (2) chacun sur une plage ce n'est certainement pas pour combler un manque mais pour l'apport d'une couleur supplémentaire. Mis à part un ou deux courts passages un peu plus débridés, l'interprétation est plutôt traditionnelle et ne choquera les oreilles les plus conventionnelles et ne perturbera pas les danseurs
D'ailleurs quasiment tous les titres sont à danser : danses baques (arin- arin, fandango, saut....), du sud-ouest (rondeaux, congos), de couples (valse, mazurkas, scottisch...) jusqu'aux bourrées à trois temps et l'inévitable chapeloise... Une mention particulière à une ronde du Quercy dont les paroles pourraient passer pour traditionnelles et enfantines si il n'apparaissait pas qu'elles traitent des enfants de réfugiés. Ce qui m'amène à préciser que le répertoire est principalement du à Maider et Arnaud, avec quelques autres compositions (D. Deblonde, B. Roblin ou encore Lolita Demonteil Ayral pour un texte) et tout de même trois traditionnels. Il est un rondeau chanté, à la cadence parfaite, pas trop rapide, qui conduit à s'interroger : traditionnel ou pas ? Un regard à la pochette pour vérifier : il est signé.... Gilles Vigneault... Internet nous permet d'entendre l'original ainsi qu'une belle version des Charbonniers de l'enfer, bien différente de celle d'Adar puisque jouant sur des variations de rythme alors que notre duo basquo-gascon soigne les danseurs avec la régularité quasi envoûtante de son interprétation. Je gage que, comme moi, nombre d'entre vous s'essaierons rapidement à le jouer (ou à le chanter)
A la seizième plage, Arnaud s'offre une petite récréation avec une composition asymétrique bien dans l'esprit Europe de l'est (3)... Puis l'album s'achève sur une dernière "Zkotix" (pour une fois qu'un mot basque est facile à comprendre....)
Je ne vois pas trop ce que je pourrai déplorer sur un tel album : même la calligraphie du nom du groupe et les photos sont soignées. Ils ont juste oublié de faire figurer leur contact... On pourrait pinailler sur le fait qu'en s'ouvrant à d'autres horizons, Maider donne une couleur un peu moins basque pure et dure à ses interprétations des plages du répertoire de ce peuple mais lorsque j'écoute tout cela je me dis surtout que si j'avais pu écouter un tel album dans les années 80, je crois que je l'aurai usé jusqu'à la corde (4). Il passera sans doute plus inaperçu aujourd'hui mais je vais tout de même le garder en haut de la pile...
https://maidermartineau.wixsite.com/adar
Contact : adar.duo suivi de @gmail.com
(1) Et il ne sont, fort heureusement, pas les seuls actuellement à nous offrir des enregistrements de cette qualité, comme j'ai régulièrement l'occasion de vous le signaler même si je n'insiste pas toujours de manière si visible...
(2) Vianney Desplantes à l'euphonium, Benoit Roblin à la vielle à roue, Julien Marques au clavier Moog et Lolita Delmonteil Ayral au chant.
(3) dans ma première rédaction j'avais écrit "bien dans l'esprit de la kaba gaida qu'il utilise" mais paradoxalement cette plage 16 est jouée à la bohassa et c'est la mazurka de la seconde plage qui est jouée sur la cornemuse bulgare...
(4) ce que j'ai d'ailleurs fait avec un album de Perlinpinpin, qui n'est pas sans similitudes avec celui-ci.... Les plus perspicaces d'entre vous trouveront duquel il s'agit....
Arnaud Bibonne, voir à partir de son album avec Camille Raibaud "En Cadència"
Egalement à venir une expo, des rencontres, un stage etc....
https://laloure.org/
http://normandie.patrimoine-oral.org/
" Chères et chers amis,
Si cette série d'émissions sur l'accordéon vous a échappé, il n'est pas trop tard.
https://www.francemusique.fr/emissions/brut-d-accordeon
(...)
amitiés
Lionel"
pour information pendant les confinements j'ai modélisé les 19 bohas historiques et je les ai imprimées en 3D.
J'ai donc ajouté sur le musée virtuel de la boha (museedelaboha.fr) une page offrant la possibilité de télécharger gratuitement les fichiers 3D imprimables.
Il faut aller dans le "menu principal" puis la rubrique "instruments" et enfin "impression 3D" ou http://museedelaboha.fr/Instruments/impression.html
Je précise que j'ai aussi réalisé une boha contemporaine à 5 trous (en sol) en impression 3D et cela fonctionne très bien et pourrais permettre de faire des instruments d'étude à moindre coût.
Bonne fêtes de fin d'année!
Patrick"
On a pu apercevoir un cabrettaire (d'un groupe folklorique probablement), dans Meutres en Aveyron" sur France TV...
"Chanter le crime", l'ouvrage de Jean-François Maxou Heintzen sur les complaintes criminelles entre 1870 et 1940 est en souscription, voir sur https://escoutoux.net/Chanter-le-crime
Après Jean-Baron et quelques autres, c'est Georges Epinette qui a mis sur le papier sa vie de sonneur de couple dans "Des notes et des mots" (ouvrage en vente sur http://www.dastum.bzh, info lue dans Musique Bretonne n°269 )
Trois articles intéressants pour les amateurs de musiques tradtionnelles dans le numéro 244 de ArMen (sept octobre 2021): un sur les sonneurs de couple, un sur Jean-Michel Guilcher à Languidic (à propos de l'ouvrage rédemment édité par Jean-Michel et Monique Ory "Languidic, ce monde que nous aurions perdu - une enquête au long cours") et un sur l'archéo-musicologie de l'atelier Skaldet (à partir de la scuplture dite Lyre de Paule découverte en 1987)
Comme chaque année, non seulement l'AEPEM fait des promos de l'avent sur son catalogue (voir ci-dessous), mais La Talvera également : voir sur sont site http://www.talvera.org
Une info malheureuse d'Anne Lise Foy déjà largement relayée sur Facebook :
?VOL VIELLE A ROUE!!!
Dans la nuit de du jeudi 02 au vendredi 03 décembre 2021 à Châteauroux (36), je me suis faite voler mon instrument de musique.
Modèle ALTI-TENOR, des luthiers Claude et Claude-Emmanuel BOUDET
4 chanterelles, chien + 4 capodastres + 3 bourdons metalliques + 4 micros avec sortie potars au dos du clavier + 1 micro général
Caisse plate, forme guitare, couleur orangée, bordée blanche
+ Caisse noire semi-rigide, intérieur rouge bordeaux + ceinture en cuir attache patte d'oie + pochette avec matériel d'entretien : coton + colophane + doukdouk, lime + set de 10 cordes de rechange + 2 câbles spécifiques (4 broches et 5 broches) rouges et noirs embouts jack + leserman + classeur de partitions du groupe "Le petit Bal Ratamouche"
+ Caisse noire semi-rigide, intérieur rouge bordeaux
+ ceinture en cuir attache patte d'oie
+ pochette avec matériel d'entretien : coton + colophane + doukdouk, lime
+ set de 10 cordes de rechange
+ 2 câbles spécifiques (4 broches et 5 broches) rouges et noirs embouts jack
+ leserman
+ classeur de partitions du groupe "Le petit Bal Ratamouche"
Puisque c'est un prototype, il s'agit d'un modèle unique, donc repérable, donc invendable!
Merci par avance de votre aide, soutien, partage, vigilance sur les marchés, brocantes, ventes...
Contact en mp privilégier
AEPEM a encore baissé les prix sur pas mal de ses CDs et les permiers prix sont à 5 euros ce qui est vraiement donné puisqu'il n'y a rien a jeter dans toute leur production et que leurs albums publiés il y a quelques années n'ont pas vieilli d'une ride.... http://www.aepem.com
Voilà un album qui est déjà un petit événement en soi puisqu'au sein de la discographie de la musette baroque il doit s'agir du premier CD comportant uniquement cet instrument (sans autre instrument), et également le premier entièrement en duo de musettes (1).
Se sont attaqués à ce défi deux de nos meilleurs interprètes sur cet instrument : Jean-Pierre Van Hees et son disciple (le terme élève n'est plus vraiment d'actualité) Pieterjan Van Kerckhoven.
Les XVIIème et XVIIème siècle ont engendré de nombreux recueils pour musette (tout comme pour d'autres instruments) de niveau et d'intérêt varié. En consacrant cet enregistrement aux Impromptus de Fontainebleau de Nicolas Chedeville, nos deux musiciens n'ont pas simplement opté pour un recueil tout à la fois musicalement intéressant et techniquement exigeant : ils ont également voulu démontrer que l'instrument n'a pas été un gadget à la mode (2) dans l'artistocratie comme certains le croient encore : une partie au moins des musiciens amateurs qui s'y sont consacrés à l'époque l'ont fait avec une vraie exigence. Parmi ces derniers figurait l'une des filles de Louis XV qui aurait joué ces pièces difficiles avec leur compositeur, ce qui confirmerait sa réputation de musicienne citée par d'autres témoignages et, à nouveau, le fait qu'il ne s'agissait pas d'une lubie anecdotique mais qu'elle s'était investie dans la pratique de cet instrument.
Mais cela est pour les aspects historiques et vous pourrez en lire davantage dans le livret, trilingue et illustré de quelques belles photos (3) ... L'important est ce que notre duo nous donne à écouter (4) : 39 pièces d'une à trois minutes environ (en 39 plages, détail pratique qu'apprécieront ceux qui les étudieront), soit l'intégralité du recueil, jouées sur trois couples de musettes de tonalités différentes afin de varier timbres et tonalités. Couples de musettes de même tonalité se doit-on de préciser (et non une grave et une plus aigüe). Le livret désigne d'ailleurs par "suites", les suites de pièces jouées dans une même tonalité, même si chaque pièce est bien traitée indépendamment et non enchaînée avec la suivante ce qui en trahirait un peu la structure.
Comme déjà annoncé, l'écriture est riche, les deux voix, égales, s'entrecroisent, par delà tout schéma simpliste et ces pièces méritent d'être étudiées de ce point de vue par ceux qui, aujourd'hui, écrivent des harmonisations pour duos d'instruments traditionnels. Certains de ces duos doivent d'ailleurs pouvoir être interprétés sur d'autre cornemuses non ?
Malgré les changements de bourdons évoqués ci-dessus et une variété d'intentions et d'ambiance entre les pièces, il faut reconnaître que la première écoute s'avère dense si vous la faites d'une seule traite, mais au fil des écoutes, lorsque les mélodies commencent à s'imprégner dans la mémoire, l'écoute devient de plus en plus agréable.
L'interprétation est d'un excellent niveau, bien enlevée et d'une belle précision.même si on détectera encore ça et là quelque petite note encore perfectible. Mais doit-on viser la froide perfection ou conserver à ces instruments un peu de ce qui fait leur caractère ?
(1) lorsque le titre fait mention de pièces en deux parties, ce dernier terme est naturellement à comprendre dans le sens de l'époque c'est à dire à deux voix, comme dans l'expression "chacun tient sa partie"
(2) une "mode" qui aurait duré plus de deux siècles tout de même...
(3) renseignement pris ce ne sont pas exactement les 6 musettes utilisées dans l'enregistrement que l'on voit sur ces belles photos signées Lisa Deckers.
(4) Notons au passage que nous sommes ici dans le domaine de la "grande musique" et non des musiques traditionnelles et que c'est donc le nom du compositeur qui apparait en grand sur la pochette, puis le titre de l'oeuvre, sa nature ("pièces en deux parties pour les musettes") et, enfin seulement, celui des interprètes...
Jean-Pierre Van Hees : voir à partir de la chronique de son ouvrage "Cornemuses - Un infini sonore"
Pieterjan Van Kerckhoven : voir à partir de : Les menus plaisirs du Roy "Joseph Bodin de Boismortier - Divertissements de campagne"
Voici un titre d'album qui rend justice aux femmes, dont il faut bien constater que, reflet des pratiques anciennes, elles sont moins présentes dans les collectages que les hommes (quoique ce soit moins vrai pour le chant que pour les instrumentaux dont la pratique était externe au foyer donc moins accessible aux femmes). Et ce titre rend également justice au Vivarais (Ardèche) qui n'est pas une région du Massif Central dont j'ai souvent l'occasion de vous entretenir même si je le souhaiterai compte-tenu d'une partie de mes origines.... Christian Oller s'intéresse d'ailleurs surtout au plateau ardéchois, c'est à dire la moitié nord du département (1), celle grandement ignorée par les touristes qui réduisent souvent l'Ardèche à sa partie sud.
Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, il ne s'agit pas d'un album consacré exclusivement aux chanteuses : Christian Oller explique dans le livret qu'il s'agit davantage d'un hommage à celle(s) qui l'ont incité à se consacrer à ce territoire, à celles qui ont principalement perpétué ce répertoire. L'album comporte donc également des enregistrements de chanteurs, voire quelques instrumentistes.
Le répertoire, en grande partie originale nous montre encore une fois l'étendue du fonds des chants traditionnels francophone.
Les interprètes sont, quant à eux de grande qualité et on en vient même à se poser la question si la manière de chanter de certains, de poser la voix, n'est pas influencée par l'écoute des chanteurs du XXème siècle à la radio ou ailleurs. Mais ce n'est jamais flagrant et en écoutant ces collectages je me demande même si, au contraire, nous ne sommes pas passé à côté d'un aspect de l'interprétation traditionnelle : une dynamique particulière du phrasé (micro-tempo et intensité) qui donne ce côté un peu "ondulant" Un aspect que je ressens clairement chez plusieurs chanteuses et chanteurs ici qui doit être présent dans bien des collectages (il faut maintenant que je vérifie cela...) et qu'il ne me semble pas percevoir dans des ré-interprétations actuelles.
Je regrette seulement que le livret ne soit pas plus détaillé et ne localise pas chaque plage (et sur carte ce serait encore mieux mais si rare....) (2)
A commander chez Phonolite : https://phonolithe.fr
(1) voir un peu au delà des limites administratives départementales....
(2) mais mon souhait de disposer d'une carte est exaucé sur le site https://infrasons.org développé par l'AMTA et le CMTRA et sur lequel vous trouverez, entre autres, une cartographie interactive permettant d'écouter des extraits de collectages en cliquant simplement sur des points sur la carte de la région AURA
Rappels : Collectages en Ardèche, voir à partir de la chronique du CD de l'Association Aigardent : "Apprends moi ton langage - Chansons des pays d'Ardèche"
Voici un un vielleux dont je vous ai déjà entretenu pour sa participation aux albums de Face à Phasmes, qui faisait partie de la collection "Roulez jeunesse", puis de Los Cinq Jaus, et qui signe maintenant un album solo dans la collection "Un musicien un instrument un répertoire" ce qui est déjà en soi une forme de consécration.
Il joue naturellement le jeu de cette collection aux règles bien définies : du pur solo sur un type d'instrument (ici la vielle donc...) et uniquement sur des traditionnels d'un territoire donné, en l'occurrence ici le Nivernais et Lucien Pillot a même encore davantage ciblé son répertoire en piochant uniquement dans les collectages d'Achille Millien ce qui pourrait passer à priori pour un manque d'originalité mais ne l'empêche pas au contraire de nous dénicher de bien belles choses pas toujours connues.
Il joue sur une vielle alto, c'est à dire une vielle dont la longueur vibrante des cordes est plus grande que sur les vielles habituelles, ce qui permet des graves plus profonds notamment dans les bourdons et il est agréable d'entendre cet instrument en solo et dans sa version acoustique puisqu'il est plus souvent enregistré dans sa version électroacoustique.
Un bon vielleux se reconnait dès les premiers tours de roue car sa vielle est parfaitement réglée et c'est le cas ici, bien servi de plus par une prise de son aux petits oignons qui permet de distinguer très clairement bourdons, chien et clavier. Lucien Pillot joue d'ailleurs quelques mélodies lentes sans le chien, voire sans chien ni bourdon. Il ne cède d'ailleurs pas à l'artifice relativement évident d'ajouter progressivement bourdons ou rythmique pour relancer l'attention. Sur la dernière plage, comme il l'explique dans le livret, il a voulu reconstituer l'effet de changement de sens d'un archet classique. Cela fonctionne mais il place assez curieusement ces changements au sein des phrases...
Je ne vous ai pas encore précisé qu'il chante également sur quelques plages, de manière tout à fait intéressante, à l'unisson du clavier de sa vielle.
En bref, c'est tout de même beau la vielle bien jouée et bien enregistrée....
Rappels : voir à partir de Face à Phasmes "Musique traditionnelle du Centre"
Troisième opus de ce duo composé de Basile Brémaud au violon et Hervé Capel à l'accordéon chromatique pour un répertoire du Massif central (de la Corrèze au Puy de Dôme en passant par le Cantal) avec tout de même trois mélodies signées par l'un ou l'autre de nos deux musiciens.
Ce duo est naturellement une valeur sûre et, sauf coup de tête de leur part, on ne voit pas trop comment nous aurions pu avoir une mauvaise surprise avec ce nouvel album. Nous retrouvons donc avec plaisir leur style propre tant individuellement que dans le duo. Hervé joue du chromatique mais avec un maniement du soufflet parfois plus efficace que celui de bien des diatonistes malgré une différence évidente de poids de l'instrument. Il en résulte une dynamique unique qui réconciliera tout ceux que le chromatique trop dégoulinant aurait dégouté de l'instrument. Et il ne se prive pas d'utiliser les possibilités de son "bahut" et nous offre notamment un passage dans un registre très aigü, et qui bien qu'en accompagnement et de faible volume, capte finalement toute l'attention de l'auditeur.
Basile a toujours l'archet aussi efficace et c'est par l'usage de la voix qu'il évolue davantage. Il n'a certes pas encore le même niveau au chant qu'au violon mais il se défend bien et l'usage de la voix est tout de même un plus pour un tel duo. Le répertoire va du traditionnel un peu rugeux collecté chez les violonneux (1) à une valse très musette de Cayla et Colombo ce qui donne de la diversité à l'album et montre un duo toujours à l'aise dans cet éventail stylistique.
Que dire de plus sinon qu'opus après opus, on ne s'en lasse pas et, naturellement, sur un parquet de bal c'est encore mieux....
(1) On retrouve dans les violonneux sources mentionnés dans le livret les noms bien connus d'Henri Tournadre, Elie Chamberet, Julien Chastagnol, Michel Péchadre, Eugène Amblard, André Gatignol. Il n'y a que celui de Jules Boyer que je ne connaissais pas... Citons également la présence d'une composition du cabrettaire Pierre Ladonne.
Rappels : voir à partir de leur premier album
Bal O'Gadjo n'en est pas à son premier album, c'est même leur sixième mais, naturellement, la composition du groupe a évolué avec le temps (13 ans) et ne reste de la formation initiale que Lucile Magnan au violoncelle et Paul Oliver au violon et à la mandole algérienne. Fabien Bucher à la guitare et mandoline ainsi que Samuel Wornom aux percussions sont là depuis plusieurs albums maintenant et la dernière arrivée (mais déjà là sur l'album précédent) est Lucie Gibaux qui apporte avec sa clarinette un peu de vents dans ce monde de cordes. Cordes des instruments et cordes vocales (à vent...) puisque tous usent de la voix et que sur CD il est donc difficile de savoir qui chante quoi et quand mais il est certain que les voix principales ne sont pas les mêmes d'une plage à l'autre ce qui est bien agréable.
Comme l'indique le nom du groupe, il pratique un répertoire à danser en bal mais avec une inspiration tournée plus souvent vers l'est voire l'orient (ce qui devrait être synonyme mais ne l'est finalement pas réellement....) ou vers l'Afrique, ce qui ne les empêche pas de proposer les danses de bal folk habituelles : bourrées diverses, danses bretonnes, danses de couple... Si vous ne supportez pas que les danses n'aient pas la couleur propre à leur terroir passez votre chemin, par contre si vous aimez les expériences plus originales, tentez leurs bals. Mais comme il s'agit ici d'écouter un album, je ne me suis pas soucié des chorégraphies possibles et je m'en suis remis à l'écoute de ces compositions (aucune mélodie traditionnelle) instrumentales ou chantées. Dans ce dernier cas, nos lascars ne font pas dans la simplicité puisqu'au delà de l'interprétation de textes en diaoula, en tamashek, en rajasthani ou en crétois (et même en occitan ;-)), il vont jusqu'à écrire en bulgare ou à faire traduire leurs textes en arabe ou en bulgare.
Précisons enfin, à notre époque où l'accusation d'appropriation culturelle est devenue courante, que nos musiciens sont de vrais passionnés par les musiques qu'ils interprètent et que s'ils ratissent géographiquement assez large c'est probablement du fait de la diversité de leurs cinq parcours personnels. Leur imprégnation semble bien plus que superficielle et, dans un contexte actuel de repli, il n'est pas anodin d'ouvrir nos bals folks à des "sonorités" extraeuropéennes.
Contact : cooperzic.prod suivi de gmail.com
Il y a des albums dont on croit deviner le contenu avant de les mettre sur la platine : ici trois musiciens bien connus en Morvan, qui doivent totaliser pas mal d'heures de bal à eux trois, la référence à Anost, le village bien connu des amateurs de musiques traditionnelles (et pas que les vielleux), un nom de groupe qui annonce une démarche sans prétention et une pochette à l'avenant. Avec tout cela les bourrées morvandelles résonnent déjà dans notre tête alors que le CD n'est pas même encore sorti de sa pochette. Et pourtant l'album surprend : non pas que nos trois musiciens ait tenté quelque expérimentation, mais par un style, une cadence sonnant un peu musette (Gilles Desserprit pratique par ailleurs la cabrette ce qui explique sans doute en partie des choses...), les fameuses bourrées, qui n'occupent que trois des 16 plages sont presques valsées et l'album s'ouvre d'ailleurs pas une marche-polka plus marche de bal musette que polka, ce qui démontre que ce choix stylistique est parfaitement assuré. Ce constat fait, ne reste plus qu'à se mettre en piste (au propre ou au figuré) car il s'agit bien de musique à danser, avec des ensembles privilégiant l'unisson et juste de temps à autre quelque courte voix parallèle mais rien qui ne puisse perturber les danseurs. André (dit "Dédé" me semble-t-il) Chantereau au diato, Christian Citel à la vielle et Gilles Desserprit aux cornemuses sont trois instrumentistes qui maîtrisent parfaitement leurs instruments et savent les faire sonner. Je n'ai pas en mémoire d'enregistrements précédents de notre accordéoniste mais Christian Citel et Gilles Desserprit ont participé à pas mal d'albums collectifs, Christian au mélodéon dès1977 sur le troisième volume des fameux vinyls "Chanteurs et musiciens en Morvan" ! Si Gilles avait déjà enregistré un CD avec Les Traîne-bûches, il s'agit donc, pour deux des trois, de leur premier album complet, comme quoi il n'est jamais trop tard pour bien faire....
PS : nous sommes chez AEPEM donc naturellement des mélodies traditionnelles souvent méconnues (plus 6 compositions d'André Chantereau et deux du regretté Alain Vieillard) et les sources, comme d'habitude, indiquées dans le livret..
Rappels (probablement non exhaustifs...) :
Christian Citel et Gilles Desserprit : sur des plages différentes des albums collectifs suivants :
"Tantôt sur la Muzote"Tantôt sur lai mûzotte Noëls et airs religieux entre Bourgogne et Nivernais"
Bourrées du Morvan
Gilles Desserprit :
Au sein des Traîne-Buches "J'serais pas étonné qu'on ferme ! - Rock Morvandiau" 2011 après un premier titre de ce groupe dès 1998 sur l'album collectif "Odyssée en Morvan" et un autre sur l'album "Bourrées du Morvan" ci-dessus ..
Et dans les albums collectifs suivants :
"Dansons le Morvan" volumes 1 et 2 (1 plage sur chacun avec P. Desbrosse sous le nom "Les Postés", tout comme sur l'album "Bourrées du Morvan" ci-dessus) ..
"Sur les chemins de la Galvache"
"Mélodies en sous-sol - Musique traditionnelle des grandes cornemuses du Centre-France"
Christian Citel : "Chanteurs Et Musiciens De Villages En Morvan, Volume 3", Vendémaire 1977
André Chantereau : trois plages sur l'album collectif "Fête de l'accordéon à Saint-Léger-sous-Beuvray"
Il suffit d'écouter les premières plages pour se dire que cet album de la collection "Roulez jeunesse" aurait très bien pu figurer également dans la collection "Un musicien, un instrument, un répertoire" car si Baptiste est un musicien encore jeune et pas trop connu (1), et si les photos de pochette sont plutôt décontractées, son jeu fait preuve d'une impressionnante maturité. La différence (entre l'appartenance à l'une ou l'autre collection) est que vous le paierez ainsi deux euros de moins et que Baptiste a pu inviter des copains musiciens sur 4 plages. Mais pour ce qui est du répertoire il ne s'éloigne pas ici du Poitou. et aurait donc respecté la règle d'unité géographique imposée sur l'autre collection.
Il y aura peut-être des âmes chagrines qui trouveront qu'il use un peu trop des doubles cordes et qu'il dispose ainsi d'une marge pour épurer son jeu, mais, d'une part, j'aime bien les doubles cordes au violon, surtout solo et, d'autre part, il le fait fort bien et très probablement (2) dans le style traditionnel du violon poitevin puisque la description des sources dans le livret laisse deviner qu'il a passé pas mal de temps à étudier les collectages au CERDO....
Comme je l'écrivais ci-dessus, le répertoire est quasi purement poitevin (et presque entièrement à danser) mais on ne s'y ennuie jamais et Baptiste donne même un peu de la voix, sans avoir à en rougir mais avec tout de même une marge de progression de ce côté là.... Il faut dire que le répertoire poitevin avec ses avant-deux et leurs annonces de figures impose l'usage des cordes vocales.
Voici donc un jeune musicien dont on ne demande qu'à suivre le parcours que je ne qualifierai pas de "prometteur" puisqu'il nous donne déjà tant plutôt que de le promettre...
(1) quoiqu'une recherche sur internet montre qu'il doit s'être déjà pas mal fait connaître par ses vidéos sur FB-Youtube et que s'il joue actuellement dans Cha¨avec Benoit Guerbigny et Corentin Boizot-Blaize, il a également de l'expérience en violon irlandais...
(2) je ne me prétends pas expert en styles régionaux de violon....
Lorsque l'on a été des précurseurs dans un domaine artistique donné, que le temps à passé, que de nouvelles générations sont arrivées avec leurs lots de petits jeunes surdoués dont les premiers pas ont été facilités par des instruments au point, des possibilités d'apprentissage structuré et des exemples de jeu à foison (de collectage ou plus récents), que reste-t-il à apporter ? C'est une question que doivent se poser (ou s'être posé) de nombreux musiciens trad. de la première vague des années 70. Mais je ne suis même pas certain que ce soit vraiment ce qui a motivé Jean-Claude Blanc dans une démarche où il a entraîné son frère Bernard et quelques amis musiciens fort bien choisis. Sans doute est-ce plus simplement un cheminement personnel, une recherche commune à bien des artistes qu'ils soient musiciens, graphistes ou autres : le désir d'aller à l'essentiel, de faire passer l'émotion avec un minimum d'artifice, le souhait d'épurer pour ne garder que l'essentiel. Une démarche que l'on peut envisager jeune mais à laquelle on ne parvient souvent qu'avec la maturité...
Leur album précédent ouvrait déjà bien cette voie et celui-ci me semble atteindre encore davantage ce but : dès la première plage nos deux frères cornemuseux font preuve d'une maturité réellement impressionnante dans leur style de jeu, avec un vibrato réduit au minimum et, pourtant, des notes toutes parfaitement tenues et senties, de l'attaque à l'extinction, sans une microseconde de relachement ou de monotonie. Et cette première plage est également admirable par un jeu à l'octave (14 et 26 pouces) au parallèlisme absolument parfait (encore plus perceptible dans un jeu à l'octave qu'à l'unisson) : ne peuvent arriver à un tel résultat que deux musiciens qui partagent exactement le même ressenti sur chaque note d'une mélodie, sur chaque motif rythmique et c'est d'autant plus remarquable sur une mélodie relativement lente et rytmiquement élaborée de ce type. Non seulement c'est très beau mais cela fait envie car jouer ainsi en parfaite communion avec un compère, sans tension, est un plaisir sans égal...
La seconde plage, interprétée par Jean-Claude à la 26 pouces (il n'utilise quasiment que cet instrument sur l'album) nous dévoile le second aspect de cet album : un jeu plus arrangé avec d'autres instruments, en l'occurence ici sax alto et contrebasse (piano également sur d'autres plages), mais toujours dans le même esprit d'aller à l'essentiel. Une seconde plage qui amène d'ailleurs à saluer la qualité de la prise de son et du mixage, avec ici un saxophone très subtilement un peu en arrière et qui donne une couleur tout à fait agréable à l'ensemble avec un côté un peu boîte à musique.
Je pourrai vous faire le topo plage par plage car chacune le mériterait : tout est d'une singulière beauté et rien n'est à jeter dans cet album au point qu'il est dommage de l'écouter d'une traite... Mais vous pouvez tout de même le faire sans craindre la lassitude vu le bon agencement des différentes formules instrumentales.
Je vais être un peu long mais je ne peux pas ne pas parler du travail de choix du répertoire et d'interprétation de celui-ci qui est également original : aucun traditionnel du Centre France ni même d'autres régions de l'hexagone mais des mélodies, orientales, séfarades, anglaises (Purcell, Gibbon, Dowland) ou scandinave, réappropriées par nos musiciens, en occultant totalement l'origine de celles-ci, sans chercher à conserver de couleurs spécifiques. Et effectivement, diffiicle à l'écoute de l'album de deviner par quel point cardinal celles-ci ont soufflé pour finir dans ces poches de cornemuses bourbonnaises. Il est aujourd'hui commun que des groupes piochent dans des répertoires exogènes, avec ou sans souci de respect du style de jeu propre à ces mélodies : je suis tenté de considérer que les meilleurs résultats sont obtenus par ceux qui vont au fond de leur démarche : soit travailler toutes les subtilités de l'interprétation originale, soit, comme ici, bannir toute folklorisation et phagocyter totalement la mélodie dans son propre univers musical (à condition naturellement d'en avoir construit un de qualité auparavant...).
Et, enfin, ce n'est pas la moindre des qualités de cet album, Jean-Claude a su bien s'entourer : de son frère Bernard à la 14 pouces sur six des 13 plages, mais également d'Olivier Ginetait, déjà présent sur le premier opus, à la 20 pouces et au sax alto : un musicien à mon avis pas assez connu en dehors de sa région, d'Aloïs Ginetait (fils du précédent ?) à la contrebasse et dont on regrettera juste qu'il ne joue pas davantage à l'archet tant c'est beau sur la plage où il le fait, et de Jean-François Déat dont le jeu dont le jeu est tellement sensible que, même moi qui ne suit pas trop fan de piano, à la première écoute d'un début de plage réalisée au piano soliste, j'ai presque redouté que l'entrée de la cornemuse ne rompe la magie de l'instant... Et signalons enfin les arrangements de Dominique Manchon sur six des mélodies, toujours inventif mais respectant ici la sobriété déjà évoquée.
Les deux albums "Vielleux du Bourbonnais" avaient, en leur temps été une révélation pour beaucoup en matière en jeu des musettes du centre (1), cet album et son prédecesseur sont à même d'influencer également le jeu de certains musiciens, dans un cercle probablement plus restreint mais de manière tout aussi profonde.
Autoproduction, contact jc.blanc2 suivi de @wanadoo.fr
(1) avec l'album "Cornemuses" de Montbel-Blanchard naturellement.
Rappels : voir à partir de leur premier opus : "Cornemuses"
Voici un CD de polyphonies vocales bien trop court : 2 plages seulement même si chacune fait autour 8 mn, le temps de laisser bien se développer ces deux compositions du groupes sur des textes de l'une des membres. Compositions aux allures bien traditionnelles mais dont il est bien difficile d'affecter une parenté ou plutôt de choisir entre toutes les influences qui ressortent derrière ces polyphonies, occitanes certes par la langue principalement utilisée, par des couleurs pyrénéennes, par des accents qui rappellent parfois des groupes toulousains, voire aussi Le Corou de Berra. Mais on y décèle également bien d'autres influences, italiennes notamment (y aurait-il d'anciens stagiaires de Giovana Marini ?) et plus lointaines aussi.
Un coup d'oeil au site internet nous apprend que ces cinq jeunes chanteurs percussionistes sont pour la plupart instrumentistes par ailleurs et ont tous traînés leurs guêtres musicales dans bien des contrées, du Pays basque au Mexique en passant par l'Afrique, qu'ils ne sont pas nombreux à avoir des racines occitanes et, du coup, on se félicite qu'ils aient finalement réussi à trouver une belle cohérence artistique à ce projet, qu'ils aient réussi à faire prendre la sauce et marier les épices. On en reprendrai bien un peu non ?
https://belugueta.net/
Second CD, toujours sous une esthétique de papier peint des années 70, pour ce duo féminin violon-diato, à nouveau chez AEPEM donc toujours fidèle au répertoire traditionnel et même purement traditionnel Marche-Limousin : pas trace ici d'une composition ou d'un emprunt à une autre région... Et, de plus, un répertoire au sein duquel les standards ne sont pas légion.
Mais au delà du répertoire, c'est par son interprétation toujours aussi efficace que brille ce duo; pas de gros son ici mais deux instruments qui cherchent plutôt à se fondre et une prise de son-mixage qui ne cherche pas à faire ronfler les basses. Certains trouveront peut-être le spectre résultant un peu étriqué mais je ne peux que penser qu'il s'agit d'un choix qui met en valeur la connivence entre le violon et le diato.
Sur deux ou trois plages elles joignent le chant aux instruments, sans prétendre à faire oeuvre vocale (d'ailleurs elles n'ont même pas mentionné l'usage de leurs voix sur la pochette) mais tout à fait correctement (surtout sur "Vous n'irez plus au bal") et cela ravive l'intérêt de l'auditeur quoique ce ne soit, de toute façon, pas un album que l'on met sur la platine et que l'on oublie : il y a sans cesse une cadence qui vient vous prendre les pieds ou les avant-bras et difficile d'y résister...
Le jeu de violon d'Alexandra Lacouchie est certes moins proche des originaux, plus facilement "abordable", plus tempéré que ceux de Jean-Marc Delaunay ou Philippe Ancelin et le duo avec le diato renforce cela sans avoir besoin de compenser par quelque artifice, nos deux ménétrières conservent cette cadence qui fait tout le sel de ce répertoire particulier...
Rappel : voir à partir du précédent : "Ordich ! Musique traditionnelle Limousin Marche"
Alfred Den Ouden fait partie de ces acteurs du petit monde trad. dont j'ai du entendre parler depuis que je suis tombé dedans dans les années 70, mais que je ne connaissais finalement toujours pas, probablement car son terrain de jeu ne doit guère s'éloigner de sa Flandre (française en l'occurence). En cherchant un peu quelle a pu être sa discographie, force est de constater qu'elle est riche de 33 tours puisqu'il fit partie des pionniers du revivalisme. Un artiste que je pensais donc ne pas connaître et pourtant, en écoutant sa voix dès la première plage de cet album, celle-ci m'est apparue comme le timbre évident pour chanter ce répertoire et cette langue. Est-ce une adéquation parfaite ou est-ce que finalement je l'avais déjà entendu sans le savoir (sur le vinyl du festival de Vesdun 1972 par exemple) ou bien a-t-il fait école dans la manière d'interpréter ce répertoire, je pense que je n'en saurai jamais rien mais il est toujours agréable d'entendre chanter une langue par une voix que l'on imagine même pas chanter autre chose...
Le livret nous renseigne sur la genèse de cet album live qui reprend pour l'essentiel (il y a quelques différence dont par exemple la reprise ici du fameux "Jan Mijne Man") le répertoire de l'album de 1974 "traditionele-volksmuziek-uit-frans-vlaanderen", album qui puisait essentiellement dans le répertoire collecté par Edmond de Coussemaker. Je viens de découvrir que sur cet album maintenant historique intervenait Bernard Blanc, c'est maintenant Gerald Ryckeboer qui tient les cornemuses mais également quelques autres instruments et la voix, le troisième larron du trio étant le vielleux Lode Bucsan. Quant à Alfred den Ouden, s'il chante en s'accompagnant principalement à l'accordéon ou aux concertinas (qui voisinent très bien avec les cornemuses d'ailleurs...). Trois invités ajoutent quelques touches supplémentaires, parmi eux, au banjo, Youra Marcus, récemment décédé et dont je suppose dont que se doit être le dernier enregistrement...
Lorsqu'un album débute par une voix seule posée sur un bourdon (celui de la vielle en l'occurence), c'est plutôt bon signe et ce d'autant plus lorsque l'ambiance sent la chaleur humaine, que l'enregistrement ne vise pas une froide perfection mais préserve la vérité du live en ne nettoyant pas quelques toutes petites scories deci delà. En 1974 ce répertoire pourtant ancien apparaissait nouveau, aujourd'hui, certaines de ces mélodies nous sont familières mais bénéficiant d'une double couche de patine, celle remontant au XIXème sur laquelle s'est déposée celle remontant à ces années revival.
https://bemolvpc.com/
Rappel : le vinyl de 1974 : "alfred en kriestien den ouden - traditionele-volksmuziek-uit-frans-vlaanderen"
J'avais élu le premier disque de ce quartet album de l'année dans Trad. Magazine...
Ils avaient donc mis la barre très très haut à l'époque et il est donc difficile d'assurer un second opus de même niveau aujourd'hui. Je dois donc avouer avoir été un peu déçu à l'écoute de celui-ci. Les musiciens sont toujours aussi bons et la voix de Marianne Evezard toujours aussi prenante mais c'est justement là que le bas blesse : elle est souvent un peu étouffée au mixage (1) par les trois instrumentistes et on aimerait l'entendre un peu plus sur le devant, ceci surtout sur les premières plages et il vous faudra donc écouter l'album assez fort pour rectifier cela et bien en profiter. Le second bémol est probablement lié au premier : les accompagnements utilisent souvent le principe de l'ostinato (vrai ou seulement sur les couplets), c'est presque une signature du groupe, mais trop en avant cela en devient parfois trop envahissant et on aimerait davantage de respirations.
Mais lorsque la voix est mise au premier plan, sur "Aval al bord de la ribièra" par exemple, la magie opère totalement et si les paroles de cette chanson ne donnent pas la chair de poule comme le faisait "La fille d'un riche" sur le premier opus, cela reste du grand art tout de même... Et cette fois tout l'album est à danser puisque cette chanson est traitée en valse.
Le sous-titre indique que le groupe fouille toujours le répertoire des "contreforts du Massif central" mais il s'agit cette fois de l'arc sud-est de celui-ci, du Velay au Languedoc avec quelques exceptions plus dans le coeur du Massif et une suite instrumentale qualifiée d"Auvergne à Paris" dont on ne leur tiendra pas rigueur, même s'ils s'agit de trois bourrées bien plus connues que le reste de l'album. On en appréciera l'interprétation, notamment la bourrée à Ranvier traitée de façon assez originale par les cordes. On ne leur reprochera pas davantage la reprise d'une compositition niçoise (de Patrice Conte) qui se fond parfaitement dans cet album.entièrement traditionnel pour le reste.
J'ai débuté cette chronique par deux bémols mais comme il partaient de haut, ils demeurent toujours au dessus de la portée...
(1) pour une fois qu'il y a à redire sur le son d'un album AEPEM... Ou peut-être est-ce justement le niveau habituel qui nous rend plus exigeant maintenant...
AEPEM, collection "Un musicien, un instrument, un répertoire" http://www.aepem.com
Rappel : "Musiques et chants des contreforts du Massif Central"
Enfin ! C'est sans doute le premier mot qui vient à l'esprit en découvrant cet album. Enfin car si Jean-Marc Delaunay, grand spécialiste de cette tradition de violon du Massif Central est bien connu pour ses nombreux articles et analyses de documents de collectages, notamment sur le site du CMTRL (1), il n'avait pas encore enregistré d'album en tant que tel. (2)
Le voici donc ici dans son répertoire de prédilection, celui des violoneux de l'Artense, une des régions du Massif central, entre Cantal et Puy de Dôme, devenue une référence en matière de violon traditionnel. Et bien entendu, un répertoire hors des sentiers trop battus...
A l'instar de Philippe Ancelin, Jean-Marc Delaunay pratique un style de violon inspiré sans concessions par celui des violonneux traditionnels, du tempérament inégal (mais jamais approximatif) qui choquera certainement l'auditeur à l'oreille par trop classique ou formatée par les musiques actuelles, aux ornements subtils ou plus appuyés (notamment les glissés). Un style indubitablement riche qui demande une écoute attentive même s'il s'agit de musique à danser. Une cadence naturellement irréprochable sur des tempos qui ne doivent rien au hasard, pour un musicien qui n'a pas besoin d'accelérer pour donner de l'énergie à son archet.
Les anciens ont souvent été collectés à des âges où ils n'avaient plus toutes leurs capacités physique et donc techniques, souvent après une longue période d'interruption, Jean-Marc Delaunay nous offre des interprétations dans leur style, par un musicien en pleine possession de ses moyens, avec un haut niveau d'exigence. Un respect du style qui consiste non pas à céder à faciliter de "nettoyer" ce qui pourrait gêner dans ces interprétations anciennes mais au contraire à comprendre ces ornements, ces choix esthétiques, à les faire siens et à les sublimer. Et naturellement en solo sans nécessité d'un habillage par d'autres instruments... Un album qui demande donc juste à l'auditeur de faire un peu du même chemin, mais le paysage en vaut la peine et vous n'êtes pas obligé de faire tout d'une traite, prenez le temps de profiter des différentes étapes...
(1) des articles dont le champ s'étend d'ailleurs bien au delà du violon du Massif central puisqu'il traite de bien d'autres instruments, traditions et même de musiques extraeuropéennes :
(2) Son ouvrage de répertoire aujourd'hui épuisé "Les violons de l'Artense" publié par l'AMTA en 1999 comportait deux CDs sur lesquels il interprétait les mélodies en question. J'ai également retrouvé une intervention sur un album des Brayauds
Grégory Jolivet en pur solo comme le veut cette collection et sur du répertoire traditionnel du Berry. Il laisse pour une fois sa vielle électroacoustique pour deux vielles traditionnelles et adopte en conséquence un jeu très berrichon, bien cadencé, parfois un rien pompier comme il se doit. Mais si le chien reste souvent fidèle à la mélodie, il prend tout de même des libertés bien agréables sur d'autres et on appréciera de nombreux petits ornements que les vielleux prendront plaisir à décortiquer et tenter de reproduire... Mais l'intérêt premier de cet album tient sans doute à un répertoire à danser (1) tout à la fois traditionnel et le plus souvent original qui montre une fois encore qu'il demeure des perles à mettre en valeur et pour cela quoi de mieux que ces interprétations tout à la fois dans le style, techniquement riches, bien dans la cadence bref qui vous donneront envie de réinterpréter ces mélodies mais attention, veilleux ou autre instrumentiste, vous risquez de ne pas arriver de suite (2) à un tel résultat...
(1) une seule mélodie à écouter, plus connue, en milieu d'album, comme une respiration sans chien et avec peu de bourdons...
(2).. voire jamais pour beaucoup d'entre nous.... ;-)
Rappel : voir à partir de son précédent CD solo comme le titre l'indiquait, mais moins trad comme le montre sa vielle électroacoustique :"Alt 'o solo"
Second opus pour eux également pour ce quartet au sein duquel Arnaud Bibonne ne joue pas de la boha mais de la cabrette puisque le répertoire est celui du Velay (1)... Sur le site internet de ce cornemuseux multicartes (boha, cabrette mais aussi mezzued...) Los Cinq Jaus est à chercher à la rubrique bal et non à celle des concerts et pourtant voilà un groupe qui mérite une écoute plus attentive que celle de la plupart des danseurs (2) et en premier lieu parce que dix des seize plages sont chantées, et même a capella pour celle qui ouvre l'album (une option courageuse mais judicieuse). Et nos quatre instrumentistes maîtrisent tout aussi bien leurs voix que les cordes et anches de leurs violon, vielle, diato et cabrette.
Mais effectivement, le groupe coche toutes les cases du bon groupe de bal avec un son de groupe qui saute de suite aux oreilles : il apparaît d'abord clairement que les quatre musiciens partagent le même sens de la cadence, qu'aucune tension ne transparaît dans le tempo et c'est un plaisir d'entendre un groupe jouer ainsi. Un second point qui plaira aux danseurs est le choix d'arrangements qui ne nuisent jamais à la perception de la mélodie, et pourtant tout ceci est bien plus travaillé qu'il n'y paraît pour donner de la chair à ses mélodies sans jamais plomber la cadence ou brouiller l'écoute. Un esprit de groupe qui conduit aussi des musiciens à la technique assumée à jouer le collectif plutôt que d'essayer que de mettre leur individualité en avant, raison de plus pour ne pas oublier de citer les trois autres (3) : Antonin Duval au violon, Lucien Pillot à la vielle et Florent Paulet au diato, les quatre étant également chanteurs, rejoints sur une plage par JL. Deygas et Michel Paulet.
Est-il encore utile de rappeler puisque l'on est chez AEPEM que le répertoire est très majoritairement traditionnel et que le livret cite les sources ? Mais on a droit également cette fois à l'intégralité des paroles (avec traduction pour celles en occitan) et même les partitions des mélodies...
Voici une chronique que j'ai rédigée après une écoute seulement, ce qui m'arrive rarement mais c'est toujours bon signe...
Co-production AEPEM-RATAPENADA, http://www.aepem.com
(1) pour les nuls en géographie, le Velay est situé sur le département de la Haute-Loire, autour du Puy-en-Velay comme son nom l'indique. Outre la dentelle et la verveine c'est, entre autres, un pays de cabrette et de bourrées sur lequel Didier Perre a fait de nombreuses publication (voir notamment le recueil chroniqué sur le présent site ). On ne s'étonnera d'ailleurs pas de retrouver Didier Perre cité dans les sources de certaines mélodies interprétées ici, le contraire aurait été plus surprenant.
(2) saluons au passage et sans rapport direct avec le présent album, le travail de Josyane Enjelvin qui insiste dans ses stages pour que les danseurs écoutent la musique et ne se contentent pas de suivre un rythme.
(3) le cinquième sur la photo du livret est le preneur de son Joanny Nioulou, cornemuseux par ailleurs et d'une famille connue. Pour une fois chez AEPEM la prise de son n'est pas de Jacques Lanfranchi mais le niveau reste excellent...
Rappels : voir à partir de Los Cinc Jaus "Vara Vau - Musique tradionnelle du Velay"
Le CD de Tatu Trio soit François Breugnot, violons, chant, Philippe Guidat, guitares, Mag Mooken, percussions est paru, voir sur
http://www.tommefraicheproductions.com/artistes/tatu-trio/
Pour chaque plage de cet album, Joanne McIver a rédigé un court texte explicatif qui renvoie la plupart du temps à son histoire familiale et/où à celle des lieux de ses origines. Elle omet cependant de préciser s'il y avait un nid de fées près de sa maison natale car indubitablement elles ont été nombreuses à se pencher sur son berceau pour produire cette remarquable instrumentiste (notamment aux flûtes et scottisch small-pipe), qui nous gratifie cette fois d'un album entièrement écrit et composé par elle-même et Christophe sans que cela ne transparaisse à l'écoute : bien malin qui détectera que, parmi ces chants en gaélique et anglais ainsi que quelques instrumentaux, aucun n'est traditionnel.... Et comme le titre de l'album le laisse deviner, c'est un album sur lequel elle se place en premier lieu en chanteuse, un domaine où elle s'avère tout aussi talentueuse que comme instrumentiste avec une belle voix tout à fait adaptée à ce répertoire. Il faudra d'ailleurs attendre plusieurs plages avant de la retrouver au small-pipe et si on regrettera un peu de ne pas entendre davantage de small-pipe ce n'est pas qu'elle soit moins bonne chanteuse mais juste que les bonnes joueuses de scottisch small pipe sont bien moins nombreuses que les bonnes chanteuses écossaises... Mais dans tous les cas, que ce soit au chant, aux flûtes ou cornemuses, elle a toujours parfaitement le timbre, le phrasé, l'accent...
Elle est naturellement accompagnée par Christophe Saunière à la harpe classique mais également à la harpe celtique dont il est aisé de reconnaître la sonorité. Un duo qui fonctionne toujours aussi bien pour générer ces ambiances particulières tout à la fois paisibles et toutefois pleines d'énergie. Le livret liste pas moins de 12 musiciens invités dont un quatuor à cordes et un quatuor de cuivres. L'auditeur s'attend donc à quelques plages finissant en fanfare mais il n'en est rien et tous ces invités interviennent pour de discrets soutiens, des ponctuations en arrière plan et à la fin de la première écoute certains seront certainement passé inaperçus et pourtant ils ont bien apporté un petit plus par leur intervention.
Vivement la fin des confinements que l'on puisse les ré-entendre en live....
Buda records
http://www.mciversauniere.com
Rappels : voir à partir de :
Quelle bonne idée que cette collection "Roulez jeunesse !" qui permet de découvrir de jeunes musiciens talentueux avec un premier CD réalisé dans de bonnes conditions technique et avec une direction artistique que l'on devine de la part d'AEPEM. Un premier CD dont ils n'auront pas à rougir par la suite.... Et également un prix de vente réduit afin de faciliter la diffusion de ceux qui ne sont encore que des inconnus hors de leur région. Cette fois-ci ce sont deux jeunes morvandiaux qui sont à l'honneur et qui le méritent bien. Cela fait déjà plaisir de retrouver la cadence des bourrées du Morvan, parfois un poil rapide peut-être mais comme je ne danse pas dans mon salon même en temps de confinement.... Une vielle acoustique (mais sans beaucoup de bourdons) et un accordéon chromatique qui ne renie pas les influences musettes (au bon sens du terme), comme en témoigne une jolie suite de deux valses dont la première est une composition.de Bastien Buteau, l'accordéoniste en question, le vielleux étant Benjamin Meunier. En consultant les sources des morceaux, naturelement détaillées dans le livret comme toujours chez cet éditeur, on constate finalement que nos deux jeunes musiciens jouent finalement le répertoire de ceux qui auraient pu être leurs arrières grands parents mais également des compositions de ceux qui pourraient être leurs grands-parents, leurs parents ainsi que leurs propres. Un répertoire qui ne résiste pas à l'attrait de quelques standards qui demeurent des perles, de la fameuse Sansonnette de Dominique Forges à l'Araignée de Michèle Chevrier-Reuge en passant par la bourrée de Monsieur Le Comte de Pierre Hervé (peut-être moins connue hors Morvan) qu'ils ont le bon goût de ne pas estropier comme on peut parfois l'entendre. Quelques standards également parmi les traditionnels morvandiaux mais rassurez-vous, il figure également sur cet albums des mélodies moins entendues et l'interprétation fait bien passer les unes comme les autres avec ce qu'il faut de petites variations (en prenant toutefois bien le temps de poser les thèmes), de voix d'accompagnement et d'intelligence dans le montage des suites.
Bref de la belle ouvrage qui donne envie bien envied'aller traîner ses guêtres entre Autun, Saulieu et Château-Chinon...
AEPEM, collection "Roulez Jeunesse" http://www.aepem.com
1) Crise oblige, la Talvera ne procède pas à ses promo habituelles de fin d'année, mais son catalogue comporte des nouveautés dont un nouvel album de La Talvera et les actes du colloques sur les femmes et la musique traditionnelle :
2) Voir également les chroniques et souscriptions ci-dessous
3) et les chroniques à venir sur la page consacrée (je vous ai déjà mis un minimum d'information)
Dans tous les cas les musiciens n'ont pas l'occasion de jouer alors soutenez-lès en achetant leurs publications et de préférence en direct auprès d'eux ou de leur éditeur (c'est généralement possible) et non par les plateformes trop connues...
Ce livre date de début 2013 déjà et certains d'entre vous le connaissent sans doute déjà, mas personnellement je ne l'ai découvert que ce printemps dans le salon de lecture d'un ami et lorsque j'ai quitté ce lieu culturel (après avoir tiré la chasse...), je me suis promis de le commander rapidement à l'éditeur, ce que j'ai tout de même mis trop de temps à faire. Je vous en parle donc de suite, sans même avoir eu le temps de le lire en entier, mais c'est un ouvrage qui se déguste page par page puisqu'il s'agit d'environ 160 sonnets tous ou presque (1) dédiés... aux anches.
Un ouvrage tout à fait rare et original donc, peut-être le seul non technique consacré à ces bouts de roseaux qui donnent la voix à nos saxophones, hautbois, duduk, et naturellement cornemuses... (2). Un livre que tout musicien jouant d'un de ces instruments ne pourra ignorer tant ces petites lamelles deviennent rapidement sujet primordial d'attention, d'inquiétude, parfois de satisfaction mais souvent bouc émissaire de tous les problèmes du musicien, surtout débutant. Mais Didier Malherbe (3) n'en est plus un depuis belle lurette et l'un des premiers sonnet est d'ailleurs consacré aux anches de bonne volonté, celui sur les anches capricieuses ne venant que plus loin. La forme du sonnet est toujours respectée, en alexandrins ou vers plus courts, et s'il faut parfois relire une strophe pour la placer parfaitement sur la rythmique de celle-ci, tout cela est fort bien écrit et l'on appréciera la diversité des approches monomaniaques....
(1) j'en ai repéré quelques-uns vers la fin consacrés aux flûtes...
(2) il ne me semble pas que les anches libres entrent dans le propos , quoiqu'il joue aussi du hulusi et de l'orgue à bouche. Je n'ai pas encore vu la cornemuse directement citée dans ce que j'ai lu mis à part un "biniou" très générique pour désigner les instruments... Si Didier Malherbe joue de divers types d'anches, c'est l'anche de saxophone qui semble souvent plus directement visée dans ces textes, mais la plupart de ceux-ci parleront tout de même directement aux autres musiciens suceurs de roseaux...
(3) un ancien de Gong, plus connu maintenant au sein de Hadouk Trio : www.didiermalherbe.com
A commander chez l'éditeur (une SCOP) : Les éditions buissonnières https://www.editions-buissonnieres.fr ce qui vous permettra de découvrir leur large catalogue dans le domaine musical.
Voici un duo qui nous vient du Canada, non du Québec mais de l'Ontario, mais inutile de sortir votre atlas car leur répertoire de prédilection se situe plutôt de notre côté de l'Atlantique, voire même plus précisément dans nos régions....
Pour une fois, débutons par les reposants pochettes et livret aux jolis dessins botaniques et détaillant les différentes plages, ce qui nous permet de constater que le répertoire puise principalement dans celui de l'hexagone, complété par des compositions du duo. J'en sens déjà certains qui froncent les sourcils, mais nos deux musiciens ont de la technique et leur instrumentation n'est pas sans intérêt puisque chacun pratique deux instruments et que l'on a donc droit à des duos accordéon touches piano - clarinette, diato - violon et surtout violon - clarinette. Des formules instrumentales exigeantes, sans percussions autres que les battements de pieds (1), sur un spectre parfois étroit (malgré la présence d'un bassiste sur quatre plages) mais auquel nos deux musiciens font honneur en donnant pas mal d'énergie, sans artifices, à toutes ces danses. Certes, sur quelques plages les cadences n'ont pas exactement l'accent de leur terroir , mais sur d'autres on y est bien et pour s'en approcher ils n'ont pas hésité à inviter des musiciens locaux tels Camille Raibaud (à la mandoline...) sur un rondeau ou Tangi Ropars sur les laridés. En tout cas on n'est jamais non plus vraiment à côté de la plaque ou dans une absence de style et ils se placent donc sur ce point au dessus de pas mal de groupes de bal folk généralistes de chez nous. On sent indubitablement un vrai intérêt pour les traditions musicales auxquelles notre duo emprunte son répertoire, un vrai travail sur le style instrumental, j'irai même jusqu'à penser que le violon se spécialiserait volontier sur le seul répertoire auvergnat mais que la clarinette ne veut pas lâcher le répertoire breton... Et tout cela s'écoute non seulement avec plaisir mais aussi avec intérêt (et vice-versa).
(1) plus à l'auvergnate qu'à la québecoise
"Since 2008" vient indiquer un petit phylactère sous le nom de duo, leur premier opus n'est pourtant pas si ancien, donc ils avaient bien rôdé leur duo auparavant et ce numéro deux montre qu'ils ont encore pris du métier et pour les puristes que l'association de la musette baroque et de l'accordéon rebuteraient a priori, la présence de François Lazarevitch sur quatre plages devrait leur fournir une caution artistique susceptible de leur faire tenter tout de même l'écoute.... L'album aborde donc naturellement le répertoire de la musette baroque (Campra, Corette, Chédeville) mais également des contemporains de cette période qui n'ont pas forcément écrit pour l'instrument (Haendel, Purcell, Telemann, Zipoli) et pour lequel le duo a donc réalisé des transpositions et, enfin, quelques traditionnels,mélodies trouvées dans des recueils et pour clore l'album dans un style décalé, une scottisch actuelle (et boogie) de Guido Piccard. Bref un répertoire qui sent la recherche et qui évite les standards à l'exception de la bien connue Sarabande de Haendel mais dont il fallait oser la transposition, pour cette forme du duo (la première écoute ne m'avait pas complètement convaincu sur la seconde reprise mais finalement c'est bien vu....) Comme sur le premier album, Birgit alterne musette et 16 pouces et Benjamin joue les organistes sur son diato complété au besoin par une basse aux pieds. On s'attendrait à n'entendre François Lazarevitch qu'à la musette mais il oeuvre également à la 16 pouces. Et le trio a, sur la première plage un son qui fait se demander pourquoi il existe des ensembles d'effectif plus important....
Probablement du fait de l'accompagnement travaillé à l'accordéon, les bourdons sont très peu présents sur cet album et c'est un peu dommage mais cela ouvre peut-être l'auditoire à un public moins habitué à nos pédales harmoniques...
Voilà donc un duo original et qui démontre avec ce second opus qu'ils sont capable d'assumer cette démarche dans la durée et avec une vraie exigence artistique.
http://www.macke-bornauw.com
Nota : Benjamin Macke a mis à profit le premier confinement pour mettre au point des cours de diato (tuto-diato) en téléchargement : 10 morceaux détaillés en 2h30 de vidéos, voir sur https://www.macke-bornauw.com/boutique )
Voir à partir de Duo Macke - Bornauw "It's baroque to my Ears"
Il est toujours motivant autant pour les élèves que pour leur mentor, d'amener un groupe de jeunes musiciens en devenir (ils ont 9 à 14 ans) à l'enregistrement d'un album (1) et d'autant lorsque cela témoigne d'un véritable projet artistique avec l'appui de musiciens confirmés (Birgit Bornauw naturellement, Benjamin Macke presque de même, mais également Aureline Tanghe à la contrebasse, Anxo Lorenzo à la gaïta, Jo Zanders aux percussions et Tister Ikomo au chant). Des invités qui permettent d'élargir le spectre acoustique puisque sauf distraction de ma part, il s'agit d'un ensemble à voix égales ou plutôt à pouces égaux et qui donnent également une belle dynamique au groupe et nous épargnent l'enregistrement un peu trop scolaire... Le répertoire, majoritairement traditionnel, est moins original que celui de l'album de Birgit et Benjamin ci-dessus mais, s'il reprend quelques standards, il ne se cantonne pas à ceux-ci et n'hésite pas à aller puiser du côté de l'Irlande. Et s'ils n'hésitent pas à reprendre Le loup, le renard et la belette, c'est avec un solo de gaita qui sort de l'ordinaire...
Les photos montages de couverture et de l'intérieur sont bien vus et plus orignaux qu'un rang d'oignons...
Bref un album qui mérite d'être écouté au delà du cercle de la famille et des amis de nos jeunes musiciens prometteurs....
(1) ou sur le podium de Cassel à ce que j'ai pu voir sur certaines photos d'internet.
Comme pour celui ci-dessus, voir à partir de Duo Macke - Bornauw "It's baroque to my Ears"
Pour tous ceux qui ont la soixantaine ou plus, Grand-mère Funibus Folk évoque a minimum un des premiers albums du mouvement revivaliste, un de ceux qui trona longtemps dans les bacs des disquaires aux côtés de Gabriel Valse, Paradis des vieilles maisons puis la série Spécial instrumental. Je dois avouer que si je l'ai ainsi vu durant des années, mon budget de l'époque ne m'avait pas permis de l'acheter et je l'ai enfin écouté beaucoup plus tard alors que le contexte avait déjà pas mal évolué.
Malgré une pochette qui reprend les couleurs et la composition générale du vinyl, ce CD n'en est pas la réédition ni un volume 2 près de cinquante ans plus tard mais plutôt un complément, une sorte de bonus. Plus exactement, Ben a souhaité que les enregistrements qu'il possédait encore du groupe à cette époque ne disparaissent pas trop vite et a réalisé une édition limitée en CD, hors commerce, en premier lieu pour l'offrir à son cercle d'amis...
Une démarche qui n'est pas intintéressante car en permettant d'écouter ces enregistrements non connus de cette époque pionnière, cela nous permets d'y jeter une oreille neuve, non conditionnée par les écoutes passées et, surtout, celles de cette époque pour ceux qui ont été berçés par ce vinyl après la naissance du mouvement revivaliste au début des années 70. Difficile d'avoir une écoute objective actuelle d'un album que l'on a écouté à sa sortie. Comme je vous l'ai dit ce n'est pas mon cas pour celui-ci mais ça l'est sans doute pour beaucoup de ceux qui écouteront le présent.
Le répertoire est singificatif en premier lieu de cette période encore très fortement inspirée par le folk US et où le répertoire francophone trouve son intérêt s'il revient du Québec ou de Louisiane. La dé-cocacola-nisation des musiques trad européennes promue par Pete Seeger dans sa fameuse lettre de 1972 (1) ne débute qu'à peine et ne trouvera parmi les 16 plages rassemblées ici que deux ou trois traditionnels collectés dans l'Hexagone et les plages qui ne viennent pas d'outre-Atlantique viennent au moins d'outre-Manche (ou plutôt outre-Mer du Nord puisque des îles Hébrides). L'instrumentation est dans la même veine, privilégiant largement les cordes (guitare, banjo 5 cordes et banjo à archet, violon avec pas mal de jeu en doubles cordes...) et les instruments insolites (guimbarde, grelots...). Car outre l'attirance pour la culture US dont on peine à se détacher, il est indispensable à l'époque de marquer la différence avec le mouvement folklorique et la présence d'une vielle à roue, instrument que le mouvement revivaliste va rapidement mettre au premier plan avec les cornemuses et l'épinette, n'avait encore rien d'une évidence en 1974. Le seul instrument à vent, présent sur une plage est, naturellement, l'harmonica.... Et enfin, dernier marqueur de ces débuts, le style des voix, avec une nasalisation dont l'origine est encore certainement à rechercher du côté des Amériques (cf le blues interprété dans cet album).
La pochette liste les titres, leur origine et les instruments joués sur chacun mais oublie juste de citer les membres du groupe : Jacques Benhaïm dit Ben, l'un des fondateur du folk club parisien Le Bourdon, Christian Gour’han, Daniel Lefebvre alias "Croqui" et Michel Hindenoch connu notamment pour son album solo posterieur "Au pays de Lérida" où le timbre particulier de sa voix trouvera sa pleinitude.
(1) voir par exemple sur le site d'Evelyne Girardon : http://www.ciebeline.com/chanson-trad/lettre-ouverte-du-folk-singer-americain-pete-seeger
Le vinyl de 1974 naturellement, dont on peut lire une chronique récente par Marc Anthony sur le site du Nouveau Pavillon
Michel Hindenoch vinyl de "Au pays de Lérida" 1976
"Citation de la semaine"
À cet instant, les enfants furent, pour quelques secondes, en très grand danger. Car, avec des hurlements sauvages, et parmi les sons aiguë des cornemuses et les sonneries percantes des trompes de chasse, toute la vile canaille évacua le sommet de la colline....
Réponse ici
après des années de gestation,
j'ai l'immense joie, fierté et avantage de vous présenter "mon" livre.
Il inclut l'étude qu'avait effectuée Jean-François Dutertre sur les épinettes de Gérardmer.
Je joins un bulletin de souscription à envoyer à l'éditeur Gérard Louis
Je vous souhaite un automne riche de couleurs !
Christophe Toussaint"
J’ai rédigé très rapidement ma chronique précédente parce que le CD en question est, de mon point de vue, très bon, dans la continuité du précédent du même groupe et qu’il n’était guère utile que j’en multiplie les écoutes. Voici un DVD que j’ai sous le coude depuis longtemps, paradoxalement pour une raison très proche (1) : parce qu’après en avoir visionné la première heure environ, j’ai compris qu’il constitue un outil pédagogique exceptionnel (et ce n’est pas une formule de style !) et que j’ai souhaité trouver le temps de le visionner dans les meilleures conditions et d’en faire profiter également mon épouse. Résultat des courses, le temps a passé bien vite et je viens d’apprendre le décès de René Zosso avant d’avoir publié cette recension.
René Zosso fait partie des pionniers du revivalisme trad. : vielleux dès les premières années 60, soit dix ans avant même ce revivalisme et hors du mouvement folklorique ce qui devait être assez exceptionnel à l’époque. Son approche particulière de l’instrument développée durant cette période et tournée vers la notion de modalité (2), lui vaudra de jouer un rôle irremplaçable de guide pour certains des premiers musiciens trad. et d’influencer ainsi de manière directe ou, surtout, indirecte, par l’intermédiaire de ces derniers (3), l’ensemble du mouvement et avec un impact sensible encore aujourd’hui. Mais en visionnant ces quatre heures de conférence-master-class, on se rend vite compte que c’est toujours lui qui explique cela le plus clairement, en comptant sur les doigts plus ou moins écartés d’une main, sans charabia, le moindre terme un peu technique étant subtilement amené, expliqué, justifié et lorsque ce terme a vu son sens glisser (pour ne pas dire se dévoyer) au sein de l’enseignement officiel il l’explique également tout aussi clairement ce qui vous évitera par la suite de vous poser des questions.
Les quatre heures de cette conférence (visiblement enregistrée en plusieurs sessions, et vous ferez de même pour la visionner…) débutent par une partie explicative où il réussit à tenir sans problème toute votre attention, puis vient une présentation des modes un par un, par grandes familles, chaque mode étant mis en exemple par une chanson traditionnelle le plus souvent, plus ancienne parfois, le tout entrecoupé de quelques considérations supplémentaires.
La manière de chanter de René Zosso ne faisait pas forcément l’unanimité, ce qui est tout à fait normal puisque chacun a des atomes crochus ou pas avec certains types de voix, certaines manières de placer la voix. Mais, quelque soit votre sentiment en la matière, n’en tenez pas compte pour aborder ce DVD où ce n’est pas le vielleux ou le chanteur qui opère mais bien le pédagogue et c’est d’ailleurs vous qui allez vous retrouver à chanter devant votre écran, en compagnie du public de cette conférence, et quelques soient vos talents en la matière, le plus important est que vous allez ainsi comprendre ce qui sous-tend certaines mélodies données en exemple et les apprécier encore davantage par la suite. Notons tout de même que René Zosso a une manière bien particulière de chanter, non tempérée, mettant parfaitement en évidence les degrés particuliers à chaque mode.
Et puis, et ce n’est pas le moins important, cet enregistrement immortalise ce personnage unique, âgé de plus de 80 ans lors de l’enregistrement (il vient de décéder à l’âge de 85 ans), à l’œil malicieux, qui sait prendre le temps qu’il faut, dont les explications ne sont jamais sentencieuses (« ce n’est pas une règle…, juste une habitude… ») et qui semble surtout animé par un vrai désir de faire comprendre, de partager… mission accomplie !
René Zosso vient de nous quitter, avec ce DVD il laisse un inestimable héritage offert à chacun…
Rappels : pour une fois je vous renvoie à l’importante discographie et autre de la page Wikipedia consacrée à René Zosso https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Zosso …
(1) ce n’est d’ailleurs pas le seul dans ce cas, il était notamment en compagnie de deux ouvrages, l’un en italien, l’autre en galicien, que je n’arrive pas à me décider de chroniquer en ne comprenant que superficiellement leur contenu du fait de la barrière de la langue, et tout en sachant qu’ils valent bien mieux que ce que je peux en saisir.
(2) c'est-à-dire de musique à bourdon, y compris, comme il l’explique d’ailleurs, lorsque ce bourdon n’est pas physiquement audible mais sous-entendu.
(3) ce DVD a notamment été conçu avec Evelyne Girardon, Marc Anthony, Jean François Vrod, Norbert Pignol, Christophe Sacchettini...
- 2017 - MusTraDem MTD 1747 http://www.mustradem.com
Il est exceptionnel que je chronique un album après une unique écoute mais leur précédent CD était un de mes coups de cœur et, dès la première plage de celui-ci, avec la petite angoisse que l’on ressent toujours à la découverte d’un numéro 2 lorsque le numéro 1 était une réussite, la magie opère à nouveau… Avec en premier lieu naturellement la voix de Vincent Brusel dotée entre autres de cette faculté si peu souvent mise en avant lorsque l’on évoque les qualités vocales : celle de capter l’attention et de vous amener à suivre les textes, plage après plage. Une qualité essentielle ici compte-tenu de la qualité de ces extraits de vie chantés, de ces témoignages souvent poignants, de ce répertoire original (surtout au sein du domaine musical maritime traditionnel trop souvent limité au « chant de marins ») comportant bien des perles. Il faut préciser que le répertoire interprété nous vient du boulonnais et que nos musiciens ont visiblement sélectionné les chansons les plus réfractaires.
Autour de Vincent Brusel, l’accordéon diatonique d’Olivier Catteau et la guitare ou le bouzouki de Julien Biget, qui tous deux (1) apportent des couleurs qui transforment ces récits maritimes qui pourraient n’être que documentaires en de véritables petits courts métrages… Des accompagnements qui ne cherchent pas à faire ancien ou authentique mais qui mettent plutôt en avant l’intemporalité de la condition humaine. Et naturellement tout cela avec une technique irréprochable : lorsqu’Olivier laisse son soufflet pour emboucher une clarinette, le résultat fait envie à bien des souffleurs de vent… Et tout cela servi par une prise de son et un mixage irréprochables qui réussissent le difficile paradoxe de placer le chanteur en avant sans pour autant reléguer les instruments en arrière ce qui permet de profiter des paroles, de l’ensemble et de chacun. Ajoutons, comme à l’accoutumée chez AEPEM, un livret fourni et documenté, de belles illustrations et mise en page de la violoniste Margaux Lienard… J’ai beau chercher : pas une ombre au tableau…
(1) ainsi que trois invités : le violon de Marc Gosselin, le cor de David Foiche et les percussions de Jessy Adjaoud.
AEPEM : http://www.aepem.com
Contact : http://www.la-bricole.net
Rappels : voir à partir de : "Ne vous faites pas marins - Chants maritimes du Boulonnais"
Nos instruments de musique ont été volés le 14 juillet 2020 à Lille.
Dans l'éventualité où les voleurs se tourneraient vers vous pour les revendre ou les faire évaluer, je vous envoie les photos et le descriptif des instruments :
- un nyckelharpa de Jean-Claude Condi (4 rangées, 3ème modèle) - un archet pour nyckelharpa en pernambouc de Jean-Claude Condi.
- une cornemuse suédoise (säckpipa) en prunier de Thorsten Tetz (sac noir, 1 bourdon)
- une flûte à bec soprano Rafi en buis de Marie Hulsens
- une flûte à bec alto en érable Moeck
- 2 flûtes à bec suédoises (härjedalspipa) de Gunnar Stenmark , l'une en Sol (offerdalspipa) et l'autre en La (manmarkapipa)
- un low whistle en Ré (plastique noir) Tony Dixon
- une flûte à bec sopraninino en poirier Les flûtes se trouvaient dans une valise en cuir verte et rouge de Gilles Garneret.
Si vous repérez l'un ou l'autre de ces instruments, merci de nous prévenir afin que nous puissions organiser une opération d'achat en lien avec les services de police.
Nous somme joignables par mail ou par téléphone au 06.72.39.59.75 ou 06.59.07.30.47
Par avance merci pour votre aide. Avec espoir ! Bien cordialement, Marion Delignon et Simon Garcia
Maria Mazzotta est une chanteuse italienne qui bénéficie d'un producteur-tourneur qui croit vraiment en elle et qui assure donc fort bien sa promotion comme en témoigne, entre autre, une chronique passée ce printemps sur France Inter à l'occasion d'un concert parisien. Naturellement toutes les chroniques se focalisent sur la chanteuse mais je préfère commencer par rendre justice à Bruno Galeone, qui l'accompagne sur le présent album, le plus souvent seul à l'accordéon, voire au piano, rarement secondé par quelques discrètes percussions ou un discret didgeridoo. Seule une plage a droit à l'accompagnement plus enlevé de la tammuriata. Lorsque j'écris " sobrement " cela fait référence au nombre d'instruments, à la balance voix-instrument bien équilibrée, à une volonté de rester au service de la chanteuse, mais certains de ces accompagnements , aux couleurs bien italiennes mais pas uniquement, inventifs tout en reprenant des formules traditionnelles, valent à eux seuls l'écoute de ce disque. L'espace ainsi laissé, ou devrais-je plutôt dire aménagé, par l'instrumentiste permet à Maria Mazzotta de poser sa voix dans cet écrin, de jouer de l'émotion. Et si j'emploie le terme de jeu c'est bien parce qu'elle interprète réellement ses chants, entre douceur et douleur, en véritable tragédienne parfois. On pourra disserter sur le fait que ce type d'interprétation soit traditionnel ou non (en prenant garde de ne pas juger sur des critères propres à la chanson traditionnelle française d'ailleurs), il n'en restera pas moins un esprit, un timbre et surtout une émotion qui ne laissent pas indifférents. Mon seul regret est une pochette de CD assez minimaliste (1) où ne figurent pas les textes des chansons ce qui aiderait un peu les non italophones (à l'écrit on comprend toujours un peu) et même pas les noms de musiciens.
J'utilise souvent ce critère de valeur, mais voici un album qui, lorsqu'on le laisse de côté quelque temps, se retrouve avec le plaisir que l'on ressent à retrouver un vieil ami. Et pas seulement sur la première plage : quasiment tout du long...
(1) à moins qu'il ne s'agisse d'une version light pour la promotion...
Editeur : Agualoca Records http://wwwagualocarecords.com
Contact : ZeroNoveNove http://www.zeronovenove.com
Après un premier album qui apportait une nouvelle couleur à la musique auvergnate, par l'association piano-cabrette, une association presque contre nature mais qui fonctionne tout de même lorsque le pianiste est également cabrettaire, voici un CD dont on se demande s'il ne faut pas le considérer comme un point d'étape, avec ses 6 titres et sa pochette réduite au minimum.
Nous y retrouvons naturellement les duos piano cabrette, un unique duo à deux cabrettes ainsi que, sur trois plages, la belle voix d'Yves Cassan accompagnée au piano, mais viennent s'y adjoindre cette fois quelques petites parties au concertina, Etienne Manchon vient sagement (1) prendre le relais de son père au piano lorsque celui-ci opte pour un autre instrument et Pascal Geoffray vient jouer de l'archet sur une plage et du mandoloncelle sur une autre. Le répertoire est essentiellement traditionnel auvergnat, naturellement un certain nombre de standards, une ou deux compositions d'Yves et, surprise, une chanson non traditionnelle, en français, qui surprend à la première écoute (la voix d'Yves sonnant tellement bien en occitan), sur un texte de Peire Biron dit Norib (1861-1941), agriculteur-écrivain auvergnat pourtant occitanophone...
On retrouvera le goût de Dominique pour les canons sur une partie de scottisch cabrette concertina piano bien balancée...
Mais ma plage préférée demeure " Se lo vols " simplement chantée sur un quasi ostinato de piano aux nombreuses petites variations...
(1) J'utilise ce qualificatif car je m'attendais à plus d'expérimentations de la part de ce musicien élevé dans le trad. mais versé dans le jazz et pour qui la musique est une seconde (première ?) nature…
Contacts : cassanycssn suivi de @aol.com
Rappel : "En Tornar"
Que faire lorsqu'au fil des brocantes on a fini par accumuler quelques 1500 feuilles de chansons dont les origines se répartissent logiquement plus ou moins concentriquement autour de son terrain de collecte, donc également de son lieu de résidence ? Il y a aujourd'hui au moins deux solutions pour valoriser ce petit patrimoine : un site internet ou un livre. Et lorsqu'on a la passion de Thierry Legros pour les livres, la seconde solution est retenue et avant même de commencer à le lire, force est de constater que cet ouvrage est fort beau et riche en belles reproductions… Pour cette publication, Thierry s'est associé à un historien local, Francis Groff, auteur de plus d'une dizaine d'ouvrages sur des sujets régionaux des plus variés (jusqu'à l'historique de l'usine Caterpillar suite à sa fermeture) ainsi qu'à un bibliothécaire, Willy Pourcel. Une collaboration qui a permis de creuser les biographies des nombreux personnages que l'on croisera au fil des pages : chanteurs, musiciens, compositeurs et paroliers, éditeurs….
Si j'ai commencé en parlant de l'origine " concentrique " des feuilles de chansons recueillies, c'est que l'ouvrage suit un plan de ce type, partant du général (les marchands de chansons, chanteurs plus ou moins ambulants, les feuilles de chansons…) pour se tourner ensuite plus particulièrement vers la Wallonie et Bruxelles puis de manière plus précise encore sur Charleroi et sa région. Même si vous n'avez pas de lien particulier avec cette région, il est toujours intéressant de lire de telles études locales qui permettent de se faire une idée d'un phénomène à une échelle géographique donnée.
Un ouvrage qui présente donc le double intérêt de présenter très concrêtement un type de pratique musicale disparue et dont on a généralement qu'une idée assez vague et quelques idées reçues, mais également celui de brosser des portraits de personnages souvent hors normes et si vous ne retenez qu'un nom après la lecture de ce livre, ce sera certainement celui de Pharaon Stoquart, dont le nom (véritable nom de naissance) est à l'aune de sa vie et qui restera à la postérité comme compositeur de " La danse du Spirou " (l'écureuil en wallon). Mais gardons-nous de nous limiter à ce " comique excentrique à danse " et retenons également Caroline l'aveugle et Mathieu, ou Emile Lietard un chanteur-compositeur-parolier dont on ne saura s'il fut ou non l'auteur du meurtre d'une chanteuse qui defraya les chroniques locales en 1900. Histoire de se souvenir que le monde musical de l'époque n'était pas toujours des plus calmes…
Editeur : Université ouverte de la Fédération Wallonie Bruxelles (Charleroi)
https://www.librairie-musicale-thierry-legros.be/
Un superbe reportage de près d'une heure et demi qui vous replongera dans le monde folk belge de l'année 1976 (à Champs puis au Temps des cerises" : https://www..sonuma.be/archive/wallodrome-du-27111976
"Chères et chers amis,
Le confinement n'empêche pas de faire des projets.
Nous donnerons une conférence sur les traditions d'ensonnaillage le vendredi 10 juillet 2020 à 21 heures au château du Plaix des Thiaulins de Lignières.
C'est la veille du festival d'Ars, donc peut-être l'occasion de vous organiser pour y assister.
Bien amicalement
Lionel Dieu et Françoise Barraud
www.apemutam.org dont www.apemutam.org/MemoiresOrales www.sonnailles.net Nos audioblogs sur ArteRadio : MemoiresOrales , sonnailles"
Photos de la soirée avant première du film Le Grand Bal à Nancy le 31 août 2018 suivi d'un petit bal avec Gabriel Lenoir au violon
Mes deux sites :
1) http://musette.free.fr : diverses choses sur la cornemuse, les photos de festivals, le groupe Avalanche... et la présente page...
2) http://jeanluc.matte.free.fr : iconographie de la cornemuse d'une part, instruments à vents divers d'autre part. Une mise à jour est imminente... (dès que je trouve le temps...)
Pour le reste voir ma page de liens http://musette.free.fr/nosliens.htm
--------
- Trad. Magazine a cessé de paraître mi 2017 mais vous pouvez consulter Des mondes de musique 5 Planetes : https://www.5planetes.com
- Paroles d'Anches (diato) n'existe plus mais tous ses anciens numéros sont disponibles sur http://www.crdb.org
- Pastel (Conservatoire Occitan) : n'existe désormais plus en version papier ni informatique
- Le Carnet du Ménétrier (UGMM : Morvan) http://www.mpo-bourgogne.org : de plus en plus rare malheureusement (on regrette, sur ce point, l'époque de Gérard Chaventon....)
- Boha ! (le bulletin de l'association de joueurs de la cornemuse des Landes de Gascogne) résiste toujours....
- Musique Bretonne (Dastum, bimensuel) http://www.dastum.net également
- Ar Soner, la revue des bagadous a recommencé à paraître fin 2013 et parait assez irrégulièrement depuis...
- Accordéons et accordéonistes a cessé de paraître en même temps que Trad. Magazine
- Utriculus (Italie, théoriquement trimestriel) existe toujours
- Annuario da gaita (Galice, annuel) http://www.realbanda.com également
- Le journal de l'Association des Gaiteros Aragonais : là je ne sais pas...
- Folker (Allemagne) http://www.folker.de
- En Belgique Le Canard Folk est toujours édité http://www.canardfolk.be
- En Grande Bretagne Chanter, le journal de la Bagpipe Society également : https://www.bagpipesociety.org.uk/chanter-magazine/about/
Voir également : ArMen (disponible en kiosque dans certaines régions seulement...), les diverses revues régionales, etc...