Jean-Luc Matte
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Interview de Laurence Bourdin

Recueilli par Jean-Luc Matte après son concert à Parthenay en août 2001

Laurence Bourdin

 

Avant d'en arriver à ce concert soliste, quel a été ton parcours ?

Je suis autodidacte dans le sens où je n'ai pas suivi un prof. ou un cours en particulier, mais j'ai rencontré pas mal de gens, de joueurs de vielle, de musiciens qui m'ont influencés. Au départ j'ai eu un voisin, en Périgord, qui jouait de la vielle et qui m'en a appris les bases puis, quand cette première personne m'a transmis tout ce qu'elle savait, je suis allé voir d'autres gens et puis d'autre encore par la suite… Parmi les joueurs de vielle connus qui ont marqué ma pratique et mes choix musicaux, je dois citer Michel Lemeur qui a fabriqué ma première vielle, puis Maxou Heintzen, Valentin Clastrier et Gilles Chabenat. Ce sont des gens de qui je me suis vraiment inspiré, avec lesquels j'ai joué, avec lesquels j'ai également beaucoup discuté ce qui est presque aussi important. Et puis il y a eu d'autres musiciens, qui ne sont pas joueurs de vielle mais avec lesquels j'ai joué et qui m'ont apporté davantage au niveau musique, car s'il faut d'abord savoir dompter son instrument, il faut ensuite savoir ce que l'on veut faire avec. J'ai donc eu l'occasion de jouer avec Michel Marre sur une création puis beaucoup avec Miqueu Montanaro sur deux créations. Ce sont des gens très proches du trad. mais qui font d'autres choses et cela donne envie, soi-même, d'ouvrir des portes, ce qui n'aurait peut-être pas été le cas si je n'avais côtoyé que des joueurs de vielle. L'entrée dans le Viellistic orchestra a été vraiment importante dans mon parcours de vielliste parce que Pascal Lefebvre explore vraiment l'instrument à fond, que lui-même a fait cette démarche d'aller vers des musiciens qui ne sont pas des joueurs de vielle et qu'il a ainsi des horizons musicaux très ouverts.

 

On sent dans ton jeu une influence importante de Pascal Lefebvre

Oui, d'abord parce que nous avons des vielles du même luthier (Philippe Mousnier), ce sont des vielles qui ont des timbres, des réglages très particuliers et cela influe énormément sur le jeu : j'ai cette vielle depuis deux ans maintenant et j'ai donc deux vielles à la maison qui sont des instruments différents, qui n'ont rien à voir, sur lesquels je ne joue pas du tout les mêmes choses. Cette vielle avec ses possibilités, ses réponses tant au clavier qu'à la percussion, la présence des bourdons, me mène sur des chemins musicaux forcément similaires à ceux de Pascal et je crois que ce serait le cas même si nous ne nous étions jamais rencontrés.

 

Les vielleux qui mènent ce type de recherche sonore et musicale s'appuient généralement d'abord sur la présence des bourdons, tu sembles, au contraire privilégier le chien, le coup de poignet.

J'utilise beaucoup l'aspect rythmique de l'instrument. L'instrument dispose d'une partie mélodique et d'une partie rythmique que je traite complètement séparément. J'essaye d'avoir deux instruments, de ne pas lier le jeu du chien à la mélodie. Les bourdons servent à créer un environnement, un mode, à fixer le cadre dans lequel je vais jouer dans la mesure où je joue essentiellement de la musique modale. La percussion est là pour donner un rythme, compléter la mise en place du climat. Dans la musique arabo-andalouse sur laquelle j'ai pas mal travaillé, avec le Viellistic et d'autres musiciens, il y a ces notions de mode et de rythme qui sont deux choses déjà riches par elles-mêmes et sur lesquelles on peut s'asseoir pour développer une mélodie, une musique.

 

Ton concert soliste était une commande du festival de Parthenay, comment as-tu abordé la préparation de cette première ?

C'était un vrai challenge, j'avais le choix de le relever ou non et j'ai accepté le défi. Je joue avec un groupe "Cachemire" avec lequel nous faisons beaucoup de musiques modales et j'ai repris certaines compositions de ce groupe. Mais j'ai dû les adapter pour soliste car je ne dispose plus de la même assise harmonique et rythmique qu'au sein d'un groupe de quatre personnes. Si tout le monde sait que la vielle est un instrument complet avec la mélodie, l'accompagnement et la rythmique, là il fallait que je le fasse réellement. J'ai utilisé également des morceaux que Miqueu Montanaro m'a écrits spécialement. Je n'ai utilisé que des pièces qui sont très fortes pour moi : dès le départ j'ai choisi ce que j'allais jouer mais il fallait ensuite que je trouve une cohérence, un lien entre tout cela et, du fait que ces morceaux sont tous très forts pour moi, ce lien, ce fil conducteur s'est imposé de lui-même.

 

Ton spectacle commence par une partie dansée, pourquoi ce choix ?

Tout simplement parce que j'aime beaucoup danser, que j'ai dansé avant d'être musicienne. Je viens du nord-Périgord qui est un pays de bourrée et je vis maintenant en Lozère qui est également un pays de bourrée. Cette danse me colle à la peau, son rythme à trois temps, sa gestuelle m'inspirent vraiment tant en danse qu'en musique. J'y puise énormément et c'est pour cela que j'ai souhaité ouvrir mon spectacle sur cela.

 

A part la dernière chanson, ton concert ne comporte aucun traditionnel ?

Non aucun. Le premier morceau est une bourrée écrite par Miqueu Montanaro qui, même si elle est dans un mode que l'on n'a pas l'habitude d'entendre, est, pour moi, vraiment une bourrée. Je joue, par ailleurs, beaucoup de musique traditionnelle et je pense qu'il n'y a pas de coupure entre le répertoire traditionnel et ce que l'on peut écrire aujourd'hui si l'on est complètement imbibé par ces rythmes, par ces modes, par ces esthétiques.


 

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