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Jean-Luc Matte
Infos mumuses

A la mémoire de Josef Rezny (1924 - 2012)


Jozef Rezny au festival 1989 (cliché JL Matte)

J'ai appris avec presque un an de retard, le décès de Josef Rezny, joueur de cornemuse de Bohême (mais également d'autres instruments dont notamment la contrebasse, l'instrument généralement pratiqué par les leaders d'expérience des groupes de Bohême, pour la simple raison que le contrebassiste maîtrise le tempo du groupe).

Il était surtout connu comme fondateur et organisateur du festival international de cornemuses de Strakonice, le "Saint-Chartier tchèque" mais ceci ne doit pas occulter son important travail de collectage et de recherche sur les arts populaires de sa région.

J'avais eu l'occasion de le rencontrer en 1989 lors de mon premier déplacement à Strakonice, juste avant la chute des régimes de l'est, et il avait eu la gentillesse de me convier dès cette première visite au symposyum qui se tenait juste avant le festival. J'y suis retourné à l'occasion de chaque symposium et/ou festival jusqu'en 1998, observant ainsi tous les deux ans en moyenne, l'évolution de la vie dans ce pays ainsi que celle du festival. Puis les circonstances ne m'ont plus donné l'occasion de m'y rendre et il faut dire également que ma motivation avait un peu baissé, l'esprit du festival ayant progressivement évolué vers une tendance folklorique favorisant les grands groupes en costumes, au détriment de l'aspect rencontre entre musiciens qui prévalait dans les éditions précédentes (notamment en 1989 où Strakonice était un point de rencontre entre cornemuseux de l'est et de l'ouest. Cette évolution est en partie la conséquence des changements au sein du public local : jadis quasi unique lieu d'animation, le festival qui drainait alors une grande partie de la population de la ville se retrouva en concurrence avec des distractions plus actuelles et se vit contraint de donner dans le spectaculaire.

Si sa position d'organisateur lui imposait une certaine rigueur, Josef était d'une grande gentillesse et j'avais notamment pu le constater l'année ou, resté un peu après le festival, j'avais pu lui rendre visite à domicile et discuter plus longuement de musique, mais également de la situation de son pays, vue depuis la province et non pas de Prague comme les médias nous le relataient alors quasi exclusivement.

Soirée entre musiencens lors du symposium de Strakonice 1990, Josef à la contrebasse. Frantisek Benes qui m'avait permis de photographier certains documents ci-dessous dans son album personnel, est le troisième à partir de la droite (devant, en chemise blanche). Il décèdera une ou deux années plus tard. - cliché JL Matte

 


 Biographie sur Wikipedia en français : http://fr.wikipedia.org/wiki/Josef_Re%C5%BEn%C3%BD 

Josef Rezny était un personnage bien plus public que H.W. Dietl auquel j'ai également consacré une page, constatant qu'internet conservait peu de chose sur lui. En ce qui concerne Josef, au contraire, vous pouvez trouver pas mal de photos et autres en cherchant sur les moteurs de recherche.


 

Une très belle vidéo, malheureusement en tchèque retraçant sa vie de musicien, collecteur et organisateur de festival :



Josef à la contrebasse, aux côté d'une de ses filles au violon. A droite Otokar Pokorni à la cornemuse morave. - Symposium Strakonice 1990 - cliché JL Matte


Le témoignage de Fritz Schneider
qui le connaissait de longue date
(c'est d'ailleurs lui qui me l'avait présenté)

Zum deutschen Text

" En 1967 je fis la connaissance de Josef Režný. Avec ma femme et un ami, je voulais visiter une troupe de musiciens et danseurs de Budweis pour parler d'un projet d'accueil de leur groupe en Allemagne et de la visite en retour du cercle de danse d'une association musicale. Puisque le groupe de Budweis participait justement à un festival de cornemuse à Strakonice, nous y allâmes donc et nous nous retrouvâmes au sein de l'animation de jeunes gens de différents pays, le plus souvent dans les costumes multicolores. Ils faisaient de la musique et chantaient sur toutes les places. Trouver le chemin du groupe de Budweis nécessita un certain temps. Nous les trouvâmes enfin dans la cantine d'une usine. Sans discussion, nous avons été invités au repas. Avant que la pause de midi prenne fin, on nous présenta à l'organisateur du festival, Josef Rezný. L'après-midi nous étions conviés en tant qu'invités au festival, assis sur des chaises de jardin dans la cour du grand château, appréciant la diversité du jeu de cornemuse des groupes et solistes. Le groupe de Budweis dansait sur de la musique de danse typique de Bohême avec cornemuse, violon, clarinette et contrebasse.


Josef Rezny en 1967, couverture de la revue Ar Sonern°159 (1967)
Cliquer ici ou sur l'image pour voir la couverture complète (merci à G. Kermarc)

La rencontre suivante avec Josef Rezný, eut lieu deux ans plus tard. Notre troupe de danseurs de Morris-dance et d'épées était en visite à Budweis. Après la fin de la tournée, je démarrais, avec trois autres membres de notre groupe, un circuit au travers de la Bohème. C'était l'occasion d'une visite chez Josef à Strakonice. Sans prévenir je lui rendis visite chez lui et arrivai naturellement à un moment inopportun. Mais nous convîmes rapidmeent que je devais prendre une chambre d'hôtel sur place avec mes amis et revenir le lendemain boire plus tranquillement le café. Nous parlâmes alors en détail des festivals de cornemuse à Strakonice au sein desquels les groupes de danses et musique se rencontraient prioritairement. Josef voulait les organiser annuellement à l'avenir et y inviter de bons groupes de l'étranger. Nous réfléchîmes à la possibilité des relations internationales et l'échange de bibliographie. La situation politique qui avait changé bien désespérément depuis 1967 où nous avions fait connaissance, vint naturellement dans la conversation. Josef parlait un allemand très fluide; certains de ses ancêtres étaient allemands. Le café et gâteau étaient toujours renouvelés.


photo X (image photographiée dans l'album ("Kronik") du joueur de cornemuse Frantisek Benes)

Josef organisait avec le soutien de la télévision, de l'Etat et des groupes locaux, ces festivals internationaux auxquels je pus participer à quasiment toutes les éditions depuis 1977. J'étais toujours impressionné par la musique vivante et les danses rapides des groupes participants. Aux concerts, la cour de château de Strakonice était complètement occupée, en premier lieu par les spectateurs locaux, mais aussi par des auditeurs étrangers spécialisés. Je ne peux pas énumérer ici les groupes qui occupèrent la scène avec talent. Le souvenir de certains solistes m'est cependant resté, comme par exemple John Foster Charlton qui provoquait tout d'abord un sourire incrédule dans le public lors de sa première timide apparition avec ses Northumbrian Small Pipes. Mais après quelques mesures seulement, un silence attentif émanait des connaisseurs.

 
Josef et son groupe sur la scène du festival de Strakonice (1989 cliché JL-Matte)

Comme il était ardu à Josef d'avoir accès à la littérature spécialisée de l'ouest, nous convenions d'un échange qui comblait nos bibliothèques respectives. Nous échangions aussi des photos. Ainsi arriva un rang entier de mes photos dans l'exposition du musée du château de Strakonice dans lequel Josef monta une exposition propre à la cornemuse. Mais Josef et sa famille appréciaient également des choses qui n'avaient rien du tout à voir avec la cornemuse, comme des Cornflakes. A mon tour je recevais notamment des disques.


Josef dans les années 60 probablement. photo X (image photographiée dans l'album ("Kronik") du joueur de cornemuse Frantisek Benes)

Josef beaucoup avait à coeur, les symposiums d'experts en cornemuse. Dès 1978, il me demandai de raconter l'histoire de la cornemuse, dans la cour du musée dans Volyne, tout à fait spontanément et sans préparation. Ce n'était pas du tout facile, puisque je ne pouvais montrer aucune image. Pendant que Josef traduisait chaque phrase séparément en tchèque, j'avais le temps de réfléchir à ma prochaine phrase. Ainsi cela réussit à retenir un petit groupe d'auditeurs malgré le contexte météorologique défavorable d'une fine bruine. Dans les symposiums organisés par Josef qui eurent lieu à partir de 1987 pendant les festivals, des experts de différents pays eurent l'occasion d'informer de leurs connaissances et recherches depuis la facture, l'art populaire, l'histoire et bien d'autres sujets autour de la cornemuse. Les plus principales interventions étaient traduites en tchèque. C'était l'occasion de poseer des questions et de discuter. J'y ai fait la connaissance de différentes personnes qui font encore partie de mes amis aujourd'hui. A partir de 1998, le comité des fêtes ferme n'attacha plus d'intérêt au financement de ces symposiums.

 

Les convictions de Josef ne correspondaient pas toujours à celles des hommes du pouvoir politiques. Entre autres choses, il attachait une grande importance à enseigner le catéchisme danjs une école. C'était, peut-être, l'une des raisons qui lui valu l'interdiction de voyager à l'Ouest. Cela alla jusqu'à lui retirer la direction du festival international dont il était le fondateur et l'organisateur depuis de longues années. Je ne connais pas toutes les données de l'histoire, mais je me souviens cependant très précisément d'une situation tout à la fois tragique et comique. Dans la grande salle de la maison de la culture de Strakonice avait lieu le solennel concert de clôture du festival. Des fonctionnaires de parti tinrent de nombreux discours en tchèque qui n'étaient pas compris par la majorité des participants étrangers présents. De ce fait la salle était dissipée. Les participants rencontraient de vieux amis ou faisaient la connaissance de nouveaux. A ce moment entra un orchestre choisi par les nouveaux organisateurs. Les jeunes hommes n'avaient apparemment aucunement conscience que, dans la salle étaient assis des centaines de participants au festival, tous les meilleurs musiciens qu'eux. Quand de la salle un groupe des Bretons avec cornemuses et bombardes vint sur scène, l'orchestre se retira discrètement. Ensuite, les différents groupes se succédèrent. La conduite de la soirée avait complètement échappé aux organisateurs. Maintenant, l'atmosphère de la salle devenait magnifique, et la soirée dura très longtemps. Josef ne s'était pas assis dans la salle; il n'en faisait déjà plus partie. Mais il était assis au restaurant attenant. De là il pouvait entendre tout qui se passait dans la salle. Il secouait la tête en souriant, ne sachant s'il devait rire ou pleurer. De vieux amis s'asseyaient toujours à sa table, lui tapant sur l'épaule et trinquant avec lui.

 

La mort de Josef n'est pas survenue pas à l'improviste, sa santé s'étant altérée de longue date déjà.. Après qu'il eut de nouveau coopèré avec le comité des fêtes, il finit par se retirer progressivement de ces tâches. Mais il était toujours l'invité acclamé aux festivals et fut ovationné en 2010 sur la scène, devant une cour du château entièrement occupée."


Fritz Schneider, X, Ernst Wilzek et Tibor Ehlers. Strakonice 1989 - cliché JL Matte


Voir les chroniques que j'avais rédigées sur son livre sur les cornemuses sorabes "Der Sorbische Dudelsack" (cliquer sur l'image pour lire ma chronique de cet ouvrage)

ainsi que sur son CD "The Hidden Spell of the Czech Bagpipe"

Il ne s'agit naturellement là que de deux échantillons de la production bien plus large, tant discographique que bibliographique de Josef, sous son nom propre ou au titre du festival.

Citons également sa méthode de Dudy qui figure dans ma page sur les méthodes de cornemuses depuis la création de cette dernière


Voir quelques photos de l'édition 1998 du festival de Strakonice


 

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