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.Jean-Luc Matte
Infos mumuses
Présentations CD et DVD 11
Voici encore quelques CD dont j'ai continué à signaler la parution après la fin de mes infosmumuses en juin 2009, généralement parce qu'ils m'avaient été envoyés à cet effet par des musiciens et éditeurs qui n'ont pas accepté que je veuille arrêter...
Sommaire de toutes les chroniques, chroniques à venir

Manäcken
"Manäcken"

Pochette du CD Manäcken

Visiblement Manäcken n'est ni le nom du duo ni le titre de l'album mais celui du projet à l'origine des deux. Un projet qui ne se contente pas de juxtaposer des traditionnels wallons et des traditionnels suédois (pour les deux tiers environ) mais cherche également à retrouver des liens historiques entre les deux dont un très beau "Chant des wallons de Suède" qui figure en bonne place dans le programme de cet album. "Manäcken" est naturellement également un jeu de mot qui ne vous échappera pas (1).
Le duo est composé de Marielle Vancamp aux nickelharpas (2) et chant, une musicienne dont la biographie nous révèle qu'elle est également versée dans la pédagogie musicale notamment en direction des enseignants. Le second membre est Thibault Debehogne, guitariste et chanteur dont je vous ai déjà entretenu à propos des deux albums du Trio 14, Marielle intervenant d'ailleurs au chant sur le second de ces albums....
Tous deux sont proches du projet Melchior (base de collectages wallons) et ils étaient donc bien placés pour nous dénicher quelques traditionnels wallons peu connus (ou au moins des versions un peu originales). De même pour les airs suédois : s'il certains nous sont désormais familiers (notamment la première plage), d'autres le sont bien moins. Et pour être complet citons la présence d'une mazurka du Cantal.... et de deux belles compositions de Marielle
Quatre invités les rejoignent sur une plage ou deux chacun (jamais plus d'un à la fois) et on retrouve avec plaisir le délicat toucher de l'accordéoniste Elisabet Brouillard dont on connait les affinités pour le répertoire suédois, la clarinette d'Aurélie Giet bien connue en Belgique, qui vient renforcer la couleur wallone d'une plage qui ne l'est d'ailleurs qu'à demi et j'ai découvert  le violon de Femke Ceuppens jouant à brouiller les pistes avec le nickelharpa en échangeant les rôles avant de finir à l'unisson  et la voix aérienne de la finlandaise Sofia Michelsen.
Et tout cela donne quoi ? Et bien un album qui ne se prend pas la tête mais qui est vraiment agréable à écouter, qui permet de se rappeler pourquoi et à quel point on peut aimer les musiques traditionnelles lorsqu'elles sont bien jouées. Un album en duo mais bien varié tout de même, par la présence de deux répertoires
naturellement (et qui, hormis dans les suites qui volontairement juxtaposent une mélodie suédoise et une wallone très proche, ne déteignent pas l'un sur l'autre ce qui est toujours le risque), par la présence des invités mais aussi par le fait que chacun des deux membres ne se cantonne pas à un seul rôle. La guitare (ou le bouzouki), alternent par exemple les parties mélodiques en "picking" (3) (ce que je préfère) et les accompagnements plus harmoniques. J'ai un faible pour les trois chansons wallones interprétées par le duo avec une apparente simplicité d'une efficacité remarquable : la voix au timbre naturel de Marielle mais juste, bien maîtrisée et sincère, la guitare discrète mais inventive de Thibault, les reprises du thème au nickelharpa. Chacun des deux s'offre également une plage solo, thème de l'album oblige, sur des näcken polskas, dommage que celle de Thibault soit si courte... Et l'album s'achève sur une valse suédoise toute en douceur....
 Un album sans titre comme indiqué au début de cette chronique mais, vu les richesses rassemblées sur le projet Melchior et celles des répertoires scandinaves on lui espère tout de même des petits frères que ce soit sur un genre ou l'autre, voire les deux comme ici...

(1) Jean-Pierre Yvert ayant fait connaître chez nous  les traditions autour des Näcken dès1987 en choisissant ce nom comme nom de groupe et d'un album qui n'avait pas davantage d'autre nom que le présent...
(2) je mets un s car elle en utilise deux, le second à l'octave en dessous du premier.
(3) je ne suis pas certain que ce soit le terme rigoureusement exact mais je pense que vous me comprenez...

https://manacken.be

Rappels :
Thibault Debehogne : voir à partir de Trio14  "Rue de la Gare - Musiques à danser de Wallonie et d'ailleurs"



Marielle Vancamp : invitée sur le second album de Trio14 
"En Aeroplan - Musiques traditionnelles de Wallonie"

Elisabet Brouillard : Duo Varsagod "Battements d'air"

Aurélie Giet : a signé une partie du livret de l'album
Trio14 déjà cité ci-dessus  "En Aeroplan - Musiques traditionnelles de Wallonie"
et figure en invité sur une plage du CD de
Havelange"Cadences"


Eric Montbel
"Chabretas #2"

CD Eric Montbel

Il y a 30 ans déjà Eric Montbel sortait un album "Chabretas, les cornemuses à miroir du Limousin" dédié, comme l'indiquait son nom à ses cornemuses de prédilection : les cornemuses dites à miroir, petites ou grandes et que l'on rattache principalement à la région limousine. Un album qui a suffisamment bien marché pour qu'il l'ait réédité en 2008, mais on appréciera plus encore qu'il ait maintenant pris le temps de lui offrir un petit frère dont le dièse placé avant le numéro nous laisse espérer qu'il soit qualitativement un demi-ton au dessus (1)
Eric nous explique dans le livret qu'il a, cette fois-ci, souhaité élargir le répertoire utilisé à d'autres régions du Massif Central sur lesquelles l'usage de ces cornemuse n'est pas totalement attesté comme en Haute-Vienne mais sur lesquels des indices de présence existent parfois et dont le répertoire ou certains éléments de celui-ci sont parfaitement adaptés à l'instrument. Un répertoire essentiellement traditionnel mais original car Eric est allé fouiller dans les recueils anciens ainsi que dans ses collectages encore non exploités (
tirant vers le musette) ou ceux de Françoise Etay. S'y ajoutent quelques compositions d'Eric et de Jean-Marc Delaunay auquel cet album semble beaucoup devoir.
Inutile de préciser que bourrées et autres montagnardes ont la part belle dans ces enregistrements qui, même assis, ne devraient pas vous laisser les pieds au repos tant les cadences (et les battements de pieds) sont prenantes...
Eric s'est entouré pour cet album de plusieurs musiciens dont son complice de longue date Guy Bertrand aux vents et au chant et quatre autres musiciens dont les noms ne sont pas vraiment connus dans le milieu trad. mais qui sont parfaitement à leur place ici  (2). Ce CD est pourtant bien, comme l'indique la présentation, d'un disque de soliste mettant les chabrettes en avant et non l'album d'un groupe comme Eric a pu nous en offrir un certain nombre depuis Le Grand Rouge ou Lo Jaï. Les ambiances varient d'ailleurs d'une plage à l'autre entre bourrées chabrette-violon bien traditionnelles et atmosphère davantage musique ancienne lorsque luth ou autres instruments à cordes pincées prennent le relais.
Et puis il y a Elsa Montbel au chant soliste sur deux plages, la seule devant laquelle les chabrettes de son père s'effacent pour laisser la voie à la voix. Une voix qui s'est ,naturellement, bien affirmée depuis la toute jeune intervention sur "Le jardin de l'ange".
On retrouve toujours avec plaisir la sonorité toute particulière d'Eric (3), appuyée par ce type de prise de son avec légère réverbération qu'il affectionne toujours (moins marquée ici que sur certains enregistrements antérieurs). On retrouve également son style de jeu bien particulier, ornementé et, naturellement, varié d'une reprise à l'autre, n'hésitant pas de temps à autre à recourir de manière parfois appuyée aux fameux effets  de pavillon sur le genou. On pourra mégoter sur des tempos parfois un peu rapides notamment la valse de l'avant-dernière plage ou sur des fondus un peu artificiels entre voix et chabrette mais ce serait faire la fine bouche (oreille ?)...
Rendez-vous dans 30 ans pour l'opus 3 ?
 
https://www.ericmontbel.com (vous trouverez de plus sur ce site un bonus de 5 plages non publiées sur le CD et téléchargeables, des infos complémentaires sur les sources et sur les musiciens,  des partitions....)

(1) Oui, je sais, ce symbole n'est pas réellement un dièse mais le croisillon utilisé aujourd'hui principalement pour les hashtag....
(2) les autres  sont Christian Fromentin au violons et cordes pincées, le luthiste Pascal Gallon, le percussionniste Hugo Audier, et Karin Casier à l'harmonium...
(3) un "son" bien particulier lié notamment à la gestuelle de ses doigts, à la gestion de la pression de la poche etc... et qui signe ses interprétations tant à la chabrette qu'à la musette du Centre. Il a d'ailleurs transmis ce son particulier à certains de ses élèves.


Rappels : Eric Montbel : voir à partir de  la chronique de
Topanga !
 Topanga

Cette discographie précise également les albums d'Eric sur lesquels intervient Guy Bertrand.

Précisons toutefois que Christian Fromentin et Hugo Audier étaient déjà présents sur le projet "Le Grand baleti" mais n'apparaissent pas sur le CD




Mathilde Miclo & Chistophe Toussaint
"Epinettes - Violon - Chant" (1)

CD Toussaint Miclo

C'est toujours un plaisir de découvrir un nouvel album de Christophe Toussaint, facteur et joueur d'épinettes des Vosges dont le caractère imprévisible et modeste aurait tendance à faire oublier la qualité de ses réalisations.
Et celui-ci marque une rupture à plusieurs titres : d'une part parce qu'il l'a enregistré non plus en solo mais en duo avec la violoniste et chanteuse Mathilde Miclo et d'autre part parce qu'il y laisse la part belle aux musiques anciennes (branle d'Ecosse) mais, surtout, baroques (oeuvres de Chédeville, Boismortier...) et que nos deux musiciens assument parfaitement ce répertoire qui s'il a ouvert la porte aux vielles à roue, musettes et tambourins de Provence, n'a, à ma connaissance, jamais été écrit pour épinettes sans claviers. Et pourtant cela sonne fort bien sur cette cithare populaire et d'autant mieux que Mathilde Miclo apporte une certaine légitimité au travers de son jeu de violon et sa voix chantée. Si on décèle parfois (rarement) de petites raideurs qui la différencient encore des plus grands archets baroques qui ont pu enregistrer ces répertoires, elle assume tout à fait bien ce répertoire et, à la différence de ces violonistes plus connus, elle est tout aussi à l'aise avec les traditionnels de Moselle Germanophone (trois plages tirées des recueils de Louis Pinck) ou de celui d'Autriche qui clôt l'album. Pour être complet, citons une "chanson populaire du Vivarais"... de Vincent d'Indy en réduction pour épinette d'après l'accompagnement de piano... Comme quoi il y a des musiciens qui n'ont pas peur de trouver des sources originales. Et qui devinerait, à l'écoute de cette plage, le cheminement complexe qui l'a conduite jusqu'à nous ?
La diffusion des albums de Christophe reste relativement confidentielle est là réside le seul bémol que je reprocherai à cet album : si la pochette est très pro (même si sans livret), la gravure du CD ne l'est pas et mon exemplaire ne passe pas sur tous les lecteurs ce qui m'était déjà arrivé pour un de ses albums précédents...

Contact via http://epinette.free.fr

(1) Je ne pense pas qu'"Epinette - violon - chant" soit réellement le titre de cet album mais comme il n'y en a pas d'autre....


Rappels : voir à partir de Christophe Toussaint " Marijke"

Marijke de Christophe Toussaint



Ati me care
"Sur le vif"

Ati me
                care

AEPEM nous aura sorti en même temps en ce mois de juillet 2024 deux albums de trio auvergnats avec cabrette et vielle  (1) : Ati me care et Traucanèu. J'ai bien pris garde d'en écouter un et de vous le chroniquer puis seulement de découvrir le second afin de ne pas faire de confusion (d'où la date un peu tardive de cette chronique : plus le temps passe et plus je réalise d'écoutes avant d'écrire sur un album...). Et si vous me demandez lequel est le meilleur vous me mettrez bien dans l'embarras...

Ce qui frappe immédiatement ici c'est la cohérence du trio, cette unité de son qui fait qu'il est bien difficile d'analyser précisément ce que fait chaque musicien. Bien entendu la cabrette se détache et il est possible d'en entendre toutes les nuances de jeu, de même pour le chien de la vielle dont on appréciera l'efficacité rythmique (un trio qui n'a vraiment pas besoin d'un percussionniste), et certaines basses de l'accordéon profitent de leur registre bien grave pour se faire entendre mais pour le reste les sonorités se mêlent intimement et comme nos trois musiciens ont visiblement le même ressenti des mélodies et de leurs cadences, le résultat est d'une clarté et d'une efficacité rythmique qui doit ravir les danseurs. La main droite de l'accordéon est tout de même bien difficile à percevoir, c'est tout de même dommage... L'enregistrement a été réalisé en public et félicitons-nous des moyens techniques actuels qui permettent, lorsqu'ils sont entre de bonnes mains, de réaliser en situation des prises de son qui n'ont certes pas tout à fait la qualité studio, mais parviennent à maîtriser totalement le bruit de fond de la salle. Et il est fort probable que le trio n'aurait pu dégager cette énergie seul en studio....

Ce trio, composé  de Guillaume Bouteloup, le vielleux de La Perdrix rouge, Cédric Bachèlerie à la cabrette et Thomas Restoin au chromatique, dégage donc une énergie très communicative sur bourrées, polkas et autres danses qui s'y prêtent et avouons que la première valse (superbe plage 5 !) est bienvenue pour se reposer un peu sur un tempo un peu plus calme, comme ce sera le cas de temps à autre au long de ce bal auvergnat au gré de quelques autres belles valses ou mazurkas qui permettent de plus d'entendre un peu plus distinctement chaque instrument par des passages solos ou duos ou des arrangements qui individualisent plus les rôles... Cette même cinquième plage, nous fait également la surprise d'entendre que, même si la pochette et le livret n'en touchent mot, il ne s'agit pas que d'un album instrumental puisque Cédric donne de la voix sur cette valse,  comme il le fera plus loin sur une valse lente puis une suite de bourrées qui montrera que son timbre colle encore mieux avec l'occitan (ou le "tralala"...) qu'avec le français....

Le répertoire de ce bal est auvergnat et alterne donc bourrées et danses de couple (2) au sens large (Cantal, Puy de Dôme, Haute-Loire mais également Corrèze, Aveyron, Dordogne avec Marcel Piaud et auvergnats de Paris), traditionnel ou parfois un peu plus récent et avec comme seule exception géographique, encore cette très belle plage 5 sur laquelle une valse du Couserans semble avoir été composée pour succéder à une ébaude bressane jouée en valse dont la mélodie, pourtant connue (3), ne me quitte plus depuis... Comme d'habitude la ligne éditoriale d'AEPEM a du pousser le trio à nous dénicher des mélodies ou des versions inédites (4) et c'est toujours un plaisir de sortir ainsi des standards. Et je ne vous précise même plus que le livret détaille toutes les origines....


(1) pour la petite histoire Thomas et Tiennet, les deux duettistes de Duo TTC se retrouvent chacun dans l'un de ces deux trios
(2) on est plutôt sur une alternance d'une bourrée pour deux danses de couple : une à deux temps (polka, scottisch) et une à trois (valse ou mazurka), les bourrées étant comme on pouvait s'y attendre toutes à 3 temps (il existe quelques 2 temps en Auvergne mais ce sont tout de même des exceptions)
(3) "Sous ta fenêtre", je n'ai pas encore retrouvé d'où je connais cette version mais si vous cherchez ce titre sur Youtube vous tomberez toujours sur une version assez différente popularisée par JP Yvert et C. Oller sur "Les noces de Julie" en 1983 et reprise par pas mal de diatonistes.
(4) Note post première publication de cette chronique : Jean-Michel Péru m'indique que Cédric l'aurait fait dans tous les cas et que pour cet album il s'agit plutôt d'une convergence de points de vue que d'une incitation de sa part....

http://www.aepem.com

Rappels :
Cédric Bachèlerie : voir à partir de Cédric Bachèlerie "Cabrette - Musique traditionnelle du Livradois"
Cédric Bachèlerie

Guillaume Bouteloup : voir à partir de La Perdrix Rouge : - "Vendanges tardives"
CD La perdrix rouge

Thomas Restoin : voir à partir de Thomas R. - Johan Jacquemoud "Toseti"
CD Toseti




Soláň
"...dáme si to eṧče raz...."

Solan
Voici un double CD publié par le groupe morave (1)  Soláň à l'occasion de ses trente ans en 2020. Je vous le chronique donc avec pas moins de 4 ans de retard mais 2024 est l'anniversaire des 30ans du premier de leurs 10 albums. Le premier disque de ce double album est d'ailleurs un best-of de ces albums précédents (2) tandis que le second est un nouvel enregistrement. 30 ans au cours desquels le facteur de cornemuse le plus renommé du pays, Pavel Cip a cédé la place à son fils Petr Cip aussi bien à l'atelier (3) qu'au sein de ce groupe.

Si vous êtes déjà allé en Moravie ou avez fréquenté des groupes de cette région, l'album vous replongera immédiatement dans cet univers musical. Si ce n'est pas le cas et que vos oreilles sont plutôt habituées au trad. d'Europe occidentale, il faudra vous faire un peu à l'idée d'une musique traditionnelle que l'on pourrait qualifier chez nous de folklorisée (n'oublions pas l'histoire de ce pays), avec notamment une certaine théâtralité dans les chants et l'habitude de se produire en costumes. Mais contrairement à nos contrées où la folklorisation alla souvent de pair avec des exigences musicales déclinantes, d'où sa désaffection,  elle connut une forte émulation dans les pays de l'ex bloc de l'est et ce groupe nous montre que plus de 30 ans après l'écroulement de ce bloc, l'ouverture à l'ouest et l'afflux d'autres formes de cultures, les groupes issus de cette mouvance ont su préserver leurs exigences techniques et musicales. C'est donc une musique dont les arrangements sont aussi précis que l'interprétation que nous offre aujourd'hui comme il y a 34 ans le groupe Solan (et peut-être plus encore aujourd'hui...). Une musique festive où les voix ont la part belle et ceux qui ont fréquenté ce pays savent que le chant y est bien plus présent que chez nous, à la moindre occasion propice.

Précisons encore, pour ceux qui ne connaissent que peu ces musiques que la gradation géographique est assez nette d'ouest en est : malgré la langue slave de cette région, les musiques de Bohême ont encore pas mal d'affinités avec les musiques de Bavière et du nord de l'Autriche tandis que les musiques slovaques sonnent beaucoup plus "est" à nos oreilles. Celles de Moravie, dont il est question ici, se placent logiquement entre les deux avec, par exemple, l'usage des clarinettes qui les rapproche des couleurs de Bohême (quoique certaines formules à deux clarinettes Sib et mib y soient moins courantes), tandis que le cymbalum apporte une sonorité qui nous indique que l'on se rapproche de la Hongrie (4).
Mais ce groupe est essentiellement formé de cordes frottées :  violons, kontra (altos), d'un violoncelle et d'une contrebasse. Je vous ai écrit ci-dessus que Petr Cip, facteur de cornemuses moraves (et autres...) fait partie de ce groupe, l'instrument n'y joue toutefois pas un rôle très présent, Petr jouant d'autres instruments dont bien davantage de la clarinette et des flûtes, instruments également joués par un second souffleur.

http://www.indiesrec.eu

(1) la région à l'est de la République Tchèque, l'ouest étant principalement constitué de la Bohême (avec un accent circonflexe, contrairement à la vie de Bohème qui bien qu'issue du terme précédent s'écrit avec un accent grave)
(2) la liste des morceaux dans le livret montre que cette compilation puise à 5 de ces CDs seulement
(3) son second fils
, Miroslav, a également pris la succession dans le même atelier où ne se fabriquent d'ailleurs pas que des cornemuses mais d'autres instruments à vent. Pavel Cip est le facteur qui a redonné vie à diverses cornemuses alors oubliées de l'ex Tchécoslovaquie...
(4) même si l'histoire de cet instrument ne saurait probablement pas se résumer à celle de ce pays : c'est une image très simplificatrice que j'utilise là...
Rappels : voir à partir de Cimbalova Musika Solan "Dobre je s muzigu"
CD Solan Dobre je s muzigü

 



Dario Muci
"Talassa"

CD Dario Muci Talassa

En premier lieu les amateurs de cornemuses méditerranéennes sont priés de ne pas confondre ce chanteur italien avec le multiinstrumentiste d'Istrie Dario Marusic....

Cette précision faite, voici un album dont la couverture sombre et un un brin inquiétante, de même que la photo de couverture du livret, m'ont laissé prévoir un album tendance rock et une voix rauque. Aussi ai-je été surpris de découvrir une voix plutôt douce, dans un registre relativement haut, mais avec un léger voile qui lui donne un grain tout à fait italien qui se marie parfaitement avec le sobre accompagnement de tambourin de la première plage. Cette petite surprise passée, on s'attache très vite à ce timbre particulier. 

Il s'agit ici bien de chanson, de chanson actuelle, poétique et militante mais la tradition n'est pas loin, présente en filigrane (1), ce qui n'a rien d'étonnant pour un chanteur qui nous parle de sa terre, de la mer également (cf le titre de l'album), mais surtout de ceux qui cultivent celle-ci, de ceux qui migrent sur celle-là après avoir du quitter la leur.

Chanson militante certes, mais avec des textes travaillés et imagés loin des slogans simplistes. Ces textes figurent d'ailleurs tous dans le livret dans leur langue d'origine (dialecte de la péninsule du Salento, le "talon de la botte")  et dans leur traduction italienne, ce qui permet aux non italophones de les traduire avec les outils actuels disponibles sur nos smartphones et tablettes. Mais pour l'avoir tenté, malgré l'évolution récente de ces technologies, la richesse de l'expression poétique de Dario Muci met souvent en difficultés ces outils et ne leur permet que de nous faire deviner la beauté de ces vers...

Encore un bel album chez cet éditeur qui a décidément bon goût, dommage que la durée soit un peu courte : on en aurait bien pris davantage mais on sent bien que Dario Muci n'est pas du genre à diluer pour faire du remplissage...

https://www.zeronovenove.com
(1) même si certaines plages ont un style d'accompagnement plus actuel, notamment la plage 4 qui s'achève toutefois paradoxalement par un solo d'instrument à anche simple des plus trad.... J'aime beaucoup l'accompagnement minimaliste au piano de la plage 5 même s'il n'a rien de trad....


"Chanteuse du Cotentin
Autour du répertoire de Denise Sauvey"

Livre-CD Denise Sauvey

Je vous rédige cette chronique avec 4 ans de retard puisque cette publication date de 2020 mais comme tout document de collecte il est certain qu’elle ne fera que se bonifier avec l’âge….

Lorsque, dans les années 70, les jeunes collecteurs parcouraient les campagnes pour rechercher les « derniers » détenteurs de la traditions ils visaient les "grands-pères" et les "grand-mères" qui avaient d’ailleurs souvent l’âge d’être mes arrière grands-parents. Cinquante ans ont passé et voici aujourd’hui un livre-CD consacré à une chanteuse plus jeune que ma mère … Et pourtant il n’est pas nécessaire d’écouter une plage entière pour constater qu’elle porte encore la tradition chantée avec toutes les subtilités que cela implique, notamment dans le respect des échelles, des modes, dans cette manière particulière de faire passer un texte sans pour autant le jouer. Et tout cela avec une personne encore en pleine possession de ses capacités physiques et donc de sa voix, une voix féminine mais d’un registre un peu grave bien agréable à entendre. Son répertoire semble essentiellement composé de chants à écouter et non à danser et ce type de chansons que je n’irai pas jusqu’à généraliser en les qualifiant de complaintes lui permet de tenir les notes, avec un petit vibrato naturel, en ne prenant qu’un minimum de temps pour reprendre son souffle et cela la rapproche de certains styles instrumentaux : en l’écoutant chanter j’ai souvent l’envie de prendre un de mes « tuyaux » pour voir ce que cela donnerait dessus…

 Le livret nous apprend également que la relative jeunesse de cette « informatrice » a permis à l’association La Loure de l’impliquer dans des stages de transmission, des voyages et autres activités.
Tout cela méritait amplement d’être mis en valeur par une de ces belles publications à laquelle La Loure commence à nous habituer sous la forme d’un beau livre de 80 pages richement illustré en couleurs, à commencer par la précieuse et pratique carte dans le premier rabat et, naturellement, le CD dans le second rabat. Une bonne trentaine de pages est d’abord consacrée à la biographie de Denise Sauvey, analysant jusqu’à la composition des quatre générations qui l’ont précédée pour bien tracer ses origines géographiques et sociales et donc les influences possibles de son répertoire. Rédigée par petits chapitres thématiques (famille, vie, lien à la chanson, répertoire etc.), outre son intérêt "scientifique", cette biographie  finit par nous donner l’impression de la connaître et nous fait encore mieux apprécier de l’entendre (1).
La seconde partie de l’ouvrage détaille les 30 chansons du CD sous forme des fiches auxquelles nous habitue désormais La Loure avec texte de présentation détaillé, partition, paroles,référence aux catalogues Coirault et Laforte, illustration éventuelle et QR-Code renvoyant à la fiche de la chanson dans la base du Patrimoine de Normandie (sur laquelle elle peut être écoutée mais c’est tout de même plus pratique et de meilleure qualité d’utiliser le CD…)
Et naturellement quelques annexes dont une discographie et une bibliographie….

https://laloure.org

(1) pour ceux qui, comme moi ne l’ont jamais rencontrée, pour ceux qui ont la chance de la cotoyer, je suppose que cette partie détaillée leur apprend bien des détails supplémentaires qui ne font que renforcer le plaisir de la fréquenter.
(2) sur les 41 traditionnelles de son répertoire au jour de l’édition de l’ouvrage puisque celui-ci nous indique qu’il lui arrive de s’en remémorer de nouvelles…


Rappels : Des enregistrements isolés de Denise Sauvey figurent déjà sur des publications collectives antérieures. Le livre-CD reprend parfois les mêmes enregistrements et parfois un enregistrement différent de la même chanson :

« En revenant des noces » La Loure 2003 (CD)

« Par un lundi m’y prit l’envie » La Loure 2008 (CD)

« Chansons et traditions orales du Cotentin » La Loure 2015 (trois chansons de Denise sur ce livre CD)
Chansons et
                    danses de tradition orales du Cotentin


Coffret « France : une anthologie des musiques traditionnelles » , CD vol.2, « France de l’Ouest » Frémeaux et associés 2009. Le livre note d’ailleurs que l’enregsitrement de Denise et le plus récent de ce coffret qui utilise des collectages réalisés entre 1956 et 2006)
Anthologie des musiques traditionnelles
            Frémeaux et associés

« 10 ans de fêtes du chant à Bovel –chants traditionnels de Bretagne et d’ailleurs ». double CDs, Association l’Epille 2005son CD de 40 plages pour présenter les traditions musicales bien trop peu connues des îles anglo-normandes (Jersey, Guernesey et leurs voisines....)

Et plus généralement pour les publications de La Loure, voir à partir de la chronique :
de 4 CDs  de cette association
Bocage virois




Lihou
"Réveillez-vous car il est jour"

CD Lihou

Il y a peu de chances que vous ayez déjà dans votre discothèque un album d’interprétations actuelles du répertoire des îles anglo-normandes et la discographie du livre-CD de la Loure consacrée à ces îles ne liste guère que quelques albums de collectages publiés par Folktrax, quelques albums de chants de marins géographiquement plus vastes et celui d’un groupe « pop_folk » de ces îles. Voici donc déjà un album qui a le mérite d’exister.
Il n’émane pas d’un groupe issu de ce territoire mais du regroupement de musiciens normands ( Emmanuelle Bouthillier, et Etienne Lagrange aux violons), anglais ( James Dumbleton à la mandoline mais aussi violon, flûtes...) et, tout de même, de Roland Scales au concertina (1), étant entendu que nos quatre comparses chantent  et prennent à tour de rôle au fil des plages le chant soliste ce qui assure une belle diversité, la voix rocailleuse de Roland Scales n’ayant naturellement rien de commun avec celle d’Emmanuelle et les accents étant tout aussi diversifiés. Ceci permet également de faire interpréter chaque chant par celle, celui ou ceux qui en maîtrisent le mieux la langue .
La création de ce groupe fait suite à l’édition du livre CD Chansons et musiques traditionnelles des îles anglo-normandes et mis à part Emmanuelle qui a délégué à son père, tous les membres du groupes s’étaient investi dans la réalisation de cette publication. Parmi les 14 plages du présent CD je n’ai repéré que deux ou trois chansons qui ne figurent pas dans ce livre-CD de collectages, mais les interprétations et les arrangements qui les enrobent conduisent naturellement à une mise en valeur différente, plus à même de faire découvrir ce répertoire à un public moins spécialisé que celui des auditeurs de collectages…
Mais lorsque j’écris que les instruments "enrobent" le chant, n’y voyez rien de péjoratif puisque nos quatre musiciens sont parfaitement rodés aux répertoires traditionnels et qu’ils savent soutenir, appuyer là ou il le faut sans jamais affadir la partie vocale. Les  violonistes en particulier savent donner une belle énergie mais également amener des arrangements un peu élaborés. Signalons également une plage où la guimbarde (James ou Roland ?) s'intègre parfaitement à l'ensemble instrumental, ce qui est assez rare pour être signalé car c'est un instrument avec lequel il est plus facile de faire des effets spectaculaires que de faire de la vraie musique. Pour cet enregistrement ils se sont fait rejoindre par Aline Pilon à la vielle à roue et si vous avez lu le livre-CD déjà cité vous comprenez mieux pourquoi….

(1) même si le livret m’apprend qu’il n’est pas originaire de ces îles…

https://laloure.org

Rappel : Joli gris jaune "La longue errance"

Joli
                gris jaune


Traucanèu
"Musique traditionnelle du Massif Central"

Traucaneu

Je suis pris par un dilemme : dois-je commencer par souligner le superbe son de ce trio, ou bien dois-je débuter sur le remarquable effort de recherche de répertoire original, ce qui n'est pas chose courante en Auvergne où il n'y a aucune honte pour les musiciens à proposer leur propre interprétation des grands standards ?
Débutons donc par le second point puisque c'est celui sur lequel le trio a souhaité mettre l'accent dans l'introduction du livret et qu'il semble à l'origine du nom du groupe (Traucanèu = perce-neige). Un livret qui, naturellement puisque l'album est réalisé par AEPEM, nous détaille toutes les sources. Comme pour le récent CD de Duo des Cimes ci-dessous, il est d'ailleurs intéressant de constater la diversité des sources utilisées : recueils écrits anciens ou plus récents (voire revue folklorique), collectages publiés ou non, 78 tours, vinyls, CDs et même un reportage de l'ORTF et une archive INA... (1) Voilà qui montre que ces musiciens sont à la fois souvent en recherche active mais surtout les oreilles à l'affût. Et le livret nous précise également qu'ils n'hésitent pas à réaliser quelques adaptations (chanson devenue regret ou valse, montage de couplets pour aboutir à un texte plus conséquent (2) etc...). Bon il y a tout de même deux ou trois classiques mais, vu le résultat, on ne s'en plaindra pas....

Ceci étant précisé je peux maintenant vous parler de ce son qui vous prendra aux tripes dès la première plage dans sa formation cabrette, vielle, violon (3) et poursuivra ensuite sur la seconde plage dans une formation toute différente avec voix, accordéon avant d'être rejoint en fin de morceau par le violon et la cabrette (merci le multi-pistes) . Je ne vais pas vous détailler ainsi les onze plages mais cela le mériterait...

On connaît bien Tiennet Simonnin au chromatique, on le voit peu souvent avec une cabrette sous les doigts (4) et je ne suis pas certain qu'il ait déjà enregistré sur cet instrument. Et pourtant il assure, ce qui n'a rien d'étonnant puisque, d'une part, il fait partie de ces musiciens que l'on sait capables de toucher à tout avec la même exigence et la même facilité et que, d'autre part, les analyses très précises qu'il a eu l'occasion de rédiger sur le jeu de tel ou tel cabrettaïre (5) nous ont déjà démontré qu'il connaît parfaitement toutes les arcanes du jeu de cabrette et il le montre concrètement ici, principalement sur des airs à danser où il utilise les ornements et picotages pour renforcer la cadence mais également sur un regret qui nous permet d'identifier la signature de ses vibrés (pas trop marqués, réguliers, assez rapides, souvent précédés d'un trille).
Anne-Lise est principalement présente à la vielle, instrument sur lequel elle n'a plus rien à démontrer, et au chant sur deux plages. Là non plus elle n'a plus rien à nous prouver depuis Toc Toc Toc mais j'ai l'impression que sa technique vocale progresse toujours et la version qu'elle nous offre de "Tant qu'il y aura des étoiles" est celle d'une grande chanteuse, qui met en avant le texte et il fallait cela pour ne pas tomber dans le kitsch avec cette chanson.
Me reste à évoquer le violon de Camille Raibaud qui, comme Arnaud Bibonne avec qui il joue d'ailleurs en duo, est originaire du Sud-Ouest dont il pratique toujours la musique mais qui sait également se faire adopter par les musiciens Auvergnats. Il sait parfaitement adapter le son de son violon à celui de la vielle, et également apporter la dynamique des attaques d'archets aux deux instruments à son continu et sans faire double-emploi avec le chien. Il fait cela tellement bien que l'on finit par confondre les deux instruments en un seul au son plus rond et étoffé qu'une vielle seule ou qu'un violon et il faut profiter des passages sans vielle pour bien identifier (isoler) le son et le jeu du violon.
Et avec tout cela le trio nous produit une musique dotée d'une remarquable énergie qui doit soulever les danseurs. Pas d'arrangements compliqués ici qui nuiraient à la cadence mais un jeu souvent à l'unisson ou en harmonies parallèles. Et de ce fait on en apprécie que davantage les petits passages qui sortent de ce schéma.
Un bonheur donc à l'écoute de ce disque mais qui donne furieusement envie de les entendre en bal (en acoustique ou bien sonorisés cela va de soi...)....


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(1) et dans les cas de Duo des Cimes il faut ajouter des cassettes.... Ajoutons également que les 33 tours utilisés par Traucaneu sont... de Jean Ségurel... il ne faut rien négliger... et ils ne sont pas les premiers à puiser à cette source.
(2) une pratique pas récente puisque Mélusine par exemple l'utilisait dès les années 70
(3) une formation finalement pas si courante et qui a pourtant fait ses preuves du temps de Café Charbon....
(4) le livret nous apprend d'ailleurs qu'il a emprunté deux des trois pieds qu'il utilise ici, comment fait-il en bal ?.... Et n'oublions pas qu'il joue et donne des cours de uilleann pipe donc ce n'est pas un dilettante côté tuyaux...
(5) Victor Alard par exemple dans l'ouvrage d'Agnès Unterberger et al.

Rappels (toujours très partiels)
Anne-Lise Foy
: voir à partir de TendM
CD TendM


Tiennet Simonnin : voir à partir de : Mister Klof "Le galant indiscret"
CD
              Mister Klof

Camille Raibaud voir à partir de En Cadència
CD En Cadencia





Cédric Bachèlerie
"Cabrette - Musique traditionnelle du Livradois"


Cédric Bachèlerie

Les vrais amateurs de cabrette sont comme les vrais amateurs de chocolat : ils préfèrent déguster pur pour mieux apprécier toutes les subtilités. Et ici les conditions sont particulièrement bonnes puisque dès les premières secondes la qualité de la prise de son saute aux oreilles : l'instrument est vraiment présent et les nuances de jeu parfaitement audibles.
La première question est, naturellement, comment pourrait-on qualifier le style de Cédric Bachèlerie ? Et je pense que finalement ce qui le qualifie le mieux c'est l'absence de tout systématisme...Selon le type de mélodie, voire selon le style de phrase, les mêmes notes seront plus ou moins vibrées ou droites. Ainsi si sur un regret il montre la qualité et la souplesse de ses vibrés, sur des airs plus rapide les vibrés sont bien plus discrets voir même absents sur des finales de phrases et cela passe parfaitement (1). Les trilles de la main supérieure sont un peu plus présents et il ne craint pas les attaques glissées (voire un peu beaucoup sur Ai vist lo loup...). Quant aux picotages, il les maîtrise fort bien et en use avec parcimonie mais placés à bon escient pour relancer l'attention, leur réservant les rappels à la fondamentale (comme dirait un ami joueur de 16 pouces : au moins un cabrettaïre qui ne joue pas en morse...). Et tout cela est agencé de manière à ménager un jeu ou chaque reprise apporte ses particularités, ses petites surprises : tout l'intérêt d'un jeu traditionnel et particulièrement à la cabrette.
Le répertoire provient en majeure partie du Livradois (région autour et au sud de Thiers, entre Puy-de-Dôme et Haute-Loire, un pays bien moins réputé pour ses cabrettaïres que ceux des monts d'Auvergne et alentours. D'ailleurs nombre des transmetteurs de ces mélodies sont des accordéonistes, chanteurs, vielleux, clarinettiste et... curé. Ceci nous vaut un répertoire assez original, et si on y retrouve quelques standards, ce sont dans des versions différentes, voire bien différentes... (2)
Le livret est encore plus détaillé que d'habitude chez AEPEM et nous avons droit à maintes petite biographies, non seulement des collectés mais également des collecteurs, ce qui permet de mettre en avant un "cercle" de musiciens pas vraiment du revival des années 70, parfois antérieurs, davantage impliqués dans les milieux folkloriques mais tout aussi passionnés par l'instrument et le répertoire.
Et je ne le précise pas pour chaque opus de cette collection mais à l'heure ou nombre de photographes croient faire du noir et blanc juste en enlevant les couleurs de leurs photos (voire pire en ne se décidant pas entre la version couleur et la version noir et blanc d'un même cliché), cela fait du bien de voir ces beaux portraits en vrai noir et blanc pensé et travaillé dus à Patrick Auberger....

(1) alors que cela me manque souvent, même à l'écoute de certains cabrettaïres réputés
(2) je m'étonne d'ailleurs que le lien ne soit pas fait dans le livret entre la "bourrée de Léon Lestrade" et la bourrée à Ribeyrolle (bien connue notamment par sa version qui ouvrait le 33t de Café Charbon), la première semblant une variation sur cette dernière avec ajout d'une partie.

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Rappel : sorti en même temps et chez le même éditeur, au sein du trio Ati me care "Sur le vif"

Ati me care



Duo des Cimes
"Adiu Amors !  - Musique traditionnelle de Gascogne, Béarn et autres lieux"


Duo des Cimes

Un nouvel album de cette collection "Roulez jeunesse !"  d'AEPEM destinée à mettre en lumière de jeunes musiciens : c'est ici une bonne chose pour l'acheteur car cette collection est proposée à un prix un peu moindre, mais ce duo certes jeune a déjà bien commencé à faire ses preuves (vainqueur du concours des petites formations au Son Continu 2022) et, surtout, tous deux font montre d'une remarquable maturité musicale qui les place d'emblée au niveau de nos musiciens confirmés...
 Je dois régulièrement écrire qu'il ne faut pas se fier à la première plage d'un album pour en juger car, désireux d'en mettre plein la vue, les groupes placent souvent en tête une mélodie maquillée comme une voiture volée... Mais ici, au contraire, cette première plage montre que notre duo, avec cette maturité dont je viens de faire mention, et peut-être également grâce à l'appui de leur conseiller musical (1) Alain Cadeillan, sait s'affirmer tout en douceur. C'est à la voix que débute Anaïs Perrinel, ce qui nous évitera d'emblée de les considérer uniquement comme un duo violon-boha. Une voix qui semble faite pour chanter en occitan et, c'est là où c'est encore plus intéressant, une voix qui est tout aussi expressive lorsqu'elle passe en français, alors que souvent le français apparaît plat lorsqu'il succède ainsi à l'occitan. Cela tient aux belles inflexions d'Anaïs, inflexions que l'on retrouve dans son jeu de violon, expressif sans jamais tendre vers l'excès et très inspiré dans les arrangements, notamment dans ces accompagnements aussi discrets qu'efficaces, façon presque violoncelle parfois.
Car tous deux ont bien compris le fonctionnement d'un duo et ils ne jouent pas souvent à l'unisson, voire même simplement en voix plus ou moins homorythmiques : non, même si leurs instruments sont principalement mélodiques, lorsque l'un prend la mélodie, le second passe quasiment toujours en accompagnement dans un registre bien différent ce qui donne du relief à cette toute petite formation.
Mais je n'ai pas encore parlé de Naël Tripoli qui joue non seulement fort bien de la boha avec un jeu tout à la fois très précis et ornementé (2) mais également du diatonique avec une dextérité qui n'a rien à envier à certains chromatiques et à l'écoute des bourrées d'Auvergne et Limousin je sens un côté un peu rebondissant qui me laisse penser qu'il a du tâter aussi du répertoire basque... Il semble préférer le diatonique pour les mélodies qui nécessitent davantage de pêche et n'hésite pas à tenir des bourdons sur sa boha pour accompagner le chant
Chaque plage mériterait d'être décrite individuellement mais je me contenterai de citer :
- le "branle en couple" qui rappellera de bons souvenirs à pas mal d'entre vous car c'est une reprise d'un arrangement de Perlinpinpin que l'on retrouve avec plaisir; reprise très fidèle avec juste ce qu'il faut de petites originalités pour justifier ce nouvel enregistrement (en soulignant qu'ils l'assurent à deux seulement, même s'il me semble que le violon est sur deux pistes),
- la valse à Tarrit qui clôt l'album (3), valse musette qui vient s'il en était encore besoin confirmer qu'au sein de ce duo gascon, Anaïs maîtrise aussi parfaitement la chanson française et Naël le diato musette.

Un album "Roulez jeunesse" donc, mais que vous risquez de garder longtemps dans votre discothèque où il devrait très bien vieillir...

(1) c'est mieux que "coach" non ? Pour notre plaisir il prend également sa boha sur l'une des plages mais tellement en phase avec Naël que ne serait-ce les accords, sa participation passerait presque inaperçue.
(2) et l'on a pu voir son stand de facteur de boha au Son Continu 2024
(3) associée à l'une des deux compositions de l'album

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Joseph Ligault et les Potajos
"Airs tombés du bord de ma mémoire"


Joseph Ligault

Voici un album pour le moins original comme en témoigne le courrier qui l'accompagne et que je vous livre ci-dessous car il me semble indispensable pour bien comprendre l'esprit de cet album (que le livret explique un peu également).
Quel plus bel hommage rendre à un ami musicien que de réaliser juste à temps avant son décès (ce qui est toujours mieux que tout ce que l'on peut faire ensuite) l'album qu'il projetait de longue date pour faire partager ses compositions à danser. Un projet qu'il avait débuté en solo sur cassette et qui se voit ici interprété par pas moins de 15 de ses amis (1), d'Alsace et au delà réunis pour l'occasion sous le nom de "Potajos"...  Ce qui nous fait en tout 16 musiciens car arrangements et enregistrements ont, pour une majorité des plages, été réalisés autour de ce que Joseph avait déjà enregistré seul sur ses divers instruments à vent. C'est Gilles Péquignot (Au Gré des vents) qui a été principalement à la manoeuvre, naturellement épaulé par Danyèle qui, outre quelques parties instrumentales, a assuré le mixage.

L'album s'ouvre sur une sympathique valse à cinq temps et ce ne sera pas la seule de l'album (deux à 8 temps également et même une scottish-valse à cinq temps) et c'est probablement ce type de répertoire qui sonne le mieux au sein de ce CD. Mais on trouvera sur celui-ci également des danses de diverses régions, du rondeau à la gavotte, en passant naturellement par des bourrées et des danses de couple. Est naturellement présente la composition actuellement la plus connue de Joseph : la suite qu'il a composée pour les Grandes Poteries : une bourrée qui conserve presque la même structure rythmique et qui s'enchaîne donc très bien avec le standard berrichon, sans perturber les danseurs et de manière très agréable pour les musiciens (2).

Comme souvent dans les albums recueils de compositions, certaines sont plus inspirées que d'autres mais il y a assurément de quoi trouver son bonheur au sein de ses enregistrements d'autant que vous disposez de toute liberté pour adapter ces compositions à vos couleurs musicales.

On admirera le travail réalisé par Gilles et l'ensemble des musiciens car ce ne doit pas toujours être facile de travailler à partir d'une première voix déjà fixée et enregistrée en solo et pas forcément dans une optique de publication. Mais le résultat est là, parfois même excellent et je citerai juste la très émouvante "Valse tendre pour un adieu..." qui clôt l'album, débutant avec l'harmonica de Joseph juste discrètement soutenu au piano, et auquel viennent se joindre progressivement tous les "Potajos".

(1) Alexis Gutierez, Anne et Dominique Manchon, Anne Ostertag, Bernard Freundenreich, Claire Monestier, Evelyne Foerster, Isabelle Loeffler, Jean-Jacques Petat, Laurent Gentil, Martine Beyer et Pascal Cranga
(2) et qu'il peuvent continuer avec le Port d'Amsterdam mais là c'est un peu plus technique et ce n'est plus libre de droits...

Lettre Astrid

Rappels :

On peut entendre Joseph Ligault sur Youtube et Facebook

Au Gré des Vents (les premiers sont téléchargeables sur http://www.carnetdebal.org/index.php/au-gre-des-vents/les-cd-du-groupe pouquoi ne pas y avoir mis celui ci-dessus ?) :
1992 En attendant

1994 Du Piment dans le Kugelhopf

1997 Le colporteur
Le colporteur

2001 La fiancée du diable
La fiancée du diable

2003 Fraxinelles
 Fraxinelles


2009 Etoile du matin
Etoile du matin

2013 Soll Lawa

2017 Uf da Bari

Gilles Péquignot intervient à la gaïda sur La Poupée du Loup et Pouce étiré "Rituel Mélange"
CD Rituel mélange de La
                    Poupée du Loup


Dominique Manchon : voir à partir de
Dominique Manchon et Yves Cassan "En Tornar"
vers la
                chronique d'En Tornar





Etienne Lagrange
"Violon - Musique traditionnelle de Normandie"


Etienne Lagrange

Cette désormais indispensable collection instrumentale (comme l'ont été certaines des précédentes...), outre le fait de mettre l'éclairage sur une tradition instrumentale particulière, permet de mettre en avant des musiciens reconnus localement mais pas encore assez hors de leur région bien qu'ils ne soient plus du tout des débutants. C'est le cas des deux opus de l'été 2024 avec l'auvergnat Cédric Bachelerie à la cabrette (voir chronique sous peu) et, ici, le normand Etienne Lagrange (1) au violon. Violoneux, collecteur, second pilier de la très active association La Loure, ancien du Diabl' dans la fourche, j'ai déjà eu l'occasion de vous parler d'Etienne Lagrange comme membre du groupe Joli Gris Jaune ainsi que comme co-auteur du très intéressant ouvrage-CD "Les chansons du cousinage" (2).

Conformément au cahier des charge de cette collection, il interprète ici uniquement des airs traditionnels, tous collectés en Normandie (3) et en pur solo, ce qui ne l'empêche pas de chanter par dessus son violon sur quelques plages.
La première plage annonce la couleur de manière presque caricaturale avec des doubles cordes à vide très appuyées : Etienne pratique le jeu traditionnel du violon à danser qui cherche l'efficacité comme le faisait les violoneux qui jouaient en solo et sans sonorisation. L'écoute de cette première plage permet d'ailleurs de reconnaître bien des ornements et autres particularités de jeu qui sont familières à ceux qui ont écouté un minimum d'enregistrements de collectage de violon (pas forcément normand d'ailleurs car il y a visiblement des constantes qui dépassent les limites régionales et dans le livret Etienne reconnaît ne pas se limiter strictement à un "style normand" que le nombre de collectages réalisés ne permet pas de définir suffisamment). Mais tout cela est placé à bon escient et avec goût ce qui nous évite le côté catalogue que cela aurait pu donner. Et naturellement Etienne joue avec une cadence impeccable qui permet à ces ornements de tomber parfaitement à leur place et de remplir leur rôle. Il apparaît donc rapidement que ce jeu qui pourrait paraître brut lors des premières secondes (voire un peu folkeux des années 70), est en réalité d'une belle complexité et d'une totale maîtrise  . Et si vous n'êtes pas convaincus dès les premières plages l'album garde pour la suite quelques morceaux dont la finesse de jeu pourra paraître plus évidente.

Le répertoire comporte quelques standards transrégionaux, dont certains peu joués depuis les années 70 et il fallait bien ce niveau d'interprétation pour leur redonner une nouvelle vie. Mais l'album permet naturellement aussi de découvrir de belles mélodies (à danser ou issues de chansons)

A l'heure ou l'autotune et autres effets de mixage envahissent les ondes, que cela fait du bien d'entendre ainsi l'attaque du crin, la résonance de la caisse, les harmonies particulières des doubles cordes, les échelles particulières !...

(1) Ne pas confondre avec Sébastien Lagrange l'accordéoniste morvandiaux...
(2) deux belles références que le livret ne met pas en avant....
(3) pour deux plages issus de recueil ancien ou cahier de répertoire.

http://www.aepem.com  et https://laloure.org

Rappels :
Le diabl' dans la fourche "Des pieds et des mains" 1998

Joli gris jaune "La longue errance"
Joli gris jaune

Livre-CD (collectages) par Robert Bouthillier, Yvon Davy, Eva Guillorel et Etienne Lagrange "Les chansons du cousinage -Normandie - Amérique du Nord"

 Les
                      chansons du cousinage


Lihou "Réveillez-vous car il est jour - Musiques traditionnelles des îles anglo-normandes"

Etienne Lagrange a également participé aux albums de collectages édités par La Loure, en tant que collecteur d'une part et en tant que co-concepteur et co-realisateur avec Yvon Davy. Voir entre autres les CDs suivants que je vous avais chroniqué :
Bocage virois.Mortainais.Domfrontais.Pays de Caux.
de même que ce livre-CD, consacré au Cotentin
Chansons et traditions
                    orales du Cotentin




 
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