1er
encadré spécifique Sons da Terra
Bravos Trad. Magazine pour la collection dans son ensemble.
Ed. SONSdaTERRA
Rua Miguel Torga, 115 - Quinta das Rosas - Vilar do
Paraíso
4405-880 V. N. GAIA
Tel/Fax: 22 7132457
e-mail: sonsdaterra suivi de @netc.pt
http://attambur.com/OutrosSons/Portugal/SonsdaTerra/sons_da_terra.htm
En matière de musique traditionnelle portugaise
vous ne trouverez en France guère autre chose que du
Fado. Ceux d'entre-vous qui s'intéressent, en
particulier, aux traditions de cornemuse (gaita) du nord
Portugal connaissent toutefois certainement les
enregistrements d'Anne Cauffriez chez Ocora ("Portugal
Tras-Os-Montes- Chants de blé et cornemuses de
berger" 1980 réédité en CD), ceux de
Michel Giacometti (Portuguese Folk music vol.2 "Tras os
Montes" ed. Strauss) ainsi que, plus récemment le CD
de la Talvera "Mirandun, Mirandela"
consacré à une petite région à
l'intérieur de la province de Tras-Os-Montes, dont le
livret très conséquent est un modèle du
genre (1).
(1) Pour être complet, je dois
également citer le CD "Musical tradition of Portugal"
ed. Smithsonian/Folkways qui couvre l'ensemble du pays
(distribué en France).
Voici une collection de CD de collectage,
réalisée par Mario Correia, récente
mais déjà impressionnante par son volume, qui
donne une dimension nouvelle à ces traditions
instrumentales et chantées jusqu'à
présent présentées comme plus ou moins
moribondes. J'ai été personnellement surpris
par la qualité des gaiteros qui, tous, bien
qu'autodidactes, témoignent d'un jeu, presque
toujours aisé, poli par une longue pratique festive.
Après avoir écouté cette série
on ne peut qu'être convaincu que la tradition de gaita
du nord-Portugal est bien davantage qu'une excroissance
fossile de la tradition galicienne comme on le pense
généralement. Il est d'ailleurs probable que
cette édition participera également à
une prise de conscience locale de la valeur de ce
patrimoine. Attention, ces CD ne diminuent en rien
l'intérêt des trois CD cités ci-dessus
qui offrent, pour les deux premiers cités,
l'intérêt d'enregistrements
légèrement plus anciens et, pour celui de La
Talvera un livret très utile à ceux qui ne
lisent pas le portugais. Il me faut encore préciser
que si les CD déjà parus dans cette collection
sont fortement centrés sur le nord-est du pays et
que, pour l'instant le jeu de gaita et le chant y tiennent
une très large place, la collection n'affiche
à priori aucune limite géographique et devrait
donc s'étendre progressivement et se diversifier
(voir ci-dessous le Cd d'accordéon diatonique de
l'Alentejo).
Tout cela me conduit à bousculer les principes
d'attribution des Bravos en ne les attribuant pas à
un ou plusieurs CD particulier mais à la collection
dans son ensemble, car si chaque volume présente un
intérêt documentaire et artistique (à
des degrés variable pour l'un ou l'autre de ces
aspects), le panorama dressé par l'ensemble de la
série, la volonté de publier un tel volume de
documents, de les restituer ainsi à la population
locale aussi bien qu'aux amateurs autres (à l'image
de nos "atlas sonores"), me semblent des points tout aussi
importants. Ajoutons enfin que, bien entendu, certaines
mélodies et certaines chansons se retrouvent sur
plusieurs enregistrements (y compris les trois cités
ci-dessus) et que cela n'est pas sans intérêt
pour qui veut comparer les styles de jeu ou de chant (par
exemple la berceuse "Ro Ro" pour les chanteuses ou "A saia
da Carolina" pour les gaiteros)
Je n'ai pas eu le loisir d'écouter tous les CD
publiés à ce jour mais je vous propose
déjà une brève description de 13
d'entre eux.
................................
Série
Gaiteros Tradicionais
n°1 - Ezequiel Dos
Santos -
Gaitero de Vale Martinho - Mirandela
Durée : 52'35
Le plus ancien CD de la collection (enregistré en
mars 1997), utilisant un principe non repris dans les
suivants : chaque morceau est introduit par un petit bout de
conversation. Même lorsque l'on ne comprend pas la
langue, on finit par se laisser charmer par le son de cette
voix, par cette sonorité qui sent la terre, par la
musique de la langue et de l'accent, et qui évite la
lassitude que provoquerait une succession ininterrompue de
plages de gaita. Agé de 80 ans lors de
l'enregistrement, Ezequiel dos Santos possède encore
une belle habileté, son jeu est propre malgré
un accord de bourdon surprenant, ornementé (petites
trilles en particulier), peut-être un peu moins
dansant que d'autres gaiteros ci-dessous.
n° 5 - Eduardo
Francisco Veiga -
Gaiteros "Dias" - Deilao - Bragança
Durée : 28'32
Le jeu de gaita de E.F. Veiga est très
agréable à l'écoute : juste et avec une
bonne cadence (né en 1940 c'est encore un jeune, mais
il est considéré comme le dernier gaitero
traditionnel de sa région…). Je regrette toutefois
que les percussions (caixa et bombo comme le veux la
tradition) soient un peu lourdes, est-ce dû à
la prise de son qui les rend trop lointaines ? Deilao,
village d'où ce musicien est originaire est
très proche de la frontière castillane et le
répertoire mêle danses castillanes et danses de
cette partie de Tras-os-Montes (le livret nous apprend
d'ailleurs qu'il s'est mis à la gaita car les filles
de son village n'avaient de regards que pour les gaiteros
espagnols qui venaient y jouer…)
n° 6 -
Flaminio De Almeida
Gaitero de Casal da Misarela - Coimbra
Durée : 34'54
Si l'on sent une indéniable pratique dans le jeu
de ce gaitero, cet enregistrement est certainement l'un des
plus brut de la série avec une tonique qui a tendance
à rouler et un jeu (entièrement sans
accompagnement) un peu laborieux, en particulier sur les
premières plages (le CD respecterait-il la
chronologie de l'enregistrement original, auquel cas on
sentirait effectivement le musicien se chauffer
progressivement ?). Mais l'intérêt de ce CD est
ailleurs : consultez votre atlas, Casal de Misarela est un
village proche de Coimbra bien au sud des régions
où la pratique de gaita est maintenant reconnue
(Tras-os-Montes en particulier) et Flaminio de Almeida,
né dans ce village et qui y apprit la pratique de
l'instrument est sans doute un des derniers témoins
de la tradition de gaita de la région de Coimbra.
n° 7 -
José Maria Fernandes
Gaitero de Urros - Mogadouro
Durée : 53'50
Peut-être le plus dansant de la série, sans
doute par la présence d'un joueur de tambour (Eduardo
Afonso) très efficace bien que né en 1916. Le
gaitero, au jeu intéressant, est né en 1934 et
le joueur de bombo en… 1989, ces deux derniers
échangent d'ailleurs leurs instruments sur les deux
dernières plages. Le répertoire de cette
région comprend notamment des danses avec
bâtons dont les mélodies peuvent être
jouées ou chantées ("lhaços"), J.M.
Fernandes donne, sur trois plages, la version chantée
puis la version instrumentale de ces lhacos.
n° 8 - Antonio
Ribeiro -"Toni das Gaitas" -
Porto
Durée : 34'15
Né en 1941 Antonio Ribeiro fait figure de jeune
auprès des autres gaiteros de cette série.
Originaire de Tinhela (Valpacos), il réside à
Porto où il joue et fabrique divers instruments. Ce
CD est sans doute le plus facile d'écoute : A Ribeiro
a un jeu très à l'aise, une excellente
rythmique, un jeu ornementé ne négligeant pas
certaines astuces, par exemple les trilles ultra rapides de
la plage 12 dont je n'ai pas percé le mystère,
ou encore la plage suivante commençant par un
à-coup sur la poche. Il est accompagné de
manière efficace par ses deux fils Moises et Rui
à la caixa et au bombo, dans un style qui ne joue
cependant pas autant sur les contretemps que certains autres
percussionnistes de cette aire musicale.
n°9 - Manuel
Paulo Martins -
Gueiteiro de Bal de Mira - Miranda de L Douro
Durée : 50'11
Voilà un gaitero dont on peut lire la biographie
et que l'on peut entendre (sur une plage, accompagné
par deux autres percussionnistes) sur le CD de la Talvera,
ceci me permet de savoir qu'il est né en 1922
à Bal de Mira, précision omise dans le livret
du présent enregistrement. Ce CD est un des seuls qui
n'ait pas été enregistré en une seule
séance par M. Correia : il utilise principalement des
collectages de P. Preto ainsi que des enregistrements
personnels du gaitero (dont quelques-uns en public), il en
résulte une variété de conditions de
prise de son parfois surprenante. C'est un des seuls de la
série où l'on peut entendre le même
gaitero en soliste sur certaines plages et accompagné
de deux percussionnistes sur d'autres. Le jeu de M.P.
Martins est relativement rustique mais, sauf sur quelques
plages, assez à l'aise. Certaines mélodies
interprétées sont d'ailleurs de structure
assez complexe.
n°10 - II
Fiesta de la gaita de fuolhes - Pruoba - Miranda de L
Douro
Durée : 46'50
Les deux premières plages de ce CD surprennent
quelque peu à l'intérieur de cette
série de collectage puisque l'on y entend… La
Bazanca, le groupe castillan de Paco Diez (ce dernier
à la gaita). Cette parenthèse fermée,
sept gaiteros se succèdent ensuite dans
l'enregistrement de ce festival de septembre 2000. Tous sont
accompagnés de deux percussionnistes selon la
formation traditionnelle de cette région. Parmi eux
deux ou trois seulement figurent sur un autre CD de la
série. Cet enregistrement reflète bien la
diversité de niveau et de style des musiciens de
cette collection. On regrettera juste la photo pas
très représentative de la pochette et,
surtout, un livret qui n'indique pas les noms et dates de
naissance des musiciens…
Rappel : le n°3 de cette série (que je
n'ai pas eu l'occasion d'écouter) est consacré
à la première édition de cette
"Fiêsta de la Gaita de Fuôlhes"
......................
Série Cantos
Tradicionnais
n° 2- Clementina
Rosa Afonso
Modas, Lhacos e Rimances
Freixenosa - Miranda de L Douro
Durée : 34' 04
La voix de C.Rosa Afonso a la chaleur, l'agréable
sonorité des voix féminines un peu
âgées. Elle sait parfaitement mettre en valeur
les richesses mélodiques de son répertoire qui
comprend aussi bien des pièces du romancero, des
chants de travail, des berceuses et des "lhacos" (cf.
ci-dessus)
n° 3 - Cantigas
da Segada
Caçarelhos - Vimioso
Durée : 60' 11
Deux chanteuses et un chanteur de la région de
Miranda do Douro pour un répertoire de chants de
travail qui comporte de nombreuses pièces
d'inspiration religieuse qui semblent se chanter à
des moments précis de la journée. Le style de
chant me rappelle ce que j'entendais aux offices durant ma
jeunesse : polyphonies relativement simples, voix un peu
plaintives faisant traîner les notes (probablement
pour profiter de la longue réverbération des
églises, ce qui n'est pas le cas ici, dans les
conditions de l'enregistrement). Quelques pièces
échappent toutefois à cette esthétique
particulière.
n° 4 - Cantos
de la nuossa tierra
Malhadas - Miranda de L Douro
Durée : 47' 29
Cinq femmes ici, aux voix naturelles,
généralement à l'unisson. Un style de
chant agréable dans un répertoire varié
(chants de travail, de danse, romances…), seuls trois chants
religieux sont interprétés dans un style
proche de celui du CD précédent. A noter que
deux des chanteuses intervenaient déjà sur le
CD de M. Giacometti (cf. intro)
.....................
Série Cantos
et Musicas Tradicionais
n° 1- (An)cantos
mirandeses -
Tradiçones musicales d'Aldinuoba - Miranda de L
Douro
Durée : 55' 55
Sept plages interprétées à la
flûte à une main entrecoupent l'enregistrement
d'Ana Maria Fernandes (je n'ai pas trouvé son
âge, mais sa figure ridée en dit plus qu'une
date de naissance..), chanteuse au style un peu monocorde
à mon goût… L'alternance avec les instrumentaux
en rend l'écoute plus agréable. Curieusement
Avelino Torrado, le joueur de flûte à une main,
ne s'accompagne pas lui-même sur un petit tambour mais
joue dans une formation similaire à celle des
gaiteros avec un joueur de caixa et un joueur de bombo.
Malgré quelques hésitations, son jeu est bien
en place et, soutenu par les percussions; on en sent bien
l'aspect fonctionnel.
n° 2-
Tocadores de concertina e cantadores ao desafio -
III encontro nacional - Moncao 98
Durée : 67' 58
Comme le titre l'indique, cet enregistrement a
été réalisé lors de rencontres
d'accordéon diatonique à Moncao
(frontière galego-portugaise), on pourrait s'attendre
à n'y entendre que des solistes, il n'en est rien car
ensembles de diatoniques, solistes (on y retrouve Bernardo
Lopes Povoa (cf ci-dessous) sur 2 plages) et chanteurs
accompagnés par un diatonique alternent au long des
20 plages. Contrairement au CD des rencontres de gaita
décrit plus haut, tous les musiciens sont
nommés dans le livret, plage par plage avec leur lieu
d'origine. Le style des chants, généralement
interprétés à plusieurs est un peu
plaintif avec des voix tendues, l'accompagnement au
diatonique ponctue les fin de phrases chantées par
des accords et entrecoupe celles-ci de petites ritournelles.
n° 3 - Domingos
Esteves Afonso
Paranjolas d'Afonso
Palaçuolo - Miranda de L Douro
Durée : 68' 47
Voici un chanteur (né en 1928) qui possède
indéniablement un style de chant : une voix
plutôt naturelle mais légèrement tendue
et ayant une propension à tenir les notes, à
chanter chaque phrase sur une seule longue expiration, un
style bien adapté aux airs lents qu'il semble
affectionner. Il interprète quelques plages de danses
à l'harmonica avec une bonne cadence et intercale
à l'occasion un couplet chanté..
n° 4 - Al Son
de las Arribas
Freixenosa - Miranda de L Douro
Durée : 53' 23
Le présence de quatre plages chantées en
soliste a conduit l'éditeur à ne pas inclure
ce Cd dans la série sur les gaiteros, mais il s'agit
pourtant essentiellement d'un CD de gaita avec
accompagnement traditionnel par caixa et bombo, le gaitero
exécutant par ailleurs 3 plages à la
flûte/tambourin. On lira avec intérêt le
récit de la vie du gaitero/flûtiste Angelo
Arribas et, surtout, d'André Arribas le joueur de
bombo dans le livret du Cd de la Talvera (un
témoignage sur l'émigration et ses
déboires). Le jeu du gaitero est relativement brut et
les percussionnistes tiennent correctement leur rôle.
Le jeu de la flûte à une main est assez doux
mais avec, néanmoins, une bonne cadence. La voix de
Maria da Piedade Nunes est très agréable, bien
maîtrisée, la chanteuse dispose d'une
excellente cadence qui fait bien balancer les
mélodies, on regrette de ne l'entendre que sur quatre
plages…
....................
Série Tocaderes
de Concertina
Attention, le mot "concertina" n'est pas à
prendre en son sens français : il désigne ici
l'accordéon diatonique.
n° 1 - Bernardo
Lopes Povoa -
Benavila - Avis
Durée : 40' 06
Ce volume nous amène plus au sud, dans l'Alentejo,
presque à hauteur de Lisbonne, ce qui se sent au
niveau du répertoire. B. Lopes Povoa, que l'on devine
autodidacte, fait entendre un style de diatonique
très "collectage" proche de celui de certains
accordéonistes collectés en France (surtout
lorsqu'il joue une mazurka, un peu moins lorsque les rythmes
sont plus typiquement ibériques), avec un jeu de
basse minimal mais cohérent. B. Lopes Povoa sait tout
de même, sur son Hohner deux rangs 12 basses, donner
une bonne cadence à ce répertoire de danse
n° 2 -
Nelson "Vilarinho" -
Covas - Vila Nova de Cerveira
Durée : 32' 18
Plus jeune que le précédent, N. "Vilarinho"
a, sur son Paolo Soprani en perloïd rouge, un jeu
légèrement plus technique que le
précédent et, bien entendu, un bon sens
rythmique. Il est également chanteur, s'accompagnant
alors sur son diatonique. Il est dommage que, comme certains
autres, le livret, ne détaille pas chacune des
plages. On y apprend par contre que N. Vilarinho a
roulé sa bosse hors de sa région avant de
revenir sur cette frontière galégo-portuguaise
(Minho).
Jean-Luc Matte (encadré paru dans le n° 81
janv-fev 2002)
|